« I come from Czech », ou une appellation internationale problématique

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Salut à tous les tchécophiles de Radio Prague – Ahoj vám všem, milovníkům češtiny Radia Praha ! La République tchèque à l’international ! C’est ce qui va nous préoccuper aujourd’hui, en ces temps de présidence tchèque de l’Union européenne, et surtout : la désignation de la République tchèque à l’international.

Si vous suivez le Tchèque du bout de la langue, vous aurez noté que l’appellation officielle des pays tchèques est Česká Republika, voire Česko, ce dernier raccourci faisant débat. Petit rappel pour nos nouveaux auditeurs : en Tchéquie comme ailleurs, on aimerait un nom simple et précis, en un mot de préférence, pour pouvoir parler du pays, tout comme on dit France plutôt que République française, terme réservé à la politique.

Le problème, c’est que la République tchèque est composée de trois régions : la Moravie, la Silésie, et la Bohême, qui loge Prague. En tchèque Morava, Slezsko et … Čechy. Et il y a des Moraves et des Silésiens qui ne veulent pas qu’on dise Českoà cause de la confusion Česko – Čechy– parce que quand même, il ne faudrait pas qu’on les prenne pour des Bohêmiens, ou pire, qu’on assimile tout le pays à la simple Bohême ! Certains ont même proposé des néologismes parfois surprenants, comme alternative – Morče,Čechrava– combinaisons de Čechy et Morava, ou encore Českozemsko– pays tchèque – ou Čechoslávie.

Aucune de ses appellations proposées ne s’est enracinée réellement, et le débat reste ouvert, l’utilisation de Česko se répand, mais ne remplace pas complètement la Česká Republika, utilisée beaucoup plus largement que dans le simple contexte politique.

Cette polémique rappelée, venons-en à notre thème du jour : la désignation de Českoà l’international, et plus particulièrement en anglais – plutôt utile en ces temps de présidence de l’Union européenne. Pavel Krejčí, linguiste de la Faculté Philosophique de Brno, a écrit un article sur le sujet dans le magazine Vesmír du mois de mars. Quelque chose nous manque, écrit-il, quelque chose que chaque pays au fonctionnement normal a, quelque chose de tellement évident que ses habitants n’y réfléchissent pas...

Ce quelque chose, vous l’aurez deviné, c’est ce qui vous saute aux yeux à chaque fois que vous lisez une liste de noms de pays européens en anglais. Dans son article, Pavel Krejčí évoque le terme Česko comme l’appellation officielle du pays, bien que débattu et, en conséquence, boudé par les médias. Pas étonnant donc que la recherche d’équivalents en langues étrangères pose problème.

Et pourtant, dès la naissance de la République tchèque comme pays indépendant, après le divorce tchécoslovaque de 1993, une commission d’experts des plus sérieux – géographes, linguistes, historiens, politologues et j’en passe – s’est penchée sur la question, pondant Tchéquie pour les francophones, Tschechien pour les germanophones, Chequia pour les hispanophones, et même le mal-aimé Czechia pour les anglophones – ainsi, comme le titre Pavel Krejčí,Česko svůj oficiální anglický překlad má. Už 16 let! La Tchéquie a sa traduction anglaise. Depuis 16 ans déjà ! Cette année-là, le Ministère des Affaires étrangères tchèque a conseillé à ses représentants à l’étranger d’utiliser ces appellations pour désigner leur pays dans le langage courant. Et pourtant, Czechia, on ne l’a pas beaucoup entendu ces 16 dernières années !

D’après la page tchèque de Wikipédia consacrée au sujet, ce terme rappelle peut-être trop la Tchétchénie pour qu’on ait envie de l’utiliser! Quoi qu’il en soit, ce qui énerve le plus Pavel Krejčí, c’est qu’à la place de Czechia, ce n’est pas Czech Republic qui revient systématiquement, puisqu’il est naturel d’avoir envie de désigner un pays par un nom simple. Et le gagnant est... Czech. Věčný nesmysl, selon le linguiste, un non-sens permanent. Comme si les Français disaient qu’ils viennent de French – Czech est en effet un adjectif, qui désigne une personne ou une chose tchèque, ou la langue tchèque. Et Czechia, c’est choisi, discuté, grammaticalement correct et logique, ça s’accorde bien avec les régions – Bohemia, Moravia, Silesia – et avec les voisins – Slovakia, Austria, Slovenia… Et si vous n’étiez pas encore convaincus, le terme Czechia apparaissait déjà dans des textes latins désignant les pays tchèques au XVIII e siècle.

Alors, où est le problème ? D’après Pavel Krejčí, il serait erronné voire dangereux de voir le problème dans un terme mal choisi – le problème, c’est que les Tchèques eux-même n’aiment pas assez Czechia pour prendre soin de l’utiliser consciencieusement quand ils parlent ou écrivent sur leur pays à l’international.

Après tout, le monde a adopté des nouvelles appellations sans problème, comme le Zimbabwe, le Bangladesh, ou encore le Kosovo ou le Montenegro, alors le monde adopterait Czechia, si les Tchèques ne doutaient pas eux-mêmes à ce point de cette appellation. A commencer par le Ministère des Sports, un des principaux coupables selon Pavel Krejčí, qui n’hésite pas à vêtir ses sportifs qui partent en compétition dans le monde de maillots CZECH.

Et c’est sur ce non-sens permanent que se referme ce « Tchèque du bout de la langue » consacré à l’appellation internationale de la Tchéquie/République tchèque. En attendant de vous retrouver la semaine prochaine, portez-vous du mieux possible – mějte se co nejlíp !, portez le soleil en vous – slunce v duši, salut et à bientôt – zatím ahoj !