30 septembre 1989 : « il vous est désormais possible d’émigrer »
L’ambassade allemande à Prague organise ces jours-ci différentes manifestations pour commémorer le 25e anniversaire de l’exil massif de ressortissants est-allemands vers l’Ouest en passant par ce qui était alors la mission diplomatique de la RFA. Parmi les personnalités venues célébrer cet événement, Hans-Dietrich Genscher, le ministre des Affaires étrangères ouest-allemand de l’époque qui, le 30 septembre 1989, annonça aux centaines de réfugiés rassemblés à Prague qu’ils étaient désormais libres de rejoindre l’Allemagne de l’Ouest.
« La raison pour laquelle la Tchécoslovaquie jouait le rôle de pays de transit pour ces réfugiés est-allemands, était la décision en mai 1989 des autorités de Budapest de fermer la frontière austro-hongroise, utilisée le plus souvent pour passer clandestinement en Autriche puis pour rejoindre l’Allemagne de l’Ouest. Par conséquent, la Tchécoslovaquie était devenue le dernier pays avec lequel la RDA possédait un régime sans visa. Plusieurs vagues d’émigrés de l’Allemagne de l’Est se sont alors rendus à Prague, pour demander l’asile à l’ambassade de la RFA. Le 30 septembre, au bout d’une dizaine de semaines d’attente, logeant aussi bien dans les bureaux de l’ambassade que sous des tentes improvisées dans les jardins du palais Lobkowicz, les réfugiés ont finalement vu leur vœu s’exaucer : le chef de la diplomatie fédérale, Hans-Dietrich Genscher, est venu dans la capitale tchécoslovaque pour leur annoncer en personne qu’ils étaient désormais libres de rejoindre la destination de leur rêve. Ce fameux discours du ministre des Affaires étrangères est considéré comme un évènement qui a fortement contribué à la chute du mur de Berlin le 9 novembre de la même année, élément marquant du processus d’effondrement du bloc soviétique. »
« Il vous est désormais possible d’émigrer », c’est ainsi que Hans-Dietrich Genscher, chef de la diplomatie ouest-allemande de 1982 à 1992, annonça le 30 septembre 1989, depuis le balcon de l’ambassade de RFA à une foule de réfugiés est-allemands squattant le jardin du bâtiment que le régime d’Erich Honecker les autorisait finalement à quitter le bloc communiste. Vingt-cinq ans plus tard, l’homme d’Etat est de retour dans la capitale tchèque à l’occasion des commémorations de l’événement. Monsieur Genscher est accompagné de Rudolf Seiters, ancien ministre de l’Intérieur de 1991 à 1993 et de Stanislaw Tillich, l’actuel ministre-président de Saxe.Outre l’organisation de rencontres et de débats avec ces protagonistes, un rassemblement de voitures de marque Trabant a eu lieu lundi. Il faut dire qu’à la fin de l’été 1989, de nombreux véhicules du fameux fabriquant est-allemand portant une plaque d’immatriculation DDR étaient garés à Malá Strana, leur propriétaire tentant d’émigrer vers l’Allemagne de l’Ouest. Un habitant du quartier se souvient du bruit et de l’odeur de ces engins désormais légendaires :
« Il y avait là peu de voitures tchèques. Les Allemands qui arrivaient ici laissaient leur voiture dans ces rues jusqu’à la place de Malá Strana. La plupart de ces voitures étaient des Trabant, 70% d’entre elles étaient des Trabant. Ils donnaient les clefs de leur voiture aux gens dans la rue et s’en allaient. »En rejoignant la représentation diplomatique ouest-allemande à Prague, ces Allemands de l’Est, en plus de dire adieu à leur Trabant, risquaient gros. Présent lors de ces événements dans le jardin du palais Lobkowicz, le dissident et alors futur ministre de l’Intérieur tchèque Jan Ruml confirme :
« Ces Allemands, qui souhaitaient aller en Allemagne de l’Ouest, risquaient absolument tout à l’époque. Ils laissaient derrière eux leurs biens, leurs proches… Ils avaient laissé leur voiture garée dans les rues de Prague et avec leurs enfants, ils essayaient de rejoindre l’ambassade. Il y avait évidemment de l’espoir mais en même temps une grande tension car nous ne savions pas comment nos régimes allaient réagir. Il y avait parmi la foule de nombreux agents de la Stasi. »
Une prise de risque couronnée de succès et qui permet à l’ancien ministre de l’Intérieur Rudofl Seiters de déclarer aujourd’hui que c’est à l’automne à Prague qu’est tombé le mur de Berlin.