Itinéraire du philosophe Karel Kosik

Karel Kosik, photo: CTK

La culture tchèque a subi ces derniers jours plusieurs pertes graves. Après les disparitions du voyageur Jiri Hanzelka et du comédien Miroslav Hornicek, on a appris celle du philosophe Karel Kosik.

Karel Kosik,  photo: CTK
Il est difficile de parler d'un philosophe. Pour connaître un philosophe, il faut lire ses oeuvres. Chez Karel Kosik cependant, il est utile aussi de connaître sa vie qui reflétait la pensée de cet homme et en était influencée. Ces écrits ont été traduits dans une dizaine de langues et il était donc, probablement, le philosophe tchèque le plus traduit au 20ème siècle. Les différentes étapes de son évolution spirituelle démontrent que c'était un itinéraire difficile et que Karel Kosik n'a pas su éviter, parfois, de s'engager dans des impasses.

Né en 1926 à Prague, il devait connaître le revers du pouvoir dès l'âge de 18 ans. Arrêté par la gestapo pour ses activités dans une organisation illégale, il passera plus de six mois dans le camp de concentration de Terezin. Après la guerre, il étudie à Prague, à Moscou et à Leningrad, et sa pensée n'en sortira pas indemne. Membre de l'Institut de Philosophie de l'Académie des Sciences à Prague, il cherche sa vérité chez Lenine et Marx. Mais déjà, dans les années 1950, il commence à trouver l'issue du schématisme idéologique, ce qui se manifeste dans ses écrits. En 1963, il publie son oeuvre la plus célèbre " La dialectique du concret - Etude sur la problématique de l'homme et du monde ". Inspiré par Marx et la philosophie phénoménologique, il y expose sa conception de la réalité sociale et historique en tâchant d'identifier les éléments non authentiques de la conscience et de pénétrer sous eux. Il anime aussi le débat sur Franz Kafka, et cherche les connotations entre lui et Jaroslav Hasek.

Après l'invasion soviétique de la Tchécoslovaquie, en 1968, sa liberté spirituelle n'est plus tolérée par les autorités et il renonce au poste de professeur à l'université. Il déclare une guerre ouverte au régime en place en adressant, en 1975, une lettre ouverte à Jean-Paul Sartre dans laquelle il décrit ouvertement la situation dans le pays occupé et "normalisé". Il est un des premiers signataires de la Charte 77, document qui appelle au respect des droits de l'homme. Ce n'est qu'après la chute du communisme, en 1989, qu'il reviendra sur les devants de la vie publique et à la faculté des lettres. Ces oeuvres sont de nouveau publiées, mais il ne sera jamais plus un philosophe officiel. Il n'arrêtera pas de critiquer la situation qui est née dans son pays après la Révolution de velours et dénoncera les pièges d'une civilisation dominée par l'économie de marché.