Il y a 20 ans, l'ambassade de la RFA à Prague envahie par des réfugiés est-allemands

Les fugitifs est-allemands devant l’ambassade de la RFA à Prague, 1989, photo: www.prag.diplo.de

C’est la nuit du 30 septembre au 1er octobre que tombe le 20e anniversaire de l’exode massif de milliers de ressortissants de la RDA fuyant le régime Erich Honecker pour aller s’installer en RFA via Prague. Plusieurs manifestations comme un colloque international, la parution d’un recueil de documents historiques, un train symbolique appelé le « Train de la liberté 1989 – 2009 » et notamment l’arrivée, ce mercredi, à Prague, de l’ex-chef de la diplomatie ouest-allemande Hans-Dietrich Genscher, marquent le 20e anniversaire d’événements bouleversants. Evénements qui conduiront à la chute du mur de Berlin, le 9 novembre 1989, et à l’effondrement des régimes communistes à Prague, à Sofia et à Bucarest…

Les fugitifs est-allemands devant l’ambassade de la RFA à Prague,  1989,  photo: www.prag.diplo.de
Pendant l’été 1989, plusieurs vagues de fugitifs est-allemands ont envahi les locaux de la représentation diplomatique de la RFA à Prague, dans le quartier de Malá Strana, pour y demander le droit d’asile et le départ en Allemagne de l’Ouest. Comme l’écrit dans un recueil de documents l’historien Vladimír Prečan, jamais depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, un moment-clé de l’histoire allemande n’avait été aussi étroitement lié avec le territoire de la Tchécoslovaquie comme les douze semaines de l’été et de l’automne 1989.

Les fugitifs est-allemands devant l’ambassade de la RFA à Prague,  1989,  photo: www.prag.diplo.de
Selon certaines sources, le siège de l’ambassade praguoise de la RFA est alors devenu un point de repère pour jusqu’à 15 000 fugitifs est-allemands. Plus de la moitié d’entre eux sont restés devant ses portes, dormant par terre ; d’autres avaient escaladé le mur du jardin. Les hommes dormaient dans les couloirs, sur le long escalier ou sous des tentes montées dans le jardin, les femmes et les enfants dans les bureaux évacués. Le jardin boueux après des pluies intenses était plein à craquer, il y avait des problèmes de logistique et la menace d’une crise humanitaire, comme l’a rappelé ce mardi à Prague l’ambassadeur d’Allemagne, Johannes Haindl :

« Pour les réfugiés qui attendaient dans le jardin ou allongés sur les lits provisoires le long de l’escalier, la situation n’était pas facile. 600 femmes et enfants devaient être hébergés dans la chaudière. Grâce à l’approvisionnement assuré par la Croix rouge allemande et d’autres organismes, on a réussi un petit miracle à Prague. Tout cela n’aurait pas été possible sans le soutien et les gestes de sympathies des Pragois. Déjà la seule réponse à la question de savoir où se trouve l’ambassade allemande était une épreuve du courage personnel. Malgré cela, de nombreux Praguois sont allés plus loin encore et apporté une aide efficace et c’est à eux que nous disons merci. »

Hans-Dietrich Genscher sur le balcon de l’ambassade praguoise de la RFA,  1989,  photo: CTK
C’est le chef de la diplomatie fédérale Hans-Dietrich Genscher qui a amené une solution à cette situation. Arrivé dans la capitale tchécoslovaque le 30 septembre 1989, il a fait son apparition sur le fameux balcon de l’ambassade praguoise de la RFA que personne n’appellera autrement que balcon Genscher, pour annoncer aux 4000 Est-allemands réfugiés séjournant en ce moment dans son enceinte qu’ils pourraient rejoindre l’Allemagne de l’Ouest :

« Chers concitoyens, je suis venu ici pour vous annoncer que votre départ pour la République fédérale d’Allemagne est libre. »

Les trains expédiés de la gare pragoise de Libeň,  photo: CT24
Les derniers mots du discours historiques se perdaient dans le bruit assourdissant de la foule enthousiasmée. Quelques heures plus tard, la nuit du 30 septembre au 1er octobre, plusieurs trains spéciaux expédiés de la gare pragoise de Libeň ont amené les premiers 4000 fugitifs est-allemands via Dresde à Hof, en RFA.

La raison pour laquelle la Tchécoslovaquie était le pays de transit pour ces réfugiés est-allemands en automne 1989, était la fermeture par Budapest de la frontière austro-hongroise par laquelle les départs étaient possibles pendant plusieurs semaines. La Tchécoslovaquie est ainsi devenue le dernier pays avec laquelle la RDA possédait un régime sans visas et passeports.

L’euphorie qui a éclaté dans le jardin de l’ambassade après le discours de Hans-Dietrich Genscher était énorme, se souvient Joachim Bruss, chef du service linguistique de l’ambassade qui y a vécu toutes ces journées d’il y a 20 ans, quand l’histoire se réécrivait à Malá Strana :

Photo: CTK
« Ils ont accroché partout autour, sur des arbres dans le jardin, les clés de leurs appartements et de leurs voitures, et jeté de l’argent par les fenêtres pour exprimer qu’ils ne voulaient plus rien avoir de commun avec ce qu’ils avaient abandonné… »

Les clés sont restées dans de nombreuses voitures Trabant et Wartburg qui ont alors déferlé sur les rues de Malá Strana et que les est-Allemands ont délaissés ici. Certaines d’entre elles ont pris le chemin de retour, conduites par les chauffeurs de RDA envoyés spécialement à Prague, d’autres, restées abandonnées, ont été prises par les habitants du quartier…

Photo: CTK
Une chose est certaine : la voiture Trabant est devenue le symbole de l’exode massif des ressortissants de la RDA en RFA via Prague, il y a 20 ans. Pour rappeler l’événement, une statue d’une Trabant avec des pieds au lieu des roues, en bronze, créé par le plasticien David Černý, est installée dans le jardin de l’ambassade :

« Il s’appelle Quo vadis, et je l’ai exposé pour la première fois sur la place de la Vieille-Ville le jour de la création de l’union monétaire allemande, en allusion à ce fait, comme une question demandant ou se dirigera la grande Allemagne réunifiée. »