Gel des avoirs russes en Tchéquie : « Chaque couronne qui ne finit pas en Russie sera utile »

Le bâtiment de l’école russe à Prague-Bubeneč

Le gouvernement tchèque a décidé, le 15 novembre, de geler tous les avoirs de l’État russe en Tchéquie et a placé la société qui gère les avoirs russes à l’étranger, elle aussi basée en Tchéquie, sur sa liste des sociétés sanctionnées. Une décision, la première du genre, saluée par Kyiv et qui, selon le ministre des Affaires étrangères, Jan Lipavský, « marque la fin des activités commerciales qui servent à tuer les Ukrainiens », a-t-il ajouté.

« Les avoirs russes au congélateur, nous ne finançons plus le massacre des Ukrainiens », a réagi un chroniqueur d’iROZHLAS.cz, le site d’actualité de la Radio tchèque, suite à l’annonce de la décision prise par le gouvernement dirigé par Petr Fiala. Une « mesure de principe », aussi, selon le chef de la diplomatie ukrainienne, qui a appelé les pays « qui ne l’ont pas encore fait » à suivre l’exemple de Prague. Invité de la Radio tchèque, mardi, le ministre tchèque des Affaires étrangères, Jan Lipavský (Parti des Pirates), qui a initié la démarche, a expliqué que « chaque couronne qui ne part pas en Russie, sera utile » :

Jan Lipavský | Photo: René Volfík,  ČRo

« Pour nous, il s’agit d'un acte d’autodéfense. La Russie mène une guerre d’agression en Ukraine et nous a causé d’incroyables problèmes. Il suffit de penser aux prix de l’électricité et du gaz, à l’inflation, au demi-million de réfugiés ukrainiens que nous avons dû prendre en charge. Et tout cela à cause de Poutine. Je pense donc qu’il est parfaitement légitime de geler le produit de ses avoirs afin qu’il ne puisse pas les utiliser pour faire la guerre. »

Concrètement, la décision du gouvernement entraîne le gel de quelque soixante-dix biens immobiliers en Tchéquie qui appartiennent à l’État russe, ainsi que des comptes bancaires de la société (Goszagransobstvennost) qui gère l’ensemble de ce patrimoine et dépend directement de la Fédération de Russie.

Avant la chute du régime communiste en Tchécoslovaquie, ces centaines de logements étaient occupés majoritairement par des ressortissants soviétiques qui occupaient diverses fonctions dans le pays. Et si, après 1989, ce vaste parc immobilier, héritage d’un temps révolu, a perdu sa raison d’être initiale, l’État russe a néanmoins continué de l’exploiter à des fins commerciales. Une activité certes légale, source de revenus importants, mais qui faisait aussi l’objet d’une certaine dissimulation et que le gouvernement tchèque, dont le soutien à l’Ukraine n’a jamais faibli depuis le début de l’agression russe, a décidé de ne plus tolérer en temps de guerre :

« Je reconnaîs que nous ne connaissons pas le montant exact des revenus, et ce d’autant moins que nous savons selon différentes sources que ces avoirs faisaient l’objet d’un certain trafic avec notamment beaucoup de paiements en liquide. Nous supposons que pas mal de gens en ont profité pour se remplir les poches. Sauf à contourner les sanctions, tout cela n’est donc plus possible désormais puisque les comptes bancaires ont été placés sous le contrôle de l’Administration fiscale. »

Photo illustrative: Дарья Яковлева,  Pixabay,  Pixabay License

Dénoncées comme « un acte illégal » par le Kremlin, qui réfléchit à la manière de réagir et envisage d’examiner les actifs tchèques en Russie, les mesures prises n’affectent toutefois pas les bâtiments de la mission diplomatique russe en Tchéquie comme l’ambassade, le consulat ou encore la résidence de l’ambassadeur, et ce comme l’a souligné Jan Lipavský.

Encore une fois, le chef de la diplomatie tchèque a insisité sur la nécessité de « mettre tous les moyens en œuvre pour que l’Ukraine puisse défendre son intégrité territoriale et sa souveraineté, et défendre le principe selon lequel les frontières en Europe ne peuvent être modifiées par la force ». Comme son homologue ukrainien, le ministre tchèque a donc appelé les autres pays à serrer davantage encore la vis :

« Il existe d’autres actifs russes similaires dans d’autres pays de l’Union européenne et je pense qu’il convient de faire preuve d’une certaine cohérence et d’une certaine fermeté dans une situation aussi grave. »

Et Jan Lipavský en est convaincu, la position tchèque n’est pas seulement « un geste ». Au contraire, il s’agit, selon lui, d’une décision « aux conséquences concrètes », et d’abord celle que « chaque couronne et chaque euro qui ne finissent pas en Russie servent [la cause ukrainienne] ».

mots clefs:
lancer la lecture

En relation