Halte à la destruction du patrimoine industriel
C’est la démolition d’un monument industriel important de Prague - les Usines Ringhoffer - qui a mobilisé les amateurs tchèques des monuments techniques et leur a donné l’impulsion pour organiser les biennales intitulées « Traces industrielles ». En ce moment se déroule en République tchèque la cinquième édition de ce rendez-vous.
Usines désaffectées, mines abandonnées, châteaux d'eau, gares, ponts, écluses, moulins, tout cet important patrimoine industriel et technique qui a dû céder la place aux nouvelles technologies, est menacé de disparition. Le sort de ces témoins de l’ingéniosité des générations disparues a provoqué tout un mouvement qui attire l’attention sur les qualités architecturales et esthétiques de ces monuments. C’est ce que constate aussi Benjamin Fragner, directeur du centre du Patrimoine industriel de l’Ecole supérieure d’études techniques à Prague:
«L’intérêt pour cette partie de l’histoire augmente rapidement dans la mesure où nous nous éloignons du temps où ces édifices étaient encore exploités et souvent polluaient leurs environs. (…) Cette tendance est très marquante au cours de la dernière décennie. Ce qui est problématique c’est le manque de soutien de ceux qui pourraient décider de la façon d’exploiter et de sauver ces monuments.»
Selon Benjamin Fragner, on peut dire en général que le grand public ne manque pas d’intérêt pour ces monuments mais que l’attitude des milieux spécialisés vis-à-vis de cette problématique reste assez dubitative. Voilà pourquoi, d’après Eva Veselá de l’Institut national des monuments historiques, ceux qui n’étaient pas indifférents au patrimoine industriel se sont mobilisés:«Depuis 2001 nous organisons la biennale ‘Traces industrielles’.(…) Cela a commencé comme une initiative modeste au niveau national. Aujourd’hui, c’est déjà une manifestation internationale qui n’est pas organisée qu’à Prague. S’y joignent aussi les activités d’autres villes. Actuellement sept villes dont Ostrava, Zlín, Ústí nad Labem et Liberec y prennent part.»
Selon Benjamin Fragner l’attitude de la société tchèque dans ce domaine ne diffère pas beaucoup de celles des populations d’autres pays européens mais nous avons pris vingt ans de retard. Et Benjamin Fragner de constater que souvent ce n’est pas le temps qui est le plus grand ennemi des monuments industriels (s’ils ne sont pas déjà tombés complètement en ruines) car il leur confère une aura historique et justifie les initiatives pour leur sauvetage:
«C’est l’argent qui est paradoxalement l’ennemi le plus redoutable des monuments techniques. Nous finissons par détruire ce que nous remarquons et ce que nous voulons sauver par un remaniement ou une intervention brutale. Et ce n’est pas seulement la faute aux développeurs immobiliers, ils ne font que gagner de l’argent, mais c’est le climat dans la société qui leur permet de maltraiter l’histoire de cette façon.»Plusieurs expositions et une conférence pour les spécialistes sont organisées dans le cadre de la biennale. Le public est surtout attiré par l’exposition intitulée «Ce que nous avons détruit» qui évoque les plus intéressants des 130 monuments industriels démolis ou rasés depuis la première édition de la biennale en 2001.