François, cuistot nomade pour la promotion de la bonne bouffe en Moravie
François Bouillet, heureux Français installé à Ostrava depuis quelques années déjà, est professeur de français langue étrangère. Histoire de pimenter un peu son quotidien, ce beau et frais quadragénaire originaire de Franche-Comté s’est lancé, il y a peu, dans l’aventure de la cuisine. Le tablier collé au corps et le sourire aux lèvres, voici désormais ce bon vivant « ostravien » d’adoption (comme il se définit lui-même) reconverti en chef nomade prêcheur de la bonne parole culinaire dans un pays morave réputé pour la qualité de ses vins, de sa slivovice, de ses cochonnailles ou encore de ses multiples gâteaux. A la sortie d’un repas arrosé de bière tchèque, François Bouillet a évoqué au micro de Radio Prague sa nouvelle vie de chef nomade. A table, on écoute !
Que proposez-vous donc ?
« Des services à la carte ! C’est intéressant parce qu’avec mon passif – qui est d’ailleurs toujours mon actif – de prof de français, je propose par exemple une variante de cuisine française en français. C’est une offre destinée essentiellement destinée aux écoles et aux collèges et lycées. Même s’il peut s’agir d’un menu complet, ce sont souvent des choses assez simples comme des crêpes parce que les écoles ne sont pas nécessairement suffisamment équipées pour organiser des ateliers de cuisine. Je propose également des ateliers pour adultes aussi bien dans des restaurants que dans des endroits adaptés comme des écoles de cuisine ou hôtelières. Enfin, je peux cuisiner dans différents restos, cafés et bistrots d’Ostrava, même si cela m’est arrivé aussi à Opava, à Brno ou encore à Banská Bystrica en Slovaquie. Il s’agit alors plutôt de soirées gastronomiques françaises. L’année dernière, j’ai organisé un tour de France gastronomique à raison d’une soirée mensuelle au cours de laquelle je faisais découvrir une région française à travers une formule entrée + plat + dessert. Et puis je peux aussi cuisiner directement chez les gens par exemple pour des fêtes d’anniversaire ou des départs en retraite. C’est alors un menu qui n’est pas obligatoirement français. Bref, c’est très vaste. »« Mon idée est de proposer d’abord une cuisine simple mais de qualité avec des plats qu’il est possible de préparer à la maison et des produits que l’on trouve en grande surface ou dans les épiceries. Il n’est pas nécessaire de les commander sur Internet ou d’aller en France pour cela. Je dirais que c’est une cuisine saine. Je n’ai absolument rien contre la cuisine tchèque, mais ce qui est sûr, c’est que je ne propose pas de fritures et que si on doit épaissir une soupe, on mettra un kilo et demi d’oignons si c’est nécessaire plutôt que 300 grammes de farine. Cela me dérange d’autant moins que ce n’est pas moi mais les élèves qui sont à la corvée de l’épluchage… Il faut changer des habitudes tchèques et varier… Varier les couleurs et les goûts… Manger, c’est aussi voyager. Il faut faire découvrir des nouveaux produits ou même des choses que les gens connaissent mais qu’ils ne mangent ou qu’ils ne savent pas adapter de façon à ce qu’elles soient bonnes. »Quels sont les types de plats et de prestations que vous proposez en cette fin d’année ? Et vos clients ont-ils parfois des demandes particulières ?
« A cette période de l’année, les produits sont à peu près les mêmes que ceux que l’on trouve en France. Nous sommes donc dans les courges ou dans des légumes comme la betterave, le chou, le chou-rave, le céleri ou la carotte... Tout dépend bien sûr d’abord des gens et de leurs envies, mais j’aime utiliser des produits que les gens ne connaissent pas trop même si on les trouve dans tous les supermarchés tchèques. Je pense par exemple à la patate douce, au boulgour ou au quinoa. Les courges, certains ne savent absolument pas comment les cuisiner… J’apprécie aussi les fruits secs comme des pruneaux ou des prunes… Ou j’ai fait dernièrement des châtaignes… J’aime cuisiner avec du pain d’épice comme pour un carbonate flamande, un ragout ou une belle daube de porc… Quoique, ma spécialité est d’utiliser des oreilles de Štramberk - Štramberské uši (pâtisseries en pain d’épice de forme conique, spécialité de la ville morave de Štramberk) à la place du pain d’épice plus classique de Pardubice. C’est génial et on est en plein dans Noël. »Etre français vous a-t-il avantagé dans la réussite de votre projet ?
« Bien sûr ! Je ne connais pas de Tchèques qui font la même chose que moi. Certains cuisiniers peuvent cuisiner chez vous à la demande, mais mon concept est unique ici. Je ne connais personne qui va cuisiner une fois par mois dans un café et qui est capable de s’adapter de la sorte. Quant au côté français… oui, c’est un avantage évident. C’est d’ailleurs un de mes arguments pour ‘me vendre’, même si je n’aime pas ce mot. Même si je ne suis pas de la famille de Bocuse ou d’un grand chef cuisinier et que nous n’avons jamais eu de restaurant dans la famille, j’ai eu une éducation culinaire que ce soit avec mes parents ou à l’école qui me permet aujourd’hui de faire ce que je fais. Mes grands-parents des deux côtés étaient fermiers, cela joue beaucoup aussi. »Que vous inspire ce que vous voyez dans la restauration ou les cantines scolaires ? Comment évoluent les choses depuis que vous vivez à Ostrava ?
« Je suis arrivé en 2003, dont il y a forcément une évolution. Il y a des tendances générales qui sont peut-être moins fortes qu’en France ou dans d’autres pays, mais que l’on observe quand même au niveau notamment des produits bio et locaux et d’une nourriture un peu plus saine. C’est bien, mais il y a encore énormément d’efforts à faire pour tout ce qui est manière de cuisiner, restaurants d’entreprises ou cantines scolaires. Il y a des diététiciens qui, paraît-il, s’occupent de la composition des menus, mais quand je me demande quand même pourquoi on préfère donner des clémentines qui, c’est sûr, ne poussent pas en République tchèque plutôt que des pommes. Qu’est-ce qui empêche de donner une pomme aux gamins en dessert à la cantine ? Ça ne coûte pas grand-chose et permet de mettre en valeur une culture locale. On est dans un pays dont je ne peux dire qu’il n’a pas de culture gastronomique, je dirais même que les gens aiment cuisiner et apprécient de passer un peu de temps ensemble à table, mais le problème touche davantage à la vie quotidienne et au temps qui est consacré aux repas. C’est quelque chose qui est considéré comme pas du tout important parce qu’il faut du temps pour faire autre chose et les loisirs. C’est la même chose au boulot parce que les gens n’ont pas envie d’y passer une demi-heure de plus l’après-midi ou le soir. Je peux comprendre cette façon de penser, mais cela empêche de mieux manger. Ce n’est pas plus compliqué que ça. »
Plus de renseignements sur www.chefnomade.cz ou directement au café La Petite conversation à Ostrava dont François, bien que chef nomade, n’est, dit-il lui-même, jamais très loin.