Exposition consacrée à Theodor Pištěk, peintre et costumier oscarisé
Il a obtenu l’Oscar de la meilleure création de costumes pour « Amadeus » et un César pour « Valmont », deux célèbres films de Miloš Forman. Même si Theodor Pištěk a aussi signé les costumes pour des dizaines de films cultes tchèques (de même que les uniformes de la garde du Château de Prague à la demande de Václav Havel), il se considère avant tout comme peintre. A l’occasion du 90e anniversaire de l’artiste, la Villa Pellé, située à Prague-Bubeneč, présente son œuvre plastique, ainsi que celle de son fils Jan Pištěk.
« C’est le moment le plus heureux de ma carrière filmographique. ‘Amadeus’ est mon premier film américain, donc pour moi, cet Oscar est vraiment quelque chose d’incroyable », déclarait Theodor Pištěk en 1985, lors de la cérémonie à Hollywood.
Cinq ans plus tard, il recevait un César pour « Valmont », un autre film que son ami, le réalisateur tchéco-américain Miloš Forman, a tourné avec une équipe internationale. Theodor Pištěk a enfin créé les costumes pour « Larry Flint » en 1996. Mais avant cela il a été, dès les années 1960, costumier de plusieurs films du légendaire réalisateur František Vláčil. Pištěk a collaboré notamment à la fresque historique « Markéta Lazarová » ou au film « La vallée des abeilles » et « Adelheid ».
Sa filmographie des années 1960-1990 compte plusieurs dizaines de films d’autres réalisateurs encore, dont « Trois noisettes pour Cendrillon » de Václav Vorlíček ou les comédies à succès d’Oldřich Lipský comme « Adéla ještě nevečeřela », « Ať žijí duchové » ou Marečku, podejte mi pero », sans oublier « Une blonde émoustillante », chef-d’œuvre signé Jiří Menzel.
Arrière-petit-fils de František Ženíšek, l’un des peintres tchèques les plus connus du XIXe siècle, Theodor Pištěk a baigné dans le milieu artistique dès son enfance : ses deux parents (Theodor Pištěk père et Marie Ženíšková, ndlr) étaient des acteurs connus. Or leur fils, diplômé de l’Académie des Beaux-Arts de Prague en 1959, est arrivé dans le monde du cinéma un peu par hasard, comme il s’en est souvenu dans une interview pour la Radio tchèque :
« Depuis mon enfance, je ne voulais faire rien d’autre que de la peinture. Pendant toute ma vie, elle est restée au cœur de ma création. (…) Même si j’ai étudié aux Beaux-Arts dans les années 1950, à l’époque marquée par le réalisme socialiste qui ne m’intéressait pas du tout, j’ai de très bons souvenirs de mes études. Notre atelier avait toujours conservé l’ambiance libre et démocratique de l’entre-deux-guerres. Mes collègues et amis des Beaux-Arts, Nepraš, Dlouhý ou Demartini, sont devenus de grandes figures de l’art tchèque du XXe siècle. »
« La question était de savoir ce qu’on allait faire ensuite, car vivre de la création artistique indépendante était impossible. Pour gagner notre vie, on devait tous avoir une autre activité : certains de mes amis travaillaient dans le domaine du livre, d’autres restauraient des œuvres d’art ou créaient des affiches. Pour ma part, je me suis mis à travailler pour le cinéma, uniquement pour cette raison pragmatique. Il se fait qu’une fille que je connaissais du lycée a épousé le réalisateur František Vláčil, dont j’aimais les moyens-métrages. Nous nous sommes très bien entendus et avons tout de suite lancé une collaboration. Mon père qui a joué dans des centaines de films est mort avant que je ne pousse les portes des studios Barrandov. Il n’aurait jamais imaginé que je puisse travailler pour le cinéma. »
En tant que peintre, Theodor Pištěk s’est fait connaître notamment grâce à ses œuvres hyperréalistes, réalisées avec une précision quasi photographique. Il y a deux ans, l’un de ses tableaux, intitulé « Adieu, Guy Moll » a été vendu aux enchères pour environ un million d’euros, soit un record de vente réalisé par un artiste tchèque contemporain. Cette peinture représentant l’Alfa Roméo au volant de laquelle s’est tué le pilote français en 1934, évoque une autre passion de l’artiste qui a mené, depuis 1951 jusqu’à la moitié des années 1970, une carrière de pilote automobile. Il raconte :
« Les courses automobiles étaient une sorte d’évasion pour moi. C’était comme une drogue, une source d’énergie aussi qui me permettait ensuite de travailler dans l’atelier, tandis que le cinéma était une source d’inspiration pour mes peintures. Le tournage des films m’a appris à travailler avec la lumière et l’ombre, avec le réel et l’irréel. »
L’exposition dans les locaux de la Villa Pellé présente les tableaux plus anciens de Theodor Pištěk, ainsi que ses œuvres récentes, dont par exemple des peintures monumentales qui rendent hommage au physicien Stephen Hawking. Intitulée Pištěk & Pištěk, Dva světy (Rencontre de deux mondes), l’exposition accueille également les œuvres de son fils Jan Pištěk, membre de la génération d’artistes qui ont marqué l’art tchèque après la chute du régime communiste. Elle est ouverte jusqu’au 20 janvier prochain.