Fusillade du 21 décembre à l’Université Charles : la police cible des critiques
Six mois après la fusillade qui a fait 14 morts et 25 blessés à la Faculté des lettres de l’Université Charles de Prague, la police a publié les résultats de l’enquête menée sur les événements tragiques survenus le 21 décembre 2023.
Le 14 juin dernier, la police a annoncé qu’après avoir terminé son enquête, elle avait classé l’affaire en raison du suicide de l’assaillant. Une décision dont l’Université Charles s’est aussitôt plainte tout en réclamant une enquête complémentaire qui permettrait d’élucider toutes les circonstances de la fusillade et des événements qui l’ont précédée.
Rappelons d’abord les faits : le 21 décembre 2023, un étudiant âgé de 24 ans a transporté une valise remplie d’armes et de munitions dans le bâtiment de la Faculté des lettres. Depuis les toilettes, où il s’était caché, il s’est préparé à l’attaque pendant une heure et demie. À ce moment-là, il était déjà recherché par la police, celle-ci ayant reçu, dans la matinée, une information selon laquelle l’étudiant, originaire d’un village de Bohême centrale, était en route pour Prague et avait l’intention de se donner la mort.
Peu après midi, la police avait retrouvé le corps sans vie de son père dans la maison familiale. Les policiers ont d’abord cherché le suspect, en vain, dans le bâtiment central de la faculté, sur la place Jan Palach, avant de décider de faire évacuer les autres bâtiments de la faculté dans le centre-ville, où l’étudiant devait suivre un cours. Vers 15h00, ce dernier avait ouvert le feu dans le bâtiment central, tuant d’abord quatorze personnes avant, finalement, de retourner l’arme contre lui et de se suicider.
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En analysant l’intervention des forces de l’ordre, ainsi que les motifs de l’assassin, responsable de la mort de son père et de deux autres personnes retrouvées sans vie à la mi-décembre dans une forêt des environs de Prague, la police a interrogé près de 130 personnes, analysé les images de 120 caméras de vidéosurveillance et demandé 32 rapports médicaux sur les blessés et les victimes, ainsi que deux autres sur le meurtrier.
Jeudi dernier, les hauts responsables de la police ont présenté les conclusions de l’enquête, d’abord devant la commission de sécurité de la Chambre des députés, répondant pendant six heures aux questions des parlementaires et des familles des victimes, puis lors d’une conférence de presse.
Procureure de la République, Jana Murínová a constaté que l’auteur de la fusillade s’était préparé à passer à l’action pendant plusieurs mois. Selon elle, il éprouvait tout à la fois un sentiment d’injustice, de ressentiment et de haine tout en se sentant ostracisé, rejeté et inutile :
« Il s’est isolé et renfermé sur lui-même. Il n’avait pas d’amis, pas de relation amoureuse, bref, il n’avait personne à qui confier des pensées qui l’ont poussé vers cette folie meurtrière. »
La procureure a de nouveau confirmé que, selon les évaluations des experts, l’étudiant ne souffrait d’aucun trouble psychologique grave. Cependant, à peu près un an avant la tragédie, il avait consulté à plusieurs reprises un psychiatre. Un traitement dont n’était pas infomé son médecin généraliste, qui par la suite lui a fourni l’attestation médicale requise pour le port d’une arme à feu. L’étudiant en a par la suite acheté huit en l’espace de quelques mois, sans jamais susciter la moindre inquiétude.
Ces lacunes dans le système d’autorisation du port d’armes ont été critiquées sur le sol parlementaire, de même que certains aspects de l’intervention policière le jour du drame.
Toutefois, celle-ci a permis de sauver la vie d’un nombre considérable de personnes, selon la direction de la police et le ministre de l’Intérieur, Vít Rakušan. « Dans cette tragédie, il n’y a qu’un seul coupable », a ainsi répété le chef de la Police tchèque, Martin Vondrášek, face à la critique. Il a également déclaré que plusieurs points devant être améliorer avaient été indiqués par l’Inspection générale des forces de sécurité (GIBS), liés par exemple à la communication de la police avec les institutions et les personnes dans des situations d’urgence, aux capacités d’analyse de la police même, à la localisation des téléphones mobiles ou encore à la législation sur les armes.
Six mois après la fusillade, la rectrice de l’Université Charles a souligné que l’institution, ainsi que la société tchèque dans son ensemble devaient être résilientes, se tenir prête à ce genre de situations en lien avec la santé mentale.
La tragédie a affecté quelque 10 000 personnes sur le plan psychologique. Plusieurs milliers d’entre elles ont bénéficié d’un soutien apporté par l’université et de multiples institutions et organisations partenaires. L’Université Charles a annoncé la création, en son sein, d’un nouveau Centre de résilience psychique. Un espace de recueillement a été ouvert sur le lieu de la fusillade, dans les locaux de la Faculté des lettres où les cours ont repris en février. Enfin, il y a quelques jours, un monument à la mémoire des victimes a été inauguré devant le lieu du drame.