Jan Werich et Jiri Voskovec centenaires

Jan Werich et Jiri Voskovec
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Jiri Voskovec et Jan Werich... Deux comédiens inoubliables, deux figures de proue de l'avant-garde tchèque. Cette année, les deux artistes aux talents multiples auraient fêté leurs cent ans ; Jan Werich ce dimanche, et son alter ego en juin prochain. Une grande exposition leur sera consacrée, à partir du lundi 7 février, dans les locaux de l'Hôtel de ville de la Vielle-ville de Prague, avec des costumes, photographies, disques vinyles, livres, affiches, journaux, lettres... et d'autres objets encore, tout cela pour retracer leurs carrières et brosser leurs destins.

Le grotesque, l'absurde, l'ironie et l'auto-ironie, la dérision caractérisent leurs fameuses créations théâtrales et musicales de l'entre-deux-guerres. Celles qui feront de leur scène, Osvobozene divadlo, le Théâtre libéré, rue V Jame, l'une des salles les plus fréquentées de la capitale, et plus encore, un phénomène culturel. Voskovec et Werich ont inventé, rappelle Jiri Penas dans l'hebdomadaire Tyden, leur propre langage, une nouvelle langue se moquant d'un certains esprit conventionnel et pompeux de la société de l'époque, ainsi que du patriotisme poussé à l'extrême. A l'approche de la Deuxième Guerre mondiale, leur humour devient plus engagé et critique. En 1939, deux mois après la fermeture du Théâtre libéré par