Fin des « centres pour nourrissons » en Tchéquie

Les « centres pour nourrissons » sont désormais une chose du passé en Tchéquie : approuvée en 2021, la loi allant dans ce sens est entrée en vigueur le 1er janvier. Un changement important, fruit d’années de débats, alors que la Tchéquie était un des derniers pays d’Europe à placer des bébés en institution. La réalité est toutefois un peu plus nuancée.

Pendant de longues années suivant la révolution de Velours, puis l’entrée du pays dans l’Union européenne, la Tchéquie a été pointée du doigt par les organisations tchèques et internationales de protection de l’enfance. En Tchéquie, les enfants en difficulté de moins de 18 ans sont placés dans des centres appelés « maisons d’enfants », tandis que les plus petits, âgés de moins de 3 ans, vivaient jusqu’à encore récemment dans des « centres pour nourrissons », les « kojenecké ústavy ». Un système déjà abandonné dans la plupart des pays de l’UE, y compris dans les autres anciens Etats communistes : depuis plusieurs années déjà, la Slovaquie voisine a interdit de placer en institution les enfants de moins de six ans et en Pologne, la limite a été fixée à dix ans.

Photo illustrative: Michaela Danelová,  ČRo

Le changement se sera fait attendre en Tchéquie, mais il est désormais effectif. Dans les faits, la tendance générale était d’ores et déjà à la baisse, le nombre de nourrissons et enfants de moins de trois ans placés dans ces centres ayant considérablement diminué ces dernières années. Au printemps dernier, le ministère du Travail et des Affaires sociales comptabilisait 309 enfants encore placés dans ces foyers spéciaux, contre 649 en 2018. La plupart d'entre eux étaient cependant plus âgés que le nom de l’institution ne le laissait supposer, mais s’y trouvaient encore faute de place pour eux ailleurs. Au début du mois de novembre, le nombre d’enfants encore dans ces centres pour nourrissons s’élevait à 80.  Barbora Křižanová, de la Fondation J&T qui coopère avec les régions pour des changements systémiques dans les soins apportés aux enfants en situation à risque :

Barbora Křižanová | Photo: ČT

« Le plus important, c’est qu’à compter du 1er janvier 2025, la République tchèque s’est engagée à ce qu’aucun enfant de moins de trois ans ne grandisse en institution. Elle a désormais l’obligation de leur permettre de bénéficier d’une éducation au sein d’une famille. »

Dans les faits, l’évolution des centres pour nourrisson à l’ancienne vers une désinstitutionalisation est moins évidente: en effet, environ 40 % de ces enfants sont retournés dans leurs familles, en général chez des proches parents lorsque les leurs n’en étaient pas capables, ou dans des familles d’accueil. Mais pour le reste de ces petits, ceux-ci ont été redirigés vers d’autres types d’établissements déjà existants ou alors sont restés dans ces centres pour nourrissons dont les services ont été transformés. Avec leur disparition progressive depuis 2018, seuls quelques centres pour nourrissons « à l’ancienne » disparaissent totalement en réalité : les autres ont été transformés en foyers pour enfants handicapés pour ceux qui nécessitent des soins hospitaliers de longue durée ou en foyers pour enfants classiques, mais de plus petite taille.

Depuis quelques années, seule une décision judiciaire pouvait encore décider du placement d’un bébé dans des centres de ce type, en général parce que la famille n’était pas jugée capable de s’occuper des enfants, comme le rappelait il y a quelques temps, Magdalena Fraňková, porte-parole de la région d’Ústí nad Labem :

« Il peut y avoir différentes raisons : ce peut être en raison d’une dépendance à la drogue, d’importants problèmes financiers, la perte répétée de son logement, ou bien à cause de violences familiales. »

Photo illustrative: Martin Němec,  Radio Prague Int.

L’alternative aux institutions, ce sont donc les familles d’accueil. Si le nombre de familles d’accueil temporaires tend à augmenter, il n’est toujours pas suffisant pour couvrir les besoins des enfants. A la fin de l’année 2024, leur nombre atteignait un total de 955 familles. Le nombre de familles d’accueil actuellement disponibles prêtes à accueillir un enfant a augmenté de dix d’octobre à novembre, passant de 68 à 78 familles, selon les chiffres du ministère du Travail et des Affaires sociales.

Encore faut-il que ces familles ne fassent pas du « cherry-picking » devant certains dossiers : il y a quelques années, un rapport du ministère, préparé à la demande du Comité européen pour les droits sociaux, avait traité de l’origine ethnique des enfants placés en institution. En 2020, le Comité avait épinglé la République tchèque, estimant que celle-ci violait les droits des enfants roms, bien plus nombreux dans ces institutions que leur proportion dans la population puisqu’ils représentaient encore près de la moitié des enfants placés dans ces centres. Aujourd’hui comme hier, leur placement dans des familles d’accueil se heurte encore à la réticence de nombreux parents de remplacement à les prendre en charge, précisément en raison de leur origine.