Ján Kuciak, un an après : « Les politiciens continuent leurs attaques contre les journalistes »

Ján Kuciak, photo: ČT24 / Aktuality.sk

Ce jeudi marque le premier anniversaire de l’assassinat du journaliste slovaque Ján Kuciak et de sa fiancée Martina Kušnírová – des rassemblements sont organisés en Slovaquie ainsi qu’à Prague. La journaliste tchèque Pavla Holcová, qui travaillait avec Ján Kuciak avant sa mort, vient de publier un article dans lequel elle détaille le déroulement de ce double meurtre et le rôle joué par les quatre personnes déjà inculpées par la justice slovaque. Pavla Holcová a répondu aux questions de Radio Prague :

Ján Kuciak,  photo: ČT24 / Aktuality.sk
« On en sait relativement beaucoup déjà. Il faut savoir que les statistiques des enquêtes sur des meurtres de journalistes sont très mauvaises : environ 10% de ces meurtres sont élucidés et il est encore plus rare de retrouver le commanditaire du meurtre. Alors en l’occurrence, on peut dire que l’enquête en Slovaquie a donné jusqu’ici de très bons résultats. On dirait bien que non seulement les auteurs du meurtre de Ján vont pouvoir être jugés mais aussi le commanditaire. »

Les jours qui ont suivi le drame, les collègues de Ján ont craint que son meurtre soit lié à votre dernière enquête commune sur les affaires en Slovaquie de la mafia calabraise ’Ndrangheta. Aujourd’hui les indices semblent davantage mener vers un commanditaire slovaque qu’étranger…

« Oui, les indices mènent à des auteurs et commanditaire locaux. Cependant, en Slovaquie il est très difficile de différencier les divers intérêts politico-financiers du crime organisé. Je pense donc qu’il n’est pas impossible qu’il y ait eu plusieurs commanditaires, avec plusieurs personnes qui auraient pu s’entendre pour faire disparaître ce journaliste qui mettait le nez dans leurs affaires. »

En Europe centrale - comme à Washington d’ailleurs – les responsables politiques ont la dent dure avec les journalistes, souvent victimes d’injures et de manque de respect. A Prague, le président Zeman ne cache pas son mépris pour la profession, tandis qu’à Bratislava l’ancien premier ministre Robert Fico, qui reste l’homme fort du pays, a continué cette semaine à traiter les journalistes de tous les noms, les décrivant notamment comme « les plus grands criminels du monde ». Le meurtre de Ján Kuciak semble donc ne rien avoir changé dans ce domaine…

Pavla Holcová,  photo: ČTK/Roman Vondrouš
« Je pense que les politiciens n’ont pas changé de ton et ceux qui attaquaient verbalement les journalistes continuent de le faire, malgré ce drame. En revanche, du côté de l’opinion publique, je pense qu’il y a eu un changement. C’est le public qui, en descendant dans la rue, nous a soutenus de manière incroyable après le meurtre de Ján. Je pense que les gens ont commencé à mieux comprendre le rôle des journalistes dans la société et le sacrifice que devaient parfois faire des journalistes pour pouvoir fournir au public des informations solides et vérifiées. »

Vous avez fondé et vous dirigez le Centre tchèque pour le journalisme d’investigation à Prague et vous avez aidé à fonder le nouveau Centre slovaque pour le journalisme d’investigation à Bratislava, qui porte le nom de Ján Kuciak. Avez-vous dû vous-même changé vos méthodes de travail après son assassinat ?

« Mon travail et les méthodes que j’emploie pour ne pas mettre ma sécurité en danger n’ont pas changé. J’étais déjà très prudente avant et comme nous faisons partie d’un réseau international de journalistes d’investigation, nous avons des normes de sécurité. Personne ne voudrait travailler avec quelqu’un qui ne les respecterait pas. »