Hockey : la saga des frères Treille au Sparta Prague (2e partie)
Suite cette semaine de l’entretien avec Yorick et Sacha Treille, les deux internationaux français de hockey sur glace qui portent le maillot du Sparta Prague. Après une saison dernière catastrophique à l’issue de laquelle le plus prestigieux des clubs tchèques ne s’était pas qualifié pour les play-offs et avait même été contraint d’en passer par les barrages pour conserver sa place dans l’élite, le Sparta revit cette saison. Premiers du classement à quelques journées de la fin de la saison régulière, les Pragois figurent, avant les play-offs, parmi les grands favoris pour le titre de champion de République tchèque. Déjà présent la saison dernière, Yorick Treille fait partie des quelques rares joueurs que les dirigeants ont décidé, malgré la médiocrité des résultats, de conserver pour reconstruire une équipe plus compétitive. Une marque de confiance forte pour Yorick Treille, comme il l’a confié au micro de Radio Prague.
La situation du Sparta Prague en République tchèque, que ce soit en hockey ou en foot, est semblable à celle, par exemple, de l’Olympique de Marseille ou du Paris Saint-Germain dans le championnat de France de foot. Pour les clubs qui les reçoivent, c’est toujours un événement. Pour vous, en tant que joueur du Sparta, est-ce important de vous déplacer à Ostrava, Brno, Plzeň ou Pardubíce, des clubs avec lesquels il existe une forte rivalité ? Est-ce motivant de jouer à l’extérieur ?
Yorick : « Oui, on joue souvent dans des salles pleines. Le club qui nous reçoit réalise le plus souvent sa meilleure recette de la saison. Pour tout joueur, c’est motivant de jouer devant des tribunes pleines. La motivation vient toute seule. Et puis, les équipes adverses nous ‘détestent’. Elles sont prêtes et font leur meilleur match contre nous, mais c’est aussi un avantage pour nous. On est ainsi régulièrement testés et on n’a pas le droit de passer à travers un match. Et je pense qu’on est bien préparés à ça cette saison, contrairement à la saison dernière notamment. »Quelle est votre situation aujourd’hui ? Pensez-vous déjà à l’avenir ? Envisagez-vous de rester en République tchèque ou préféreriez-vous voir encore autre chose et peut-être un peu plus haut que le Sparta et le championnat tchèque ?
Yorick : « Si on s'en tient à notre contrat, nous devrions encore être au Sparta la saison prochaine… Mais vous savez, en République tchèque, ça peut vite changer. Aujourd’hui, l’objectif est bien sûr de finir d’abord la saison ici et si possible de gagner un titre. Après, j’ai donc encore une année de contrat, Sacha également plus une année supplémentaire en option. Si on pouvait rester ici et jouer encore ensemble la saison prochaine, ça me conviendrait tout à fait. C’est mon objectif. Même si je ne suis pas encore considéré comme âgé pour le hockey, je suis quand même plus proche de la fin de carrière, et donc à mon âge, je souhaiterais rester au Sparta, y gagner encore quelques matchs et prendre du plaisir. Sacha est plus jeune, peut-être a-t-il d’autres objectifs… »
Sacha : « Nous sommes effectivement sous contrat, mais comme le dit Yorick, dans le hockey et le sport professionnel en général, ça peut aller très vite et il faut s’attendre à tout. On va donc d’abord penser à bien finir cette saison, et on verra à la fin de celle-ci comment les choses vont se passer. »Vous êtes tous les deux joueurs de l’équipe de France. Quel est l’intérêt que portent vos coéquipiers français à votre parcours en République tchèque ? Et pensez-vous pouvoir constituer un exemple pour d’autres joueurs français ?
Sacha : « Aujourd’hui, l’équipe de France est composée de beaucoup plus de joueurs qui évoluent dans des championnats étrangers. Ce sont donc des joueurs qui s’intéressent à nous comme nous, nous nous intéressons à eux et à leur parcours. Mais c’est vrai qu’avoir un exemple peut servir. Lorsque je me suis retrouvé sans club, mon frère était déjà en République tchèque et ça m’a ouvert des portes. Alors pourquoi pas à d’autres ? Le championnat tchèque est un très bon championnat et si quelqu’un a un jour la chance de pouvoir y jouer, je lui conseillerai parce que c’est une super expérience. »
Yorick : « Nous gardons pas mal de contacts avec les autres joueurs de l’équipe de France. Nos amis nous suivent aussi, comme nous nous intéressons régulièrement à ceux qui jouent en Suisse, en Suède ou en Allemagne. Pour le hockey français, plus il y aura de joueurs qui pourront s’expatrier dans des bons championnats européens, plus ce sera bénéfique pour l’équipe nationale. Et si on peut ouvrir des portes pour des jeunes Français talentueux qui souhaitent réussir à l’étranger, tant mieux ! »
Est-ce vraiment possible ? Y a-t-il un réel intérêt des clubs tchèques ?
Yorick : « En fait, peu importe que l’on soit français. Ce qui compte, c’est que le joueur ait le niveau pour aider l’équipe. Après, bien sûr, les relations peuvent servir. Il y a aussi les championnats du monde, où les clubs peuvent éventuellement suivre des joueurs qui évoluent dans des clubs français. Après les Mondiaux en Allemagne en 2010, un joueur français avait été en contact avec un club tchèque, notamment parce qu’ils me connaissaient. Mais ça ne s’était pas concrétisé au final. Ca n’empêche que notre présence ici peut créer des liens, ouvrir des portes. S’il y a un autre Français qui vient, tant mieux, mais on peut dire que les clubs se fichent de la nationalité des joueurs. Ce qui compte pour eux, c’est de savoir si le joueur peut leur apporter quelque chose. Le reste… »
Puisque l’on évoque l’équipe de France… Depuis plusieurs années, elle parvient à se maintenir dans le groupe mondial. Mais que manque-t-il encore pour passer le premier tour et joueur autre chose que le maintien ?
