Fusillade à Prague : deux longues heures de confinement, une professeure réactive et des étudiants « admirables »
Lors de la fusillade de jeudi après-midi à Prague, de nombreux étudiants et professeurs se sont barricadés dans des salles de cours, dans l’attente de l’arrivée de la police et des secours. Parmi ces personnes, Daniela Tinková, professeure et historienne spécialiste de la Révolution française, qui s’est enfermée avec une vingtaine d’élèves dans les locaux. Malgré le choc, elle a bien voulu répondre aux questions de Radio Prague Int.
« On était en cours d’historiographie, qui est un cours obligatoire pour les troisièmes années en licence d’Histoire, au deuxième étage de notre bâtiment. Et tout d’un coup, vers trois heures de l’après-midi, l’un de mes étudiants m’a montré sa messagerie sur son téléphone portable, en me disant qu’une amie lui avait écrit qu’elle était enfermée aux toilettes au quatrième étage, qu’il y avait une fusillade. Elle le priait de l’aider. On a hésité, on n’a pas su quoi faire, on ne savait pas si c’était une mauvaise blague, mais ça n’en avait pas l’air. Je ne voulais pas que les garçons y aillent tous seuls, donc j’y suis allée avec deux jeunes étudiants mais on a été arrêtés au niveau du couloir par d’autres étudiants qui descendaient en courant, en criant, en pleurant. Ils nous ont dit qu’il y avait une fusillade, qu’il y avait des morts, et ils nous ont demandé de les cacher. On a décidé de retourner dans notre bureau où se trouvaient déjà une vingtaine d’étudiants et on s’est enfermés. »
Comment vous êtes-vous barricadés ? On a vu des photos d’étudiants et de professeurs qui ont entassé des meubles devant la porte : vous avez fait la même chose ?
« Oui, c’est ce qu’on a fait. Mais on ne savait pas quoi faire, entre essayer de quitter le bâtiment ou rester sur place. Finalement, j’ai décidé de rester sur place, ça m’a paru plus certain. S’il y a une fusillade, c’est assez dangereux de fuir et de courir dans les couloirs et les escaliers, donc on a décidé de rester sur place, de fermer la porte et de se barricader. On a mis les tables contre la porte et on a appelé la police. Ils nous ont assuré qu’ils étaient déjà au courant, que des gendarmes étaient déjà dans le bâtiment, ils nous ont conseillé d’éteindre la lumière, de se mettre assis par terre, et de s’éloigner des fenêtres. »
Combien de temps êtes-vous restés cachés ainsi ? La fusillade s’est déroulée aux alentours de trois heures, à quatre heures on savait que le tueur avait été neutralisé. Combien de temps êtes-vous restés enfermés à l’intérieur ?
« Ça a duré plus ou moins deux heures, au moins une heure et demie. Nous avons été libérés vers 17 heures, et avons été évacués vers le Rudolfinum, la salle de concert qui est juste à côté de la faculté. »
Qu’est-ce que vous avez fait pendant tout ce temps ? Une heure et demie, c’est court dans la vie de tous les jours, mais cela doit durer extrêmement longtemps quand on ne sait pas ce qu’il se passe…
« On ne savait absolument rien. La seule chose qu’on savait, c’est ce qu’on lisait dans les journaux et sur Facebook. Ce qui était le plus inquiétant c’étaient les appels des parents des étudiants, ils avaient peur et se demandaient ce qu’il se passait. Ils étaient beaucoup plus au courant que nous. C’était le plus dur. »
Comment s’est déroulée votre évacuation ? Dans un entretien pour Denik N, vous expliquez que comme vous n’étiez au courant de rien, vous ne pouviez pas non plus savoir qui toquait à la porte, si vous deviez ouvrir…
« Quelqu’un a frappé plusieurs fois à la porte, on ne savait même pas si ce n’était pas une personne qui voulait s’enfuir, qui cherchait une place sûre ou quelqu’un d’autre. On ne savait pas si c’était l’agresseur ou la police. Même quand les policiers sont venus et ont crié : ‘C’est la police ! Ouvrez la porte !’, on a hésité, forcément, en se demandant si c'était vraiment eux. Et les forces de l’ordre non plus ne savaient pas qui était à l’intérieur. Même en criant qu’il y a une vingtaine d’étudiants, une professeure, ce n’est quand même pas rassurant si on est à la recherche d’un autre agresseur. »
Comment ont réagi vos étudiants pendant tout ce temps-là ?
« Ils ont été admirables, ils sont restés vraiment calmes, ils n’ont pas paniqué, il n’y a pas eu de cris, ni de confusion. »
Comment allez-vous ce vendredi matin, Daniela ?
« Je n’ai pas eu de problème, mais je viens d’apprendre qu’une de mes amies est morte, elle est restée sur place. C’était une professeure de musicologie, une bonne amie à moi, mère de deux enfants. Je viens de l’apprendre... »
Je suppose qu’on vous a proposé une aide psychologique…
« Oui, il y avait des psychologues qui sont venus nous voir au Rudolfinum, là où nous étions rassemblés après l’évacuation. Tout était vraiment rapide, l’intervention de la police, puis l’arrivée de l’aide psychologique aussi, c’était assez bien organisé. »