Jan Krizenecky, le père du cinéma tchèque
La série des documentaires et de petits films de fiction tournés par Jan Krizenecky, disparu il y a tout juste 85 ans, lui assure la place de fondateur du cinéma tchèque et constitue une source non négligeable d'informations sur la vie de la société tchèque à la fin du XIXe siècle.
"Les exercices des membres de l'association sportive Sokol de Mala Strana", "Une scène des bains publics", "Défilé militaire à l'occasion de la Fête-Dieu", "Le rêve d'un vieux garçon" - tels sont les titres de quelques uns des films réalisés par Jan Krizenecky. Cet architecte et employé de la mairie de Prague né en 1868 et mort en 1921, avait une âme de pionnier. Depuis sa jeunesse il est attiré par la photographie. On lui doit entre autres une documentation photographique de vieux quartiers de Prague. Dans les archives il y a quelque 4000 photos sur plaques de verre réalisées entre 1905 et 1915.
En 1896, ce photographe amateur assiste à un spectacle des frères Lumière, qui présentent à Prague les "images animées" et c'est un coup de foudre. Jan Krizenecky se rend à l'usine des frères Lumière à Lyon et achète avec de l'argent emprunté le célèbre cinématographe, appareil qui est à la fois caméra et projecteur. Il se lance immédiatement dans la production de ses propres films qu'il présente dans un pavillon pour 180 spectateurs spécialement construit dans l'aire de l'Exposition d'architecture à Prague. "Il se peut que nombreux visiteurs de l'exposition se verront eux-mêmes vivants sur l'écran," annoncent au public ébahi les slogans publicitaires. Et c'est vrai car certains films sont tournés pendant l'exposition. Le public est fasciné, le succès énorme. Sur l'écran les spectateurs sidérés voient par exemple rouler un tram sur la place de la Vieille-Ville à Prague, on assiste à une intervention de pompiers lors d'un incendie ou aux courses de chevaux à Prague-Chuchle.
Mais Jan Krizenecky ne s'arrête pas là et se lance dans le film de fiction. Avec le comédien Josef Svab-Malostransky il tourne plusieurs sketches aux titres significatifs "Un rendez-vous dans un moulin", "Le vendeur de saucisses et le colleur d'affiches", "Le rire et les pleurs", etc. Ces petites histoires modestes et naïves n'en sont pas moins les premières pierres du cinéma tchèque. Bien que le pavillon de cinéma ait été démoli après l'Exposition d'architecture, et bien que Jan Krizenecky ait repris son poste d'employé municipal, d'autres adeptes ont déjà attrapé le virus des "images animées" et le cinéma finira par s'imposer dans le milieu tchèque en tant que "Septième art".