Jacques Moliba, du Congo à la République tchèque (II)
Deuxième partie cette semaine d’un portrait consacré à Jacques Moliba, originaire du Congo et installé depuis plusieurs années à Prague. La semaine dernière nous avons évoqué ses débuts en République tchèque où Jacques Moliba travaille en tant que scientifique. Il est aussi à l’origine d’un groupe de musique, Nsango Malamu, qui s’efforce de faire découvrir aux Tchèques une culture africaine encore largement méconnue dans le pays.
Votre pays vous manque-t-il ?
« Oui, sûrement. Je compense cela en essayant d’organiser certaines choses que je faisais au Congo ici, en essayant d’intéresser certains amis à le faire avec moi. Cela m’aide à combler ces petits vides. »
La communauté africaine est relativement petite en République tchèque, par rapport à la France par exemple. Avez-vous réussi à recréer une petite communauté ici ? Est-ce que vous recherchez la compagnie d’autres Africains ?
« Il y a une petite communauté africaine, elle est plus ou moins organisée, pas sur le plan supranational, mais plus sur le plan national. Il y a toujours certaines organisations nationales destinées aux ressortissants de certains pays. Pour les Congolais, il n’y a pas une organisation avec un statut juridique. Mais on se retrouve et organisons certaines activités ensemble. Nous nous battons actuellement pour nous organiser. Nous sommes soucieux des problèmes dans notre pays et nous aimerions trouver une solution pour apporter notre contribution à la stabilisation du pays. »
Parlons d’une autre facette de vos activités en République tchèque. Vous travaillez à l’Académie des Sciences, mais à côté de cela, vous avec fondé un groupe de musique, Nsango Malamu. Qu’est-ce que cela signifie ?
« Cela signifie ‘bonne nouvelle’. C’est un groupe de musique spécialisé dans la musique chrétienne, d’origine africaine. Le groupe existe depuis longtemps, un peu plus d’une dizaine d’années. »Qui compose ce groupe ? Je crois savoir qu’il y a des Africains, des Tchèques… Et en quelles langues chantez-vous ?
« Le groupe est en effet composé de Tchèques et d’Africains, Congolais en particulier et Angolais. On chante principalement en langues congolaises qui sont également parlées en Angola quelque fois même un peu au Cameroun. On chante principalement en lingala, en kikongo et en swahili. »
Cela veut dire que les Tchèques chantent aussi dans ces langues ?
« Absolument, ils aiment bien. Ils apprennent très bien. Grâce à cela, certains parmi eux communiquent un petit peu avec ces langues. J’ai oublié de préciser que le groupe a été créé par les étudiants étrangers d’origine africaine principalement, mais aussi d’origine asiatique et européenne. Ils avaient besoin d’un groupe qui chante. Ils faisaient comme ils pouvaient. En arrivant, j’ai intégré le groupe, je me suis fait des amis. On a réussi à organiser autrement ce groupe, à lui donner une bonne dimension musicale. Un autre ami nous a rejoints en 2005 et on a vraiment commencé à travailler sérieusement sur le projet. On a constaté qu’il y avait besoin, ici, de présenter une image authentique et bonne de l’Afrique. C’est l’occasion de présenter notre culture et nos pays. On s’est dit que le groupe devrait servir d’interface d’intégration : c’est pourquoi il y a des Tchèques et des Africains dans le groupe. Cela permet d’avoir des échanges afin de mieux comprendre notre culture et présenter cela à la communauté tchèque. Je dois dire qu’on a connu un succès énorme. Les gens ont très vite accepté le groupe. Parfois on n’avait même plus le temps de donner nos concerts. »Le public vient-il vous voir pour discuter après les concerts ?
« Oui. Et souvent on organisait des rencontres informelles ou formelles, où on parlait de l’Afrique, de nos chants. Je crois qu’à une époque un des membres du groupe, qui est pasteur, a été invité à donner des cours de lingala à la Faculté de Philosophie de l’Université Charles. »Cette pratique du chant, l’aviez-vous déjà au Congo ?
« Je ne suis pas musicien, mais je chante depuis mon jeune âge. Au Congo, on a l’habitude de chanter dans des chorales. Le chant me manquait ici. En arrivant, j’ai trouvé qu’il n’y avait pas assez de chorales. Je voulais soit en intégrer une soit en créer une. J’ai fini par réaliser les deux à la fois ! »
J’ai adopté la République tchèque comme ma deuxième patrie, je me suis pleinement intégré ici, je me sens ici comme au Congo.
Vous avez fondé une famille en République tchèque, ce qui vous enracine dans le pays. Est-ce que vous avez des envies de repartir au Congo avec votre famille à l’avenir ?
« Peut-être que je vivrai entre les deux pays ! J’ai épousé une Tchèque, nous avons un petit garçon. J’ai adopté la République tchèque comme ma deuxième patrie, je me suis pleinement intégré ici, je me sens ici comme au Congo. Je ne sais pas où nous allons vivre à l’avenir, mais je suis content de voir que mon épouse a la même vision que moi : on peut vivre ici ou au Congo. J’estime que mon pays a besoin de moi, donc j’aime apporter ma contribution au développement de mon pays, même à distance. Si un jour, on décide d’aller au Congo, on le fera. Mais en attendant je suis heureux de vivre en République tchèque. »