Hanspaulka, un quartier urbanistique rare de Prague
Bienvenue à l'écoute, aujourd'hui, je vous propose une balade dans le quartier de Hanspaulka, dans le 6e arrondissement de Prague. Un quartier très intéressant du point de vue urbanistique, puisque de véritables bijoux architectoniques, oeuvres d'éminents architectes s'y trouvent.
Autrefois, ces villas étaient habitées par des politiciens et des célébrités, dont la grande vedette de la cinématographie tchécoslovaque de l'entre-deux-guerres, Lida Baarova : sa maison se trouvait au numéro 8 de la rue Neherovska... Une autre rue, qui s'appelle Na Vinicnich horach - aux monts de vignes, est bordée de maisons en briques faisant penser à une rue à Amsterdam, raison pour laquelle des cinéastes y ont tourné des scènes du film Le journal d'Anne Frank. Hanspaulka, oasis de verdure et de calme vit, en effet, à un rythme ralenti des années 1930 où la majorité de ses villas résidentielles ont été construites. Hanspaulka est une bonne adresse à Prague, mais la chance de s'y installer est minime, car, pour son bonheur, l'édification de nouvelles maisons n'y est pas prévue par le plan d'aménagement territorial. Bien que Hanspaulka ne soit pas classé site protégé, les conservateurs veillent d'un oeil attentif à la préservation du caractère fonctionnaliste originel du quartier.
Dans notre balade, nous sommes accompagnés par M. Jan Stenicka, qui est guide touristique de son état et grand connaisseur de Prague. Ma première question, d'où vient le nom assez difficile à prononcer, Hanspaulka?
"Le quartier porte ce nom à la mémoire de Hans Paul qui a fait construire ici, au 17e siècle, un château estival offrant une vue magnifique sur Prague ... Le château est, aujourd'hui, une propriété de la ville de Prague qui essaie de le vendre. Il a été, d'ailleurs, offert à Vaclav Havel, à l'époque où il était président, mais qui, comme on le sait, a finalement acheté une somptueuse villa non loin d'ici, dans le quartier d'Orechovka. Le château baroque Hanspaulka qui a donné le nom à tout le quartier, souffre, hélas, d'une importante dégradation..."
Comme vient de le dire notre guide, Hanspaulka a été autrefois un royaume des vignes comme en témoigne les noms de plusieurs rues. Les vignes s'étendaient sur les versants sud, alors que du côté nord, c'était des forêts, dont une maison des gardes forestiers en est restée le témoin.
C'est ce que dit la légende. Or l'existence d'une rotonde romane à cet emplacement est mentionnée dans les vieilles chroniques. Selon l'une d'elles, elle a été fondée par le prince Boleslav II et consacrée par saint Adalbert. L'église a été un lieu de pèlerinages qui ont fait naître le fameux pèlerinage de la saint Mathieu:
"Le lieu était une dominante de toute la région avoisinante. En effet, l'église Saint-Mathieu est située sur un éperon rocheux, au-dessus de la vallée de Sarka, l'une des plus grandes réserves naturelles de Prague. L'église était visible de loin et au printemps, des milliers de gens s'y rendaient: il y avait des boutiques, des manèges de chevaux de bois, des balançoires, et d'autres attractions. Dans les années 1920, la fête foraine de la Saint-Mathieu a été déplacée au Parc des foires à Holesovice où elle a lieu tous les ans, au printemps, débutant à la saint Mathieu, le 24 février, mais elle est née ici, il y a longtemps, au temps du baroque."
Au cimetière de l'église, des personnalités marquantes sont inhumées. On y trouve la sépulture de la famille Hendl qui a possédé ici, depuis 1551, une auberge dans laquelle on peut aujourd'hui encore se restaurer. A l'origine, l'habitation était rare à Hanspaulka, seules les demeures des vignerons s'y trouvaient. Les premières villas construites dans les styles historisants y sont apparues au 19e siècle. Un véritable essor du bâtiment ne se produit que dans les années 1930.
"Des entrepreneurs, ainsi que des architectes renommés y ont créé ensemble une architecture d'avant-garde, dont l'idée de départ a été un fonctionnalisme abstrait. La maison a d'abord reçu une organisation fonctionnelle intérieure dont le reflet, sur la façade extérieure, a été réalisé dans la disposition des fenêtres. Suivant les architectes, parmi lesquels il convient de mentionner Bohuslav Fuchs, Josef Chochol, Evzen Linhart et notamment Ladislav Zak, deux types principaux de villas forment l'image de Hanspaulka: les villas classiques, dotées de toits en forme de selle, avec une ou plusieurs fenêtres rondes dites de bateau, et les villas purement fonctionnalistes sous forme de cubes. Un trait typique de Hanspaulka, c'est que non seulement des directeurs de banques, des politiciens, des professeurs et des artistes y habitaient. On y trouve des maisons de fonctionnaires, d'instituteurs, d'intellectuels qui, sous la Première république, pouvaient se permettre de s'acheter une maison à un endroit aussi prestigieux. Hanspaulka était un quartier vivant. On y cultivait les sports, non seulement dans la salle de gymnastique, mais surtout sur les courts de tennis, on se consacrait à la musique, bref la vie cultivée pour le bien-être de tous les habitants florissait. Aujourd'hui, on remarque un style de vie très introverti, les résidants arrivent en voiture jusqu'à leurs maisons entourées de hautes murailles qui les séparent du reste du monde et derrière lesquelles la vie privée se déroule, aujourd'hui."
Il existe pourtant une association civique, Hanspaulka, qui souhaite que la vie du quartier reprenne un souffle nouveau. Elle fait paraître un journal informant des événements d'actualité, ainsi que des successeurs des résidants célèbres du quartier. Parmi eux, Jiri Bouda, fils du peintre Cyril Bouda, Jitka Hamzova, traductrice et petite-fille du médecin Frantisek Hamza, le premier en Europe centrale à fonder un établissement pour le traitement de la tuberculose enfantine, ou les successeurs de la célèbre dynastie des peintres Stretti. Chaque maison à Hanspaulka a son histoire, comme celle de Lida Baarova, actrice des plus belles et des plus controversée du cinéma tchécoslovaque. Emprisonnée, après la guerre, à cause de ses contacts avec Joseph Goebbels, ministre de l'Information sous Hitler, Baarova s'est fixé, après sa libération, à Salzbourg où elle est décédée, dans la solitude, il y a 4 ans...
