Fanny Ardant : « Je n’ai joué que des rôles que j’aimais
C’est grâce à l’Institut français de Prague que le public pragois a eu l’occasion de voir le film franco-roumain « Cendres et sang ». Les spectateurs ont aussi été attirés par la présence de la réalisatrice de ce film, la célèbre actrice Fanny Ardant, qui, cette fois, est passée derrière la caméra. Après la projection, Fanny Ardant a parlé de son film et répondu aux questions des spectateurs. Václav Richter a choisi quelques passages de cette rencontre entre l’actrice et le public.
« Quand j’ai su que dans les plateaux du Nord de l’Albanie, rien n’avait changé, qu’il y a eu la domination des Turcs, qu’il y a eu des communistes, des fascistes mais qu’ils ont gardé leurs coutumes qui étaient proches de celles des Grecs anciens, d’Euripide, et même d’Homère, alors j’ai eu envie de raconter une histoire dans laquelle il y avait justement en filigrane la vengeance ou cette recherche absolue de la justice où tout devait toujours se payer … Il y avait quelque chose qui m’intéressait (…) Souvent, dans le premier film qu’on fait, on raconte sa vie. Mais moi, je n’ai pas raconté ma vie, même si, c’est vrai, j’y ai mis beaucoup de choses de moi. Et souvent on m’a demandé : ‘Est-ce que tu t’es identifiée aux femmes ?’ Mais curieusement, dans cette histoire, je me suis plus identifiée aux garçons, aux hommes. (…) Donc vous savez bien que, souvent, dans les formes romanesques, on s’avance masqué, on s’avance à travers des histoires qui ne sont pas les nôtres, mais dans lesquelles on dit des choses sur soi. Donc j’ai dit des choses de moi.»
Interrogée sur les moments décisifs de sa carrière d’actrice, Fanny Ardant a évoqué un aspect important de sa collaboration avec les grands réalisateurs européens et parlé également de la condition d’acteur :
« Je pense qu’un acteur ne choisit pas. Un acteur est choisi. Je sais que quand j’ai été choisie par Alain Resnais ou François Truffaut, Costa Gavras, Antonioni, Ettore Scola, c’était comme un cadeau de la vie. On me proposait une histoire avec cet homme-là, avec cet univers-là. Et il se trouvait qu’en plus j’aimais le rôle. Je pense que mon grand luxe dans la vie, je l’ai souvent dit, c’est que je n’ai fait que ce que j’ai voulu. Je n’ai joué que des rôles que j’aimais, je n’ai jamais joué un rôle que je n’aimais pas. Heureusement, parce que si un grand metteur en scène m’avait proposé un rôle que j’aurais détesté, alors j’aurais beaucoup hésité. Tandis que là, je me dis que la vie est toujours beaucoup trop courte pour pouvoir interpréter pendant des jours et des jours quelqu’un que vous n’aimez pas. »Lors du débat, l’actrice a profité de l’occasion pour rendre hommage à Prague, ville qu’elle voit à travers les yeux des artistes qui y ont vécu et créé :
« J’étais déjà venue avec Gérard Depardieu, parce qu’on avait tourné en Tchéquie, pas à Prague mais dans la campagne, la vie de Balzac. Et moi, j’étais cette Polonaise, Eva Hanska, qui a écrit pendant vingt ans à Balzac. Balzac est venu la chercher et elle l’a épousé. (…) Et comme on ne tournait pas le dimanche, tous les dimanches je venais à Prague pour me promener. Et j’ai le souvenir qu’il faisait froid. Il y avait de la neige. Vous savez, pour moi les villes existent d’une façon romanesque. J’avais lu Kafka, j’avais lu Kundera. Donc les villes commencent à exister à travers leurs artistes. Elles ont cette force romanesque dans l’esprit. Et quand je me suis promenée à Prague, c’était la musique, la peinture et la littérature qui me faisaient aimer cette ville. »
Lundi soir, Fanny Ardant a présenté au Théâtre de la comédie à Prague le monodrame « Cassandre » de Christa Wolf et Michael Jarell, production dont nous reparlerons, ce samedi, dans la rubrique « Rencontres littéraires. »