Grenoble, Nagano, ces JO en « 8 » qui ont aussi fait l’histoire tchèque
Quatre-vingt-treize sportifs tchèques, une délégation record, participent aux XXIIIes Jeux olympiques d’hiver qui ont été ouverts à Pyeongchang (Corée du Sud) ce vendredi. Dès ce samedi, la patineuse de vitesse Martina Sáblíková tentera de décrocher la quatrième médaille d’or de sa carrière. Un nouveau titre olympique rangerait définitivement celle qui était présentée comme « la Petite fée des étangs de Moravie » au début de sa carrière aux côtés des légendes qui, pour des raisons historiques, politiques ou plus symboliques, ont marqué les Jeux de Grenoble en 1968 et de Nagano en 1998.
Il y a cinquante ans de cela tout d’abord, en 1968 à Grenoble, peu après que le général de Gaulle a proclamé l’ouverture des premiers Jeux de l’histoire retransmis en direct et en couleur à la télévision, le sauteur à ski Jiří Raška devenait le premier champion olympique tchèque de l’histoire dans une discipline hivernale. Sacré sur le petit tremplin, Jiří Raška décrochait ensuite encore la médaille d’argent sur le grand tremplin, devancé de peu par le Russe Vladimir Belooussov.
« Byl to nádherný let v nekonečném tichu, který trval kratičký lidský věk. » - « Ce fut un vol magnifique dans un silence infini, un vol qui dura le temps de toute une vie », écrira le grand romancier Ota Pavel quelques années plus tard au sujet de ce saut de Jiří Raška entré dans la légende.
Pour les Tchèques, les Jeux de Grenoble en 1968, c’est aussi un match, de hockey sur glace bien sûr, ce sport qui qui a forgé leur histoire, et contre l’Union soviétique bien sûr aussi. En pleine Guerre froide, aux prémices d’un Printemps de Prague qui sera écrasé quelques mois plus tard par les chars du Pacte de Varsovie, la Tchécoslovaquie bat l’URSS (5-4), qui n’avait plus perdu le moindre match depuis cinq ans, devant un public français entièrement acquis à sa cause. Et peu importe finalement que la Tchécoslovaquie doive se contenter de la deuxième place derrière ces mêmes Soviétiques honnis, cette médaille d’argent a le goût de l’or.
L’or olympique, les hockeyeurs, qui ne représentent cette fois plus que la petite République tchèque, le décrocheront trente ans plus tard. A Nagano, dans ce qui est présenté comme le « tournoi du siècle » avec pour la première fois la participation des professionnels de la prestigieuse ligue nord-américaine NHL, Jaromír Jágr, Dominik Hašek et leurs partenaires signent un des plus grands exploits de l’histoire du sport tchèque. La Reprezentace, considérée comme un simple faire-valoir avant le début de la compétition, élimine successivement les favoris américains et canadiens de Wayne Gretzky en quarts et demi-finales avant de battre la Russie en finale (1-0). « Réécrivez l’histoire ! La République tchèque est championne olympique de hockey sur glace ! », s’exclame alors le commentateur de la Télévision tchèque…Comme un symbole, c’est Petr Svoboda, dont le nom signifie « liberté » qui inscrit le but victorieux dans le troisième tiers-temps, plongeant tout un pays dans une liesse semblable à celle qui avait accompagné la chute du régime communiste quelques années plus tôt.
Malgré l’heure matinale en ce dimanche glacé de février 1998, des centaines de milliers de personnes envahissent alors les rues de Prague et des grandes villes tchèques. Le lendemain soir, les héros, qui ont fêté leur titre comme il se doit dans l’avion qui les a ramenés du Japon, sont accueillis (avec un verre d’eau modérément apprécié) par le président Václav Havel. Pour remplacer celui-ci, la foule réunie depuis des heures sur la place de la Vieille-Ville réclame le gardien Dominik Hašek, grand artisan de la victoire, au Château de Prague… En cas de nouveau sacre à Pyeongchang, Martina Sáblíková saura donc quelle suite éventuelle donner à sa carrière lorsqu’elle aura raccroché ses patins.