Rémi Decroix : « La Vysočina, c’est le plus bel endroit du monde… mais surtout, vous, restez où vous êtes ! »
Dans une petite commune à une trentaine de kilomètres au sud-ouest de Jihlava, le Bistrot de Papa attire les amateurs de gastronomie française et de tranquillité. Comme le propriétaire et chef de cuisine Rémi Decroix, qui ne s’imaginerait surtout pas « remonter à Prague ». Radio Prague Int. l’a rencontré… à l’heure du déjeuner, bien évidemment !
En ce mois de janvier 2024, on trouve au menu du Bistrot de Papa, à Horní Dubenky, une délicieuse soupe aux légumes et à la bière. S’agit-il d’une recette d’inspiration tchèque ou bien vient-elle du nord de la France, d’où vous êtes originaire ?
« Je pense qu’elle vient plutôt de Champagne-Ardenne, ou des environs. Mais c’est une soupe qui peut être faite dans tous les pays où la bière est présente, bien évidemment. Et j’ai pensé qu’il serait sympathique de commencer l’année par une soupe à la bière. »
« Nous fermons toujours pendant la période de Noël, pour que le personnel et moi-même puissions passer du temps en famille. C’est le seul moment où nous pouvons être tous réunis, alors je pense que c’est bien pour tout le monde. »
Un menu de saison
Vous adaptez vos menus en fonction des saisons, c’est-dire que vous changez le menu chaque mois ?
« C’est cela : je change le menu tous les mois. Sauf l’été, de juin à août, parce que je n’ai pas le temps. Mais à part cela, chaque mois, je pars de ce que j’aimerais moi-même manger pendant ce mois pour établir le menu du mois. Des produits prioritairement de saison, dans la mesure du possible, et venant de la région. »
Vysočina ≠ patates et cailloux !
Néanmoins, la Vysočina est réputée plus pour la rudesse de son climat que pour la fertilité de ses sols. Alors, quelles sont les denrées alimentaires que l’on peut trouver dans la région ?
« Eh bien, tout d’abord la bière, produite dans le village même, tout comme de l’excellente viande de bœuf. A une quinzaine de kilomètres, on peut trouver de l’agneau ainsi que des fromages de chèvre absolument magnifiques. A une vingtaine de kilomètres, des élevages de daims. Et puis aussi des producteurs de légumes, de la citrouille et autres légumes de saison. On a aussi les myrtilles, les champignons… et plus les années passent, plus il y a de la variété dans la production de la Vysočina. »
Pas uniquement des légumes racines…
« … ni des pommes de terre et cailloux ! »
Par contre, pour la limande, qui est au menu en ce mois de janvier, j’imagine qu’il vous a fallu sortir de la région…
« Bien sûr, pour le poisson, à part la carpe, la sandre et la truite, en République tchèque, vous ne trouverez pas grand-chose ! »
Vous êtes arrivé en République tchèque en 1996. Comme beaucoup, c’est à Prague que vous avez d’abord atterri. Mais qu’est-ce qui vous a finalement amené dans la région du plateau tchéco-morave ?
« Je suis cuisinier de métier, et j’ai donc commencé au restaurant Le Bistrot de Marlène, l’un des premiers restaurants français à Prague… Et comme tout bon Français, j’ai rencontré ma femme ; comme tout bon Pragois, il me fallait une ‘chalupa’, une maison de campagne. J’ai trouvé cette vieille ferme par hasard, sur Internet. Nous sommes venus la voir et nous l’avons achetée, et voilà. Et pour la petite anecdote, elle se trouve à une trentaine de kilomètres de l’endroit où ma femme a passé toute son enfance ! »
« A la base, l’idée n’était pas d’en faire un restaurant, mais plutôt de la restaurer pour en faire ma ‘maison de retraite’. Mais est arrivé ce que l’on voit parfois dans les films ou à la télévision : un jour, on n’a plus envie de remonter à Prague. On reste donc ici, et voilà ! »
Un restaurant français au bout du monde
Comment les habitants vous ont-ils accueilli à Horní Dubenky ? Ce nouvel établissement fait venir beaucoup de monde : j’ai cru comprendre que votre restaurant était complet la plupart du temps !
« En effet, il est impératif de réserver au minimum trois semaines à l’avance. Sinon vous serez déçu : le restaurant est petit et je ne pourrais pas vous recevoir. L’été, avec la terrasse, il y a un peu plus de tables, mais je ne souhaite pas non plus en faire un gros établissement, car il fonctionne comme il est, dans un esprit familial, sans être pressé par le temps, comme j’aime le dire : ‘Prenez le temps, de temps en temps !’, Ici, cela s’y prête ; je ne voudrais pas avoir plus. »
« Au départ, je pense que les gens du village ont été surpris… Ils ont dû se dire : ‘un restaurant français dans le bout du monde, dans la Vysočina ? Il est complètement taré !’ Mais maintenant, les villageois viennent ici avec plaisir ; je fais partie de leur quotidien ; je suis totalement intégré et c’est plaisant. »
On est donc bien, dans la région de la Vysočina ?
« On y est magnifiquement bien ! C’est le plus bel endroit du monde… mais surtout, restez où vous êtes ! »
Et à part ce petit village idyllique avec votre restaurant au bord d’un étang, quel autre endroit de la région conseilleriez-vous à qui voudrait la découvrir ?
« Déjà, il faut se balader en forêt. Si on aime la campagne, la petite montagne, les forêts, il y a tellement d’endroits magnifiques ! Le plus haut mont de la Vysočina [Javořice, ndlr] se trouve à une dizaine de kilomètres d’ici. Il y a aussi des châteaux, et il ne faut pas non plus oublier Telč, à 13 kilomètres d’ici… Mais je ne saurais quoi vous dire : il y a tellement de lieux reposants ! Pour moi, la Vysočina, c’est avant tout se balader et prendre en soi la nature. D’autant que toutes les saisons sont belles ici. Je pense d’ailleurs que c’est ce qui me plaît le plus dans la Vysočina : que l’on peut avoir un mètre de neige en hiver, l’été indien, le printemps qui est tout aussi sublime, l’automne et ses belles couleurs… Et l’été, ce qui est agréable, c’est que nous avons 5 °C de moins qu’à Prague. Les gens qui viennent ici disent : qu’est-ce qu’il fait bon chez vous !‘ »
Pouvez-vous préciser à nos auditeurs vos horaires d’ouverture ?
« Oh la la ! Je suis un fainéant de Français, et le restaurant n’ouvre donc que du jeudi 17 h au dimanche 17 h. Et en juillet et en août, nous ouvrons également le jeudi midi. Nous louons également quelques chambres, mais là aussi, réservez bien à l’avance. C’est la seule condition pour que nous puissions vous accueillir… avec le plus grand plaisir ! »
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