Yorick : « Ca fait plusieurs années que l’équipe de France progresse. On arrive maintenant à se maintenir depuis cinq ans. C’est déjà un bon point. Mais c’est vrai que l’objectif désormais est de franchir un autre palier. Je pense qu’on en est proches. Il y a de plus en plus de joueurs qui évoluent dans des clubs étrangers et j’ai une grande confiance dans cette équipe de France. Je crois qu’elle peut faire quelque chose de très bien cette année. Ceci dit, ce n’est pas facile. Toutes les équipes progressent. Mais d’une manière générale, plus on aura de joueurs qui évoluent dans des bons championnats étrangers, plus on aura de chances de rivaliser au niveau des championnats du monde. Ce sont des matchs avec une grosse intensité, et pour les joueurs habitués au championnat de France, ça fait quand même une grosse différence. Même si ce sont aussi de très bons joueurs, ils n’ont pas la chance de joueur régulièrement à ce niveau-là pendant toute l’année, alors s’adapter sur une durée de deux semaines à ces matchs qui changent d’intensité, ce n’est pas évident. »
Il y a deux ans de cela, l’équipe de France avait affronté la République tchèque pour son premier match de groupe aux championnats du monde avec une assez large défaite à la clef (http://www.radio.cz/fr/rubrique/sport/hockey-mondial-entree-en-lice-reussie-pour-les-tcheques-contre-la-france). Selon vous, que savent les Tchèques aujourd’hui du hockey français ?
Yorick : « Ils ne savent pas grand-chose du hockey français, mais ils savent quand même qu’ils sont obligés de nous respecter un peu plus qu’avant. Il n’y a pas vraiment de matchs faciles aux Mondiaux. Souvent, les équipes favorites attaquent très fort la compétition et ne nous prennent pas à la légère, même si, quand elles arrivent à marquer assez vite trois ou quatre buts, elles lèvent parfois un peu le pied. Maintenant, avec des équipes comme la Norvège, le Danemark ou d’autres, qui ont déjà créé quelques surprises, dans un tournoi très court comme les championnats du monde, les équipes ne peuvent pas se permettre de louper un match. Après, je ne suis pas tchèque, je ne sais pas vraiment ce qu’ils pensent de nous. Mais quand ils nous affrontent, au moins au début, ils se donnent à fond. Parfois, les matchs se passent bien pour eux, ils ont alors un peu plus de marge. Mais l’équipe de France a réussi à accrocher des équipes comme la Suède, contre laquelle nous n’avions perdu que 3-2 l’année dernière, donc ils ne rigolaient pas trop. »
On a évoqué la vie à Prague, que vous décrivez comme agréable. En assistant à l’entraînement, j’ai remarqué que vous communiquiez en anglais avec vos coéquipiers du Sparta. Question obligatoire : quid du tchèque ?
Yorick : « Disons que j’arrive à comprendre au niveau du hockey avec certains mots qui reviennent très souvent. Quand les coaches parlent, je n’ai pas trop besoin de traduction non plus. Mais il y a aussi des Américains dans l’équipe avec lesquels on parle en anglais. Il y a aussi les entraîneurs adjoints qui traduisent. Cela n’enlève rien au fait que le tchèque reste une langue difficile à apprendre. Malgré tout, je me débrouille : je comprends un peu et j’arrive à m’exprimer. Mais si je m’étais investi un peu plus, ce serait certainement beaucoup mieux…. »
C’est un regret ?
Yorick : « (il hésite) Un peu… Enfin… Disons que je continue d’essayer à apprendre à ma façon, en écoutant et en demandant à droite et à gauche. Ca suffit dans la vie de tous les jours. Si j’ai un problème, je sais me débrouiller. Je ne peux pas dire que je parle couramment le tchèque, certainement pas, mais ça vient tout doucement. »
Sacha : « Moi, ça ne fait que un an et quelques mois que je suis en République tchèque, donc c’est encore assez difficile. J’ai la chance d’avoir Yorick à mes côtés. C’est lui qui passe les commandes dans les restaurants… J’essaie d’enregistrer un petit peu, mais c’est une langue compliquée. Et puis, en hockey, tout va tellement vite qu’on peut se retrouver à jouer en Finlande pratiquement du jour au lendemain. Des fois, il n’y a pas vraiment d’intérêt à se mettre à fond dans une langue, même si ça peut toujours être bénéfique pour la suite. »
Le quotidien d’un hockeyeur professionnel permet-il de faire autre chose ? De découvrir le pays ? Qu’est-ce qui vous plaît ou vous déplaît ici en République tchèque ?
Sacha : « On a quand même pas mal de temps libre, même si il y a aussi beaucoup de fatigue, donc les après-midi sont d’abord consacrés à la récupération. Mais ne serait-ce que marcher dans Prague… Au niveau architecture… C’est vraiment joli. C’est une ville assez reposante. Même si c’est une capitale, ça reste une petite ville au niveau européen. On y trouve tous les avantages d’une grande ville avec ceux d’une ville reposante. »
Yorick : « On est vraiment très contents d’être à Prague. C’est vrai qu’on se repose beaucoup l’après-midi, mais ça fait partie de notre quotidien. On s’entraîne le matin, on joue aussi beaucoup de matchs, et l’après-midi on récupère. Mais on se ballade quand même dès que l’occasion se présente. Il n’y a rien qui me déplaise vraiment à Prague. Je dirais même que c’est une ville que j’adore ! »