Les saints de Pologne étaient tchèques
Vainqueur de la Pologne (1-0), samedi, à Wroclaw, l’équipe de République tchèque de football s’est qualifiée pour les quarts de finale du championnat d’Europe. Pour la première fois depuis l’Euro 2004, où ils avaient échoué en demi-finales, les Tchèques passent donc le premier tour d’un grand tournoi. Et comme en 1996, où elle était parvenue jusqu’en finale, la Reprezentace retrouvera le Portugal, jeudi, pour un quart de finale déjà très attendu par un peuple tchèque qui, en l’espace d’une semaine et après plusieurs années d’amour-haine, a retrouvé la foi en son équipe de football.
Et, franchement, qui l’eût cru ? Qui l’eût cru il y a seulement une semaine de cela après la lourde défaite initiale contre la Russie (1-4), défaite qui avait littéralement pris les allures d’une bérézina ? Qui croyait la République tchèque, critiquée de toutes parts et à juste titre pour l’indigence de son jeu, encore capable de battre successivement la Grèce et la Pologne chez elle ? Que ceux qui n’avaient alors pas jeté la pierre au sélectionneur Michal Bílek pour la frilosité de ses choix ou à l’attaquant Milan Baroš pour la faiblesse de ses prestations lèvent le doigt…
Se qualifier, c’est pourtant bien ce que les hommes de Michal Bílek ont réalisé. Et s’ils ont parfois eu un peu de chance, il serait aussi malhonnête de ne pas reconnaître que leurs deux victoires successives obtenues d’abord contre la Grèce (2-1) mardi, puis contre la Pologne ont été méritées. Certes, pendant la première demi-heure samedi, les affaires ont semblé bien mal engagées : nettement dominés par une équipe polonaise surmotivée et soutenue par son fantastique public, dépassés comme tétanisés par l’enjeu, les Tchèques ont frisé la correctionnelle à plusieurs reprises. Aidés par la maladresse ou le manque de réussite des attaquants polonais, ils ont toutefois su s’accrocher et laisser passer l’orage, au sens propre comme figuré, avant de parvenir à mettre le pied sur le ballon et prendre le contrôle d’un match progressivement devenu à sens unique, ou presque. Couronnement logique de cette maîtrise et emprise tchèques, le but décisif de Petr Jiráček en milieu de deuxième mi-temps (72e) a ensuite fini de les libérer…Pas forcément nécessaire avant le coup d’envoi, un résultat nul avec la Pologne pouvant éventuellement suffire pour la qualification, ce but était devenu indispensable à la mi-temps, puisque la Grèce menait alors 1 à 0 contre la Russie dans l’autre match du groupe. Or, en cas de succès grec, une victoire devenait impérative pour les Tchèques s’ils voulaient atteindre les quarts de finale. Le score nul et vierge de buts à la mi-temps du match Pologne - République tchèque ne faisait donc les affaires d’aucune des deux équipes, la Pologne étant elle aussi dans l’obligation de gagner pour poursuivre sa route dans la compétition. Au retour des vestiaires, les Tchèques ont par conséquent attaqué la deuxième mi-temps avec des intentions plus offensives, comme l’expliquait Petr Čech :
« Oui, on connaissait le résultat de l’autre match. Mais nous sommes restés concentrés sur nous-mêmes. On ne voulait pas être dépendants d’un miracle. On est revenus sur le terrain avec l’idée de marquer pour gagner et être sûrs de notre sort. Je pense que notre envie et notre volonté se sont vues pendant toute la deuxième mi-temps. Nous avons eu plusieurs occasions avant notre but. Après, les Polonais ont lancé tous leurs attaquants, ils ont procédé par longs ballons, ce n’était pas évident pour nous, mais je crois qu’il faut féliciter l’ensemble de l’équipe pour la façon dont elle a géré la fin de match. »Très critiqué par la presse, sifflé par les supporters à l’annonce de son nom, le sélectionneur Michal Bílek était bien entendu lui aussi très heureux de la qualification de son équipe. Mais sans considérer celle-ci comme une revanche personnelle, l’entraîneur tchèque a d’abord tenu à rendre hommage à ses joueurs et salué leur caractère lors de la conférence de presse à l’issue du match contre la Pologne :
« Nous avons su nous montrer patients et saisir notre chance quand elle s’est présentée. Nous avons marqué et, après, nous nous sommes accrochés et battus pour conserver notre avantage. Le premier match contre la Russie ne s’est pas bien passé. Nous étions dans une situation difficile, mais les garçons ont démontré une grande force morale. Notre objectif avant le début du tournoi était de passer le premier tour et nous y sommes parvenus en terminant à la première place. Personne n’y aurait cru après le premier match contre la Russie. Maintenant, nous visons les demi-finales et une médaille. »Avant d’envisager la suite du tournoi et une éventuelle place sur le podium de cet Euro 2012, les Tchèques ont toutefois d’abord savouré l’instant présent samedi soir avec leurs milliers de supporters présents à Wroclaw, dans le stade comme en ville. Car même si leur victoire contre la Pologne est finalement apparue relativement logique au vu de la dernière heure de jeu, ce n’est néanmoins pas sans mal qu’elle a été acquise, comme l’analysait Petr Čech sitôt le coup de sifflet final :
« A la différence du match contre la Russie, où nous avions fait une bonne entame avant de passer au travers, nous avons mal commencé aujourd’hui. L’importance de l’événement nous a rendus fébriles et les Polonais ont su profiter de nos erreurs et de nos imprécisions. Mais nous avons su reprendre le dessus au fil du match. Nous nous sommes créé des occasions et je pense que notre but et notre victoire sont mérités. »Au passage, le gardien tchèque, lui aussi touché par certaines critiques qui lui reprochaient de ne pas être aussi décisif en équipe nationale qu’avec son club de Chelsea, n’a pas oublié d’adresser un petit message d’adieu à la Russie, une équipe que beaucoup, et les Russes eux-mêmes les premiers, voyaient aller loin dans la compétition après sa démonstration contre la République tchèque. Petr Čech :
« Nous avons six points et aucune autre équipe n’a fait mieux que nous. Notre qualification est donc méritée. Cela confirme ce que j’avais dit après la défaite contre la Russie : que les premiers matchs ne sont pas décisifs dans un tournoi comme l’Euro. Ce premier match, les Russes (‘Rusáci’ en version originale, appellation péjorative qu’emploient les Tchèques pour désigner les Russes) l’ont gagné contre nous et ce sont eux qui rentrent à la maison ! »
Les Tchèques restant au moins quelques jours encore en Pologne, ils doivent donc désormais préparer leur quart de finale contre le Portugal, jeudi soir, à Varsovie ; un match qui constituera une revanche du quart de finale de l’Euro 1996, où la République tchèque, sur la route de la finale, s’était imposée 1 à 0 grâce à un lob génial de Karel Poborský. A l’époque, Cristiano Ronaldo n’avait que onze ans… Plutôt satisfait d’éviter l’Allemagne en quarts de finale, Michal Bílek avoue que s’il ne connaît pas encore son prochain adversaire sur le bout des doigts, il est néanmoins bien conscient de la difficulté de la tâche qui attend son équipe :« Pour être honnête, jusqu’à présent j’ai consacré mon attention essentiellement à mon équipe, bien plus qu’au groupe du Portugal. Je n’ai donc pas encore vu les matchs du Portugal dans leur intégralité… Mais, bien sûr, je sais bien quelles individualités et quels joueurs de talent composent l’équipe portugaise. Ronaldo, Nani, Pépé, ce sont autant de joueurs parmi les meilleurs au monde… »
Comme pour le match décisif contre la Pologne, le sélectionneur pourrait une nouvelle fois être privé contre les stars portugaises des services de son capitaine et meneur de jeu Tomáš Rosický, toujours blessé au tendon d’Achille :
« Bien entendu, nous devons travailler en nous préparant à l’éventualité que Tomáš ne sera pas rétabli et ne pourra pas jouer. Mais il reste encore quelques jours avant le match et nous faisons le maximum pour qu’il soit dans un état qui lui permette de tenir sa place. Avant le match contre la Pologne, Tomáš était presque incapable de marcher. Mais son état de santé s’améliore de jour en jour. Je reste donc optimiste sur sa participation. »Optimistes, avec ou sans Rosický, ce sont presque tous les supporters tchèques qui le sont redevenus ; des supporters qui, contre la Pologne, ont même applaudi un Milan Baroš enfin retrouvé et qui, signe de son soulagement, est passé brièvement devant la presse :
« Je voudrais dire une seule chose : je voudrais remercier tous les gens qui nous ont toujours soutenus, que ce soit pendant les qualifications ou au début du tournoi. Ces quelques milliers de personnes ne nous ont pas tourné le dos et cette qualification est aussi la leur. Je tiens vraiment à les remercier. »Reste désormais à savoir qui remerciera qui jeudi soir : les supporters les joueurs pour la qualification ou les joueurs les supporters malgré l’élimination… Ou inversement…