Františka Plamínková, une vie dédiée à l’émancipation des femmes
Božena Němcová, Karolína Světlá, Eliška Krásnohorská… Plusieurs noms viennent à l’esprit lorsqu’on songe aux femmes tchèques qui, à partir du XIXe siècle, ont œuvré, via leurs écrits ou leurs prises de position, en faveur de la condition féminine. C’est dans cette tradition d’émancipation que s’inscrit, un peu plus tard, Františka Plamínková, institutrice, journaliste, femme politique, et surtout militante féministe qui s’est engagée activement pour une égalité effective des droits des hommes et des femmes dans la toute nouvelle République tchécoslovaque. Portrait d’une pionnière de la lutte féministe en pays tchèques dans le cadre de notre série sur les femmes à l’occasion du centenaire de l’inscription du droit de vote féminin dans la constitution.
« L’année qui s’achève est une année dont nous nous souviendrons toujours avec nostalgie. Au cours de cette année, celui qui a libéré la nation, celui qui a libéré les femmes, nous a quittés. Plus les retombées des événements mondiaux sont orageuses, plus les Etats dictatoriaux réclament le pouvoir de manière tonitruante, plus la longue éducation de notre nation à la démocratie devient évidente. Partout l’on peut sentir, toucher, l’influence de Masaryk. Sa devise, ‘ne pas avoir peur et ne pas voler’ est, par son caractère populaire et sa simplicité, notre force à tous. »
Mais avant cette fin tragique à l’âge de 67 ans, Františka Plamínková a dédié sa vie à la cause des femmes, en partie inspirée par une enfance passée au sein d’une famille libérale, où le couple relativement égalitaire de ses parents détonne par rapport à la norme de l’époque.
Formée pour être institutrice, elle s’élève dès le tournant du XIXe-XXe siècle contre l’obligation de célibat des enseignantes, empreinte des préjugés de l’époque, comme le rappelle la sociologue Jiřina Šiklová :« Le célibat des femmes institutrices était lié au fait qu’on ne pouvait pas imaginer qu’une femme puisse assumer deux rôles : être mère et en même temps exercer une profession. »
Fer de lance de ce combat à l’origine très personnel, Františka Plamínková fonde dès 1901 le Club des femmes à Prague puis, très vite, le Comité pour le suffrage des femmes, qui défend le droit de vote des femmes, et du suffrage universel tout court.
La Première Guerre mondiale et l’avènement de la Première République tchécoslovaque sont un tournant : elle porte à la tête de l’Etat le philosophe Tomáš G. Masaryk, lui-même sensibilisé à la cause féminine de longue date. Sa fille, Alice, sera d’ailleurs une des admiratrices et soutiens fervents de Františka Plamínková.
Celle-ci a très tôt renoncé au mariage et à la maternité pour se consacrer à cette lutte d’avant-garde qu’est l’émancipation des femmes : premier succès en 1919, la loi sur le célibat des enseignantes est abolie. Alors que le nouveau régime politique a donné aux femmes l’égalité politique, sociale et culturelle avec les hommes, Františka Plamínková se lance en politique, et gravit les échelons, du conseil municipal de Prague au Sénat.Malgré les avancées en termes d’émancipation, les lacunes du code civil l’incitent à défendre encore davantage les réformes pour plus d’égalité hommes-femmes. Elle s’empare de thèmes forts comme le statut juridique de la femme dans le mariage, l’égalité dans le divorce, le congé de maternité payé, et bien d’autres combats qui, s’ils sont des acquis aujourd’hui, n’étaient pas une évidence à l’époque, mais fondamentaux pour la militante féministe qu’était Františka Plamínková, comme le rappelle Jiřina Šiklová :
« L’émancipation, c’est l’application de l’égalité entre les hommes et les femmes, avant tout au niveau économique puis au niveau juridique : que les femmes puissent hériter, gérer le patrimoine familial et ses enfants après le décès de son mari, sans avoir besoin d’un tuteur. Tout cela recouvre la notion d’émancipation. »Františka Plamínková a ainsi participé à de nombreuses lois qui ont contribué à la libération des femmes en Tchécoslovaquie, et payé de sa vie son engagement en faveur de la démocratie et sa non-compromission sur les valeurs humaines fondamentales. En 1992, l’Etat tchécoslovaque l’a décorée de l’Ordre Tomáš G. Masaryk à titre posthume.