Gaspar Noé : « je conçois le cinéma comme des montagnes russes »

Gaspar Noé, photo: www.febiofest.cz

Avant de se prolonger dans les régions de République tchèque, le festival Febiofest se poursuit dans la capitale tchèque jusqu’au vendredi 2 avril. Parmi les invités, le réalisateur français Gaspar Noé, auteur de films non-conformistes, est venu présenter son dernier long-métrage, ‘Enter the void’.

« Gaspar Noé est un grand créateur d’atmosphères. Ses atmosphères sont tout à fait remarquables. Même s’il présentait la météo, on reconnaîtrait une atmosphère de Gaspar ». C’est ce qu’avait déclaré le comédien et réalisateur français Albert Dupontel à Cannes lors de la présentation du très controversé ‘Irréversible’, film en compétition officielle du festival en 2002, resté dans les annales pour une scène de viol de près de 9 minutes, qui a choqué une grande partie du public. Et il serait en effet difficile de nier le caractère, le style, la griffe particulière de ce cinéaste, qui, en fondant avec sa compagne sa propre société de production, les cinémas de la zone, s’est lui-même donné la liberté de créer des films qu’il veut atypiques. Gaspar Noé défend, auprès d’Aleš Stuchlý et Magda Koutská, nos collègues de Radio Wave, sa vision du cinéma :

Gaspar Noé,  photo: www.febiofest.cz
« Je pense que si on veut écrire des romans, il faut écrire des romans, si on veut faire des pièces de théâtre ou des téléfilms, on peut faire des pièces de théâtre ou des téléfilms. Moi je conçois plutôt le cinéma comme des roller coaster [montagnes russes] où il faut que les gens aient des sensations. Tout réalisateur, lorsqu’il commence un film, invente son système linguistique. Moi j’aime bien les plans séquence parce que j’ai l’impression que l’on a plus le temps de s’installer dans une situation. Et j’aime bien les effets stroboscopiques, jouer avec l’image, la rendre floue, la rendre nette. Mais c’est plutôt pour créer un état d’hypnose qui ressemble un peu plus à l’état de sommeil, au rêve en général. »

'Soudain le vide'
Annoncé en 2005, ‘Soudain le vide’ sortira en France au début de ce mois de mai 2010, sous son titre en version anglaise, ‘Enter the void’. Même s’il a pu être visionné par les festivaliers de Cannes 2009, le public tchèque, pendant le festival Febiofest, en a donc presque l’exclusivité. L’histoire est celle de deux américains, un frère et une sœur, qui vivent à Tokyo. Elle travaille dans un bar de striptease, lui est un petit dealer de drogue, abattu lors d’une descente de police. A partir de ce moment, son esprit erre dans le monde des vivants, pour tenir la promesse faite à sa sœur de ne jamais la laisser tomber. Fidèle à ses habitudes, Gaspar Noé présente un film ésotérique, et même mystique, inspiré en partie du livre des morts tibétain. Gaspar Noé :

'Soudain le vide'
« Le livre des morts tibétain est un livre que les moines tibétains lisent aux gens quand ils sont morts. Et c’est pour aider soit à accéder à un état d’existence supérieur, soit à se réincarner dans le bon ventre. Je ne suis pas du tout bouddhiste, je ne suis même pas religieux, je suis complètement athée, mais je trouvais que c’était une bonne structure pour un film où je voulais montrer ce que les gens appellent une projection astrale, la sortie de son corps. Il y a aussi pas mal de gens qui disent, quand ils sont sortis de la route, qu’ils sont sortis de leur corps, qu’ils se sont vus de l’extérieur. Je me suis dit que si j’utilisais les descriptions de projection astrale et le livre des morts tibétain comme structure, je pouvais faire un film avec ça. En ce qui concerne les expériences de mort imminente, j’ai lu beaucoup d’articles et de livres à ce sujet.
'Soudain le vide'
Souvent les figures de style ou les descriptions d’hallucination sont plus ou moins les mêmes. C’était facile de s’inspirer de ça. Après tout le film est vu ou ressenti du point de vue du personnage principal, en vision subjective d’abord et en perception mentale à partir du moment où il y a un accident, qu’il se prend une balle et est en train de mourir. Je me suis dit qu’il serait bien d’accompagner quelqu’un de sa vision normale à ses hallucinations, en restant toujours dans sa tête. »

Le film sortira dans les salles tchèques le 6 mai prochain.