Quand Jean-Marie Le Pen venait soutenir un parti tchèque, sans succès
Mort ce mardi 7 janvier à l’âge de 96 ans, Jean-Marie Le Pen était venu en République tchèque juste après l'adhésion du pays à l’Union européenne (UE).
Parmi les conférences de presse bizarres qui se sont déroulées en Tchéquie au cours de la vingtaine d’années écoulées – et il y en a eu un certain nombre –, celle du fondateur du Front national, Jean-Marie Le Pen, à Kosmonosy en 2004 est restée dans les annales (mais on était encore très loin du niveau de celle du Four Seasons Total Landscaping atteint par l’équipe de Donald Trump).
Venu le 6 mai 2004, moins d’une semaine après l’adhésion du pays à l’UE, il s’est rendu à l’invitation de Miroslav Sládek, fondateur du parti des Républicains (SPR-RSČ), à Mladá Boleslav et apparemment ce dernier avait promis de lui faire visiter les usines de la marque automobile Škoda.
Il n’en fut rien, les deux politiciens d’extrême-droite ont dû se contenter du musée Škoda, accessible au public, et ont organisé une conférence de presse dans la localité voisine de Kosmonosy, connue pour son château mais aussi et surtout, depuis le XIXe siècle, pour son hôpital psychiatrique.
L’objectif du Front national et des Républicains à l’époque étaient les élections européennes – les premières en Tchéquie –, organisées le mois suivant.
Jean-Marie Le Pen : « Je suis venu soutenir la candidature des candidats républicains et tout particulièrement de leur président, M. Sládek, que je connais depuis de nombreuses années, dans l'intention et dans l'espoir qu'ils aient au moins un ou plusieurs députés de façon à constituer au Parlement européen de Strasbourg un groupe des nationaux, en quelque sorte, qui rejoindraient le nôtre, puisque nous avons déjà à peu près l'assurance d'avoir 12 députés. Nous avons aussi la certitude d'avoir au moins des deux députés ou trois députés belges, probablement quelques Anglais, Italiens, peut-être Polonais, et donc Tchèques ou peut-être Slovaques, parce que nous souhaitons être le point de rassemblement, disons, de ceux... de ceux qui veulent empêcher l'Europe de faire disparaître les nations, de faire disparaître l'indépendance des nations. »
« Nous croyons que la nation est aujourd'hui la forme la plus performante, la forme politique, sociologique, la plus performante pour la défense des intérêts fondamentaux du peuple, la liberté, l'identité, la sécurité, la prospérité, la langue, la culture. Toutes ces valeurs sont en train de se dissoudre dans l'Union européenne alors que nous avons, nous, la volonté de les maintenir solides. Vous savez que maintenant il y a 360 combinaisons linguistiques au Parlement européen. C'est la tour de Babel. Alors ça finira par s'écrouler, c'est évident. Et l'Europe ne veut pas donner de définition géographique. Alors nous pensons que l'Europe est une définition géographique de son continent, historique, culturelle, et qu'elle ne peut pas vouloir ou souhaiter englober le monde entier. Et en particulier, pas des pays comme la Turquie, ni d'ailleurs les pays qui ne sont pas, de son continent. »
Le Front national ne terminera qu'avec 7 eurodéputés élus - pas 12 - lors du scrutin de juin 2004 et ce soutien de Jean-Marie Le Pen ne semble pas avoir influencé le vote des électeurs tchèques : le parti de Miroslav Sládek a recueilli 0,67% des voix, tout juste derrière la Nouvelle Initiative Érotique et sa tête de liste, l’ancienne star du X Dolly Buster. Selon la presse tchèque, Miroslav Sládek avait aussi annoncé à l’époque la visite du Russe Vladimir Jirinovski en soutien, mais celui-ci n’est pas venu.
Pourquoi cette conférence de presse avec le fondateur du Front National s’était-elle tenue à Kosmonosy ? Vraisemblablement à cause d’un des membres du parti des Républicains dont l’atelier de réparation mécanique se trouve sur place. Depuis, cet entrepreneur, Ljulin Christov, a eu maille à partir avec la justice car cette formation politique, criblée de dettes, avait son siège officiel à son domicile de Kosmonosy…
Le parti SPR-RSČ a cessé d’exister en 2013, pour être ressuscité par Miroslav Sládek en 2016 sous un autre nom mais sans davantage de succès. Du côté de l’extrême-droite tchèque, c’est la formation SPD de Tomio Okamura qui occupait le terrain depuis plusieurs années en Tchéquie. C’est d’ailleurs celle qu’avait choisie Marine Le Pen pour toutes ses précédentes alliances au niveau européen… en tout cas jusqu’à l’année dernière.
Désormais, le Rassemblement national (parti héritier du Front national de son père) siège au Parlement européen dans le groupe appelé Patriotes pour l’Europe, avec non seulement le mouvement ANO d’Andrej Babiš mais aussi les partis Přísaha (Serment) et Motoristé sobě (Motoristes).