Pourquoi la Tchéquie importe-t-elle de nouveau majoritairement du gaz russe ?

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L’information n’a pas manqué de surprendre tant Prague fait du soutien à l’Ukraine une priorité. Bien que le gouvernement de Petr Fiala clame régulièrement que la Tchéquie n’en est désormais plus dépendante, la très grande majorité du gaz qui a été importée dernièrement provenait pourtant de Russie. Explications.

Avant le début de la guerre en Ukraine en février 2022, la quasi-totalité des approvisionnements en gaz de la Tchéquie provenait de Russie. C'est donc à la fois par intérêt stratégique et dans une volonté de nuire aux intérêts économiques de Moscou, que très vite, aux yeux de Prague, est apparue la nécessité de se débarrasser une bonne fois pour toutes de cette dépendance. Le gouvernement dirigé par Petr Fiala s’est alors tourné vers de nouveaux pays partenaires de manière à diversifier les sources d’approvisionnement et à pouvoir compter sur d’autres voies de transport, et ainsi renforcer l’indépendance énergétique de la Tchéquie.

Un pari réussi puisque le gaz russe a progressivement été remplacé par des livraisons en provenance de Norvège, des États-Unis et d'Afrique (Algérie) notamment, depuis des terminaux GNL aux Pays-Bas et en Belgique. En début d’année, tout en annonçant que la consommation de gaz en 2023 dans le pays avait été la plus faible des trente dernières années, l’Office de régulation de l’énergie (ERÚ) avait également informé que la très grande majorité du gaz était arrivé en Tchéquie via l’Allemagne et que seulement 8 % du volume importé provenait encore de la Russie.

Importations de gaz de Russie | Source: ČSÚ

L’information publiée par l’agence de presse ČTK le 19 novembre dernier, selon laquelle les importations de gaz depuis la Russie avaient augmenté de manière significative au cours des dernières semaines a donc surpris un certain nombre d’observateurs. Concrètement, selon les données transmises par l’opérateur Net4Gas, quelque 95 % de l’approvisionnement en gaz est désormais acheminé via la Slovaquie, soit donc très majoritairement de Russie.

Comme notamment la Hongrie et l’Autriche, la Slovaquie, liée par des contrats à long terme très contraignants et dont la ministre du Commerce - selon les médias de Bratislava - était en visite à Saint-Pétersbourg ce mercredi 4 décembre, continue en effet de s’approvisionner en gaz essentiellement via l’Ukraine auprès de fournisseurs russes, et notamment de Gazprom, société contrôlée par le Kremlin.

L’évolution de la situation en Tchéquie s’expliquerait par la coûteuse taxe sur le stockage du gaz en provenance du nord de l’Europe appliquée par l’Allemagne, propriétaire de 23 milliards de mètres cubes de capacité de stockage ; une taxation qui par conséquent rend son transport plus cher et fait du gaz russe une marchandise meilleur marché.

Confronté aux chiffres, le Premier ministre tchèque a réagi en déclarant, sur le réseau social X, que « le fait que, momentanément, les négociants utilisent du gaz moins cher en provenance de Russie [était] une réalité, et [qu’il n’en était] pas satisfait ». Face à la critique, certains estimant que Prague contribue ainsi à financer la guerre menée par Vladimir Poutine, Petr Fiala a toutefois défendu la position tchèque :

Petr Fiala | Photo: Vít Šimánek,  ČTK

« Nous ne sommes plus dépendants du gaz russe, alors que nous l’étions encore il y a deux ans. À compter de l’année prochaine, nous ne serons plus dépendants du pétrole russe non plus, alors que nous l’étions jusqu’alors. Mais peu importe le pays d’origine de l’énergie qui arrive chez nous. Nous pouvons prendre notre gaz au nord, au sud, liquéfié ou conventionnel, norvégien ou américain. Peu importe. L’important est que nous puissions choisir et ce sont les sociétés qui distribuent le gaz qui font le choix des pays fournisseurs. Et eux choisissent ce qui est le moins cher. Et si le gaz russe est moins cher, c’est justement parce que nous n’en sommes plus dépendants et pouvons désormais choisir parmi différentes offres. C’est tout à fait logique et le plus important est que Poutine ne puisse plus nous faire chanter avec son gaz comme il pouvait le faire il y a encore deux ans. »

Reste donc désormais à savoir quelle sera la position d’une Allemagne en pleine crise politique avec l’effondrement de la coalition gouvernementale quant au maintien ou non de cette taxe. En mai dernier, la Tchéquie, après avoir fait pression avec la Slovaquie, l’Autriche et la Hongrie sur la Commission européenne, s’était félicitée de l'annonce de Berlin de supprimer, à compter de 2025, les frais de transit imposés à ses voisins. Depuis, toutefois, le projet de loi visant à exempter les acheteurs étrangers n’a toujours pas été adopté.