Jacques Moliba, du Congo à la République tchèque (I)

Jacques Moliba, photo: Archives de Jacques Moliba

Première partie cette semaine d’un portrait consacré à Jacques Moliba, originaire du Congo et installé depuis plusieurs années à Prague. Avec lui, nous avons parlé de ses débuts en République tchèque, du choc culturel qu’ont pu représenter les premières années de vie dans le pays, mais aussi de comment il a fini par construire une vie et un nouveau foyer. Jacques Moliba est scientifique, mais il est aussi à l’origine d’un groupe de musique, Nsango Malamu, qui s’efforce de faire découvrir aux Tchèques une culture africaine encore largement méconnue dans le pays.

Jacques Moliba,  photo: Archives de Jacques Moliba
Jacques Moliba, bonjour, vous êtes originaire du Congo. Vous travaillez à l’heure actuelle à l’Académie des Sciences à Prague, mais vous avez surtout créé un groupe de musique, Nsango Malamu, dont on reparlera au cours de cet entretien. Mais remontons un peu dans le temps : comment et quand êtes vous arrivé en République tchèque ?

« Je suis originaire de la République démocratique du Congo, du Congo-Kinshasa. Je suis arrivé en République tchèque au mois de février 1999 pour faire mes études doctorales. J’ai obtenu une bourse co-sponsorisée par l’UNESCO et le gouvernement tchèque. J’ai fait mes études à l’Académie des Sciences, au département de géographie physique. »

En arrivant, vous ne parliez pas un mot de tchèque…

« Exactement, je ne comprenais rien du tout. J’ai eu droit à cinq mois de préparation, de cours intensifs de tchèque, dans la ville de Poděbrady. Après cela, je suis venu à Prague. C’était dur car les cinq mois étaient totalement insuffisants pour savoir parler le tchèque. J’ai vite compris que les connaissances de base ne pouvaient pas me permettre de faire les études à l’université. »

Comment cette situation a-t-elle évolué pour vous ? Vous êtes resté à Prague, vous avez trouvé du travail par la suite, comment s’est déroulé la suite ?

La première impression, en sortant de l’aéroport, c’est que tout le monde court, tout le monde va très vite. Pour moi, c’était très exotique !

« Cela a été un processus long et progressif. Au début, c’était très dur. Il y avait la barrière linguistique, puis culturelle. Enfin, il y avait les conditions climatiques, très différentes des nôtres. Il a fallu faire face à toutes ces choses au même moment, sans oublier les études qui étaient mon objectif principal. Si je n’avais pas été patient et déterminé, je serai parti, soit pour rentrer, soit pour un autre pays. »

J’imagine que c’est une expérience difficile car en plus du besoin de s’intégrer, il faut veiller à ne pas perdre son identité non plus…

« Exactement. Quand on apprend à comprendre l’autre et à vivre non pas en conflit avec l’autre, mais à vivre avec lui en harmonie, il faut prendre ses habitudes. Souvent dans ces cas-là, on s’oublie un peu. Le plus important, c’est d’être soi-même et d’apprendre ce que l’autre offre, et de lui proposer ce qui fait ta richesse. C’est vrai que c’est tout un travail. C’est ce que j’ai dû faire au début, et que je continue à faire. »

La vision occidentale de l’Afrique est souvent celle de l’exotisme. Mais l’Occident peut être exotique aussi aux yeux des Africains : est-ce quelque chose que vous avez éprouvé ici en République tchèque ?

« La première impression, en sortant de l’aéroport, c’est que tout le monde court, tout le monde va très vite. Pour moi, c’était très exotique ! Personne ne regarde à gauche, à droite, tout le monde est pressé, concentré. Même la personne que tu connais et que tu croises ne te voit pas parfois ! Quand je suis en Afrique, j’ai l’impression que j’ai le temps. La perception et la gestion du temps est très différente… C’est un combat de s’adapter à ce rythme où tout doit être fait très vite. »

Qu’est-ce qui vous a aidé à vous « intégrer » en République tchèque ? Les amis, la maîtrise de la langue ?

Jacques Moliba,  photo: CT
« Beaucoup de choses. La première des choses, c’était d’abord apprendre la langue, parce que plus je parlais tchèque, plus les Tchèques me regardaient avec admiration et estime. En arrivant ici, je ne parlais même pas anglais, uniquement le français. Ensuite, j’ai aussi dû m’adapter au style de vie. Quand je suis arrivé, j’habitais dans un campus où il y avait peu d’étrangers. Cela m’a aussi aidé car j’ai vécu avec des Tchèques et nous avons appris à nous connaître. Le troisième facteur, c’est l’intégration dans d’autres communautés comme par exemple la communauté chrétienne locale. Là, il y a évidemment des Tchèques mais nous avons une culture chrétienne universelle. On se retrouvait tous et on s’acceptait automatiquement mutuellement. Par la suite, j’ai commencé à rendre visite à des familles, à apprendre certaines habitudes qui sont pour moi totalement exotiques : faire du ski, du patinage, ou jouer au floorball. C’est un peu comme cela que j’ai pu m’intégrer à la communauté. »