Quelques anniversaires à retenir de l’année 2009

Madeleine Albright et Václav Havel à la conférence 'La liberté et ses adversaires'

Comme chaque année à pareille époque, l’heure est au bilan : retour donc, aujourd’hui, sur quelques-uns des événements parmi les plus marquants de l’année écoulée qui ont été au cœur de nos programmes précédents.

Photo: Jaroslav Kučera
Ainsi, au mois de janvier, nous vous avons invité à une exposition consacrée à Jan Palach. Pour la première fois, les documents authentiques retrouvés dans le dossier établi par la StB sur Jan Palach après son immolation par le feu, il y a de cela 40 ans, le 16 janvier 1969, ont été exposés. Parmi le millier de documents dont beaucoup n’avaient jamais été publiés auparavant figurait la lettre que Jan Palach a laissée dans la poche de son manteau dont il s’est débarrassé sur la rampe du Musée national avant de s’immoler par le feu. Il y écrit qu’un tirage au sort a décidé que ce serait lui la première torche, et que d’autres étudiants étaient prêts à ce sacrifice. Pour le prorecteur de l’Université Charles, Mojmír Horyna, cette lettre prouve que la mort de Jan Palach n’a pas été un geste romantique et moins encore négativiste, mais un geste d’altruisme et un moyen ultime de défense de la liberté. Un rappel tacite du souvenir de Jan Palach a persisté tout au long des 40 ans sur le sol de l’Université :

« Dans le grand pavois de l’aula historique, derrière la loge du recteur, le mât au milieu ne porte plus, depuis janvier 1969, de drapeau. C’est exactement le mât dont on a descendu le drapeau tchécoslovaque pour le poser sur le cercueil de Jan Palach en l’honneur de son acte, la place au milieu du pavois est restée et restera toujours vide. »


Paul Millar près de mémorial au port d’Arisaig
Soixante-dix ans après le départ de centaines d’officiers et de simples soldats tchécoslovaques en Occident pour combattre dans les armées étrangères contre Hitler, après avoir été démobilisés dans leur pays occupé, l’Ecosse a érigé un mémorial en hommage aux parachutistes tchécoslovaques. Le mémorial représentant un parachute tombé par terre mais qui ne s’est pas plié et dont la voile est restée ouverte, symbole de l’espoir, est situé sur un beau site au port d’Arisaig, avec une vue des îles derrière lesquelles le soleil se couche. Il honore la mémoire de tous les volontaires tchécoslovaques et est conçu à la fois comme une tombe du soldat inconnu à la mémoire de ceux dont on ignore où ils reposent.

Czech Memorial est le nom de l’association tchéco-écossaisse qui s’est chargée de l’édification de ce mémorial. Son représentant, Paul Millar, qui est le consul honoraire tchèque en Ecosse, a expliqué à Radio Prague pourquoi la Grande-Bretagne, là où la première brigade mixte tchécoslovaque a été fondée, après l’évacuation de soldats des ports français :

« La Grande-Bretagne a été le seul pays en état de guerre avec l’Allemagne. L’état-major général britannique est allé demander de l’aide auprès de Churchill en lui disant : nous avons besoin d’alliés et les seuls alliés que nous pouvons avoir, ce sont des mouvements de résistance clandestins dans les territoires occupés. On a créé une section spéciale baptisée Special Operations Executive qui avait pour tâche d’entrer en contact avec ces mouvements et qui a commencé à recruter dans les rangs de l’armée britannique les hommes venus de l’étranger. C’étaient des Tchécoslovaques, des Polonais, des Norvégiens, des Hollandais, des Français. »


Photo: prag.diplo.de
La nuit du 30 septembre du 1er octobre est tombé le 20e anniversaire d’un événement qui conduira deux mois plus tard, le 9 novembre 1989, à la chute du mur de Berlin : l’exode massif de milliers de ressortissants est-allemands fuyant le régime d’Erich Honecker pour aller s’installer en RFA, via Prague. Pendant l’été 1989, plusieurs vagues de fugitifs de l’ex-RDA se sont réfugiés dans les locaux de l’ambassade allemande, pour y demander le droit d’asile. Selon certaines sources, ce bâtiment est devenu un point de repère pour 15 000 personnes. La majorité d’entre-elles sont restées devant ses portes, dormant par terre, d’autres, plus chanceux, ont trouvé refuge dans les bureaux évacués et sous des tentes montées dans le jardin. Une solution à cette situation menaçant d’une crise humanitaire a été apportée par le chef de la diplomatie fédérale d’alors, Hans-Dietrich Genscher. Arrivé dans la capitale tchécoslovaque le 30 septembre 1989, il a fait son apparition sur le fameux balcon de l’ambassade praguoise de la RFA, que personne, depuis, n’appelle plus autrement que balcon Genscher, pour annoncer aux réfugiés séjournant en ce moment dans son enceinte qu’ils pourraient rejoindre l’Allemagne de l’Ouest. Les derniers mots du discours historique se perdaient dans le bruit assourdissant de la foule enthousiaste :

« Chers concitoyens, je suis venu ici pour vous annoncer que la voie pour votre départ pour la République fédérale d’Allemagne est libre. »


La même faculté des lettres de l’Université Charles de Prague, qui a été un des foyers de la révolution de Velours dont nous avons commémoré cette année le 20e anniversaire, a accueilli, le 15 novembre, une conférence internationale sur le thème « La liberté et ses adversaires. » Parmi les intervenants à cette conférence organisée par Václav Havel, le philosophe français André Glucksmann qui, déjà dans les années 1960, disait attention au marxisme en tant que plate-forme des diverses formes de totalitarisme. C’est de l’originalité de la révolution de Velours tchécoslovaque dont il a notamment parlé :

« C’est que ce n’est pas seulement une révolution pour la liberté, c’est une révolution pour la vérité. Il s’agissait d’échapper au plus grand mensonge de l’histoire du XXe siècle, celui qui a prêché la paix et qui a fait la guerre. Le mensonge qui a prêché la fraternité et qui a créé l’oppression la plus radicale, le mensonge qui voulait la justice et qui a créé le goulag. Alors, à mon avis, la révolution dissidente, son principal mérite et sa principale nouveauté, c’est d’avoir lié liberté et vérité. C’est tout, mais c’est une tâche qui se continue, puisque nous sommes en proie à un nihilisme passif qui fait que nous avons regardé mourir 200 000 Tchétchènes sur une population d’un million, donc nous sommes dans cette situation où le rapport entre la liberté et la vérité, ce n’est pas une question du passé, c’est une question de notre avenir. »