« Františky », ces cônes d’encens tchèques pour se détendre (et pas seulement à Noël)
Pour de nombreux Tchèques, la période de Noël et plus encore l’Épiphanie, appelée la Fête des Rois mages, sont inimaginables sans l’odeur de l’encens. Mais pour se laisser enivrer par ce parfum aux vertus apaisantes, se rendre dans une église n’est pas forcément nécessaire. Cela est aussi possible chez soi grâce à un petit cône noir appelé « františek ». Nous avons rencontré un couple tchèque qui, depuis vingt ans, se consacre à sa fabrication artisanale.
La tradition des cônes d’encens, telle qu’elle est pratiquée en Europe centrale, remonte à plus de 300 ans et trouve son origine dans la région des monts Métallifères, à cheval entre la Tchéquie et l’Allemagne, où elle est toujours bien vivante. Dans les pays germanophones, ces cônes de petite taille sont fabriqués à partir de résine naturelle, d’agrumes et d’épices et possèdent divers parfums. Ils sont placés dans des brûle-encens richement décorés de différentes formes, celles d’une petite maison ou d’un bonhomme fumant une pipe, par exemple.
Dans leur atelier de Roztoky u Křivoklátu, à l’ouest de Prague, Simona Matějková et son mari Pavel perpétuent la tradition plus ancrée en Tchéquie des « františky » (François, en français), dont le nom reste entouré d’un voile de mystère. Ils pourraient le devoir à François d’Assise et aux franciscains dont la capuche rappelle le cône. Mais, plus probablement, ce nom provient de l’expression « franc encens » qui, dans le français ancien, désignait un encens de première qualité ; l’encens qui a certainement été offert par les Rois mages à l’enfant Jésus, avec l’or et la myrrhe.
« En fait, l’encens est une résine utilisée depuis fort longtemps, depuis le début de l’humanité, comme une essence sacrée qui sert à purifier l’espace et le corps humain. Ses bienfaits relaxants et apaisants sont appréciés notamment lors des méditations. L’encens est connu dans toutes les cultures et on peut dire, en employant un vocabulaire moderne, qu’il est associé aux débuts de l’arôme-thérapie. »
Du bois de tilleul et de la résine d’encens
« Mon mari et moi avons commencé à fabriquer des ‘Františky’ pour nous-mêmes : mon mari travaillait dans une société de production de charbon de bois et chaque année, avant Noël, des ‘františky’ étaient offerts aux employés. Nous appréciions tellement leur parfum que nous avons commencé à en fabriquer nous aussi, d’abord pour nous-mêmes et pour nos amis qui, chaque année, nous en demandaient toujours un peu plus. Ensuite, nous avons commencé à en vendre sur les marchés de Noël au château de Křivoklát, près de chez nous. »
Pour la fabrication artisanale des ‘františky’, Pavel Matějka utilise essentiellement du bois et de la résine d’encens, auxquels il ajoute quelques ingrédients secrets, mais aucun autre arôme. Il explique :
« Je fabrique les ‘františky’ uniquement avec du bois de tilleul. Je dois d’abord abattre des arbres pour ensuite ramener le bois chez moi où je le laisse reposer et sécher pendant environ trois ans dans mon jardin. Il faut qu’il contienne le moins d’eau possible. Je le fais brûler pour obtenir du charbon de bonne qualité que je broie ensuite à l’aide d’un grand hachoir à viande pour obtenir une poudre très fine. Enfin, j’ajoute de l’encens en grain, lui aussi préalablement broyé. Cette opération dure environ une semaine. Je forme enfin les cônes avec des pinces à forger spécialement adaptées, tandis que les cônes plus grands, de cinq à quinze centimètres, eux, je les forme à la main. »
Comme l’explique Simona, il existe près de vingt-cinq espèces d’arbres à encens dont peut être extraite la résine. Là-aussi, c’est toute une magie : l’odeur de la résine dépend non seulement de l’endroit où poussent les arbres, en Afrique, sur la péninsule arabique ou en Inde, mais aussi des conditions météorologiques de l’année. « C’est comme pour le vin », constate Simona Matějková, qui précise que même si les « františky » fabriqués par son mari ne sont pour l’instant pas exportés, ils voyagent un peu partout dans le monde :
« Les Tchèques sont nombreux à acheter des ‘františky’ pour les offrir à leurs proches vivant à l’étranger. Nous savons ainsi que nos ‘františky’ ont voyagé sur tous les continents : par exemple, un de nos clients en a achetés avant de se rendre dans un monastère au Tibet. Il nous arrive aussi d’avoir des clients étrangers à nos stands sur les marchés, ce qui est un peu compliqué pour nous, car nous nous ne parlons aucune langue étrangère. Mais il suffit d’allumer un ‘františek’ et il parle de lui-même… »
« Il suffit d’approcher votre micro près de la fumée et je suis sûr que vos auditeurs sentiront sa belle odeur eux aussi. »
À l’automne et pendant la période de Noël, Simona et Pavel vendent les ‘františky’ fabriqués dans leur atelier un peu partout en Tchéquie. Tout au long de l’année, leurs produits peuvent être achetés en ligne, sur facebook et sur le site www.fler.cz.
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