75 ans de l’Amitié franco-tchéco-slovaque créée par le général Faucher

Louis-Eugène Faucher

Depuis trois quarts de siècle maintenant, une petite association appelée Amitié franco-tchéco-slovaque continue de contribuer à diffuser, en France, à ses adhérents, des informations sur l’histoire et la culture tchèques. Créée dans l’immédiat après-guerre par le général Louis-Eugène Faucher, celui-là même qui avait dit « non » aux Accords de Munich en 1938, elle a résisté à tous les aléas de l’histoire de la Tchécoslovaquie, puis de ses successeurs, la Tchéquie et la Slovaquie. A l’occasion de son 75e anniversaire, et alors que le fils du général Faucher, Vaclav Eugène, a passé la main, Radio Prague Int. a évoqué son histoire avec Pascal Maubert qui en assure la continuité.

« Au sein de cette association de l’Amitié franco-tchéco-slovaque, je suis actuellement, le secrétaire général et par des circonstances aussi le trésorier général. Nous sommes une toute petite association et donc une petite équipe. J’ai été diplomate, mais je n’ai jamais été en poste ni en Tchécoslovaquie, ni en Tchéquie, ni en Slovaquie. »

Mais vous avez une affection particulière pour ces deux pays quand même.

Pascal Maubert | Photo: Anna Kubišta,  Radio Prague Int.

« D’un premier contact avec la Tchécoslovaquie en 1969, j’ai gardé un goût particulier pour ce pays et pour les Tchèques. C’étaient des souvenirs d’adolescence. Et donc j’y ai des amis qui sont quasiment une seconde famille et aussi des habitudes de m’y rendre très régulièrement encore. Et même j’ai eu l’envie d’y vivre, mais... »

Ça ne s’est jamais concrétisé ?

«  Ça, ce ne s’est pas encore concrétisé. »

Vous êtes secrétaire général et trésorier de cette association. Nous avons eu l’occasion d’en parler à plusieurs reprises sur notre antenne lors d’entretiens avec le fils du général Faucher Václav Eugène Faucher, qui a longtemps dirigé cette association et publié son bulletin après avoir pris la relève de son père. Peut-on revenir justement sur l’histoire de cette association et du bulletin dont on fête le 75e anniversaire cette année.

Václav Eugène Faucher | Photo: Martin Balucha,  ČRo

« Nous fêtons effectivement les 75 ans et le professeur Faucher a pris les rênes en 1974 : il a donc fait aussi une cinquantaine d’années à la tête de cette organisation. L’origine, c’est la création d’une association d’amitié au lendemain de la guerre, en 1945. Mais le vrai baptême, en réalité, c’est en 1949, lorsqu’il y a eu une tentative de phagocyter cette association par des militants communistes. Le président de l’époque, le général Faucher, a décidé de continuer mais en-dehors de cette association initiale. Le nom d’Amitié franco-tchécoslovaque sera préservé, de même qu’après la scission entre la Tchéquie et la Slovaquie. On a alors ajouté des tirets, mais on n’a pas voulu rompre avec cette dimension historique. Ce n’était pas faire profession de foi de tchécoslovaquisme, mais on n’a souhaité ni faire deux associations, ni abandonner les deux. Son histoire a été très marquée par la guerre froide et par toute l’évolution à l’issue du coup de Prague.

Il faut rappeler, en effet, 1948, c’est le coup de Prague. 1949, c’est la création de cette association dont on parle aujourd’hui, l’association de l’Amitié franco-tchécoslovaque, pour cause de noyautage par des militants communistes de l’association initiale. Dans les années 1950, comment est-ce que le général Faucher a fait vivre cette association ? Dans ces années dures du stalinisme il devait y avoir peu de contacts avec la Tchécoslovaquie…

Le bulletin de l’Amitié Franco-Tchéco-Slovaque | Photo: Au bureau de la revue,  1950/Le Livre

« D’abord, il faut dire que l’association rassemblait des personnalités éminentes en France, qui y ont adhéré, dès l’origine : Léon Blum ou Maurice Schumann notamment. Et donc, elle a eu un certain rayonnement. Ses activités ont consisté dans le fait de développer des manifestations pour faire connaître la Tchécoslovaquie, sa culture, et aussi, donc son évolution interne à l’époque. En parallèle, ses activités ont consisté, aussi, à apporter un soutien, un appui, à ceux qui étaient les victimes du système communiste, dans toutes les dimensions de ces persécutions. Ça a amené, aussi, l’association, en France, à intervenir pour dénoncer la façon dont on recevait des informations sur le pays ici, et cela a trouvé un certain écho. »

Le professeur Faucher a pris la relève de son père au milieu des années 1970. Est-ce que le bulletin qui existe toujours aujourd’hui, même si sous une autre forme, ça a été quelque chose qui a été fait depuis le début, ce bulletin de l’amitié franco-tchécoslovaque ?

T. G. Masaryk et les officiers de la Mission militaires française. Le général Flipo et le général Faucher est le premier et le deuxième à droite | Photo: VHÚ

« Non, le bulletin n’a pas été l’activité dès l’origine. Le général Faucher a été le premier président. En 1962, me semble-t-il, son successeur a été le général Flipo. »

Un général qui était aussi en Tchécoslovaquie, dans l’entre-deux-guerres.

« Et en 1974, donc, le professeur Faucher a pris la relève. Mais il est vrai que le bulletin a été une des activités importantes de l’association. »

75 ans après la création de l’association, le professeur Faucher a passé la main. Est-ce que vous avez eu l’occasion de discuter avec lui, justement, de ce que l’association et le bulletin devaient devenir dans les années qui viennent ?

« En plus de ses orientations habituelles, historiques, culturelles, en matière de littérature et de poésie, le professeur Faucher avait déjà orienté davantage le bulletin en développant l’aspect ‘actualités’. Là, nous avons l’intention de poursuivre dans ce domaine, y compris, d’ailleurs, de l’actualité politique. Et je pense qu’une autre dimension, c’est d’essayer d’être davantage en phase avec ce qui, aujourd’hui, en France, est disponible comme manifestations et événements. »

Donc vous souhaitez suivre davantage ce que fait le Centre Tchèque ou les associations en province ?

« Voilà, exactement. On va aussi continuer à étoffer notre travail de traduction, notamment pour la poésie, contemporaine, ce qu’on a fait beaucoup... »

Vladimír Claude Fišera notamment réalise beaucoup de ces traductions de poésie...

Vladimír Claude Fišera  | Photo: YouTube

« Grâce en effet à Vladimír Fišera, qui fait un travail extraordinaire de qualité, et aussi de diversité. C’est un explorateur et un révélateur formidable. Mais il y aussi le travail de traduction de textes plus anciens, et peu connus, mais dont on a, d’ailleurs, en particulier, eu la révélation par la façon dont Radio Prague en a parlé. »

Que peut-on souhaiter à l’association pour ses 75 ans ?

« Je serais heureux de penser que notre entretien pourrait y contribuer. Il faut souhaiter que nous ayons de nouveaux membres, que nous puissions intéresser de nouvelles adhésions. Historiquement, il y a eu, au fond, des adhésions par nécessité ou par hasard. Je fais partie de ceux qui sont entrés dans l’Association par hasard. Mais il y a eu aussi des gens qui sont entrés dans l’Association par une forme de nécessité, en particulier les Tchèques ou les Slovaques qui se sont retrouvés en France à la suite de circonstances diverses. Il y a eu plusieurs vagues, évidemment : après 1948, et puis après 1968. Et donc, cette génération-là, il faut qu’il y ait une relève. Dorénavant, ce sera plutôt des adhérents de hasard, mais pas seulement, parce qu’il y a aussi beaucoup de Tchèques récemment installés en France, ou aussi les enfants de ces Tchèques, qui n’ont pas toujours été ni initiés à la langue tchèque, ni très informés de leurs racines. Mais je vois qu’ils manifestent un certain intérêt pour entrer dans cette association. Donc, ce qu’il faut souhaiter à notre association, c’est d’avoir de nouveaux adhérents pour pouvoir développer la diffusion d’informations sur ces pays, sur cette culture, et sur cette identité. C’est un désir qu’on peut avoir, qu’il y ait davantage d’adhérents qui soient en mesure de venir contribuer à cette activité de conférences et de diffusion. »