Havel, héros mythique, héros fatigué

Photo: Bohdan Holomíček

Une exposition à la Galerie Montmartre, dans le centre historique de Prague, entend présenter l’underground tchèque des années 1970 et 1980 sous un autre jour : centrée exclusivement sur la figure de l’ancien président et dramaturge Václav Havel, dont la santé est à l’heure actuelle à nouveau un sujet d’inquiétude, elle s’achèvera le 13 mars prochain.

« On avait l’underground, on a que dalle ». C’est d’après une phrase du « père spirituel » de l’underground tchèque, le poète Egon Bondy, qu’a été baptisée l’exposition. La figure centrale de la dissidence tchèque et premier président tchèque après la Révolution de velours, Václav Havel, y est présenté par l’intermédiaire de la poésie dissidente et des photos des années 1977-1989. Pas d’écrits du dramaturge lui-même, mais des textes rédigés par ses collègues et amis dissidents, poètes ou musiciens tels que Ivan Martin Jirous, Vratislav Brabenec du groupe Plastic People of the Universe, ou encore du chanteur Jaroslav Hutka.

Martin Putna est commissaire de l’exposition organisée par la Bibliothèque Václav Havel. Pour lui, il s’agissait de présenter la figure de Havel autrement :

« L’idée de cette exposition est née parce que cette période de la vie de Vaclav Havel me semble oubliée, alors qu’elle est d’une certaine façon la plus intéressante. Aujourd’hui, tout le monde connaît Havel en tant que président, comme un monsieur sérieux, aux paroles sages et en costume. Mais c’était une personne qui a eu une vie à la fois dramatique mais aussi joyeuse dans de nombreuses communautés, notamment celle de l’underground. Les gens de l’underground étaient très radicaux vis à vis du communisme. Pour cela, ils ont été battus et mis en prison. Et Václav Havel apparaît comme un des héros principaux de cet underground, comme son symbole. »

En 1977, Václav Havel est l’un des rédacteurs et un des premiers signataires de la Charte 77, premier manifeste public d’opposition au communisme depuis le début de la normalisation qui avait suivi l’invasion soviétique de 1968. L’underground tchèque sera un creuset de création artistique doublé de résistance politique au régime. De nombreux artistes gravitent alors autour de Havel et lui rendent visite dans sa résidence secondaire de Hrádeček, l’occasion de fêtes aussi bien que de considérations politiques plus sérieuses. Martin Putna :

« Les textes présentés sont surtout liés aux périodes où il était en prison. Il s’agit surtout de textes des débuts de la Charte 77, puis datant de l’époque de son emprisonnement, en 1979, où il y a eu le procès du VONS, le Comité de défense des personnes injustement poursuivies. Il y a enfin 1983, quand il a été libéré. Ce sont les trois moments évoqués par les poèmes où Havel apparaît comme un héros symbolique et mythique. »

Un héros symbolique toujours présent sur la scène médiatique par ses divers engagements après son retrait du monde politique, mais un héros aujourd’hui fatigué. Le vernissage de l’exposition mardi soir s’est en effet déroulé sans le principal concerné, puisque Václav Havel, âgé de 72 ans, a subi une opération lundi pour une maladie inflammatoire. La santé de l’ancien président tchèque est fragile depuis plusieurs années, et ses médecins ont fait part de leur inquiétude ce mercredi, suite à des complications post-opératoires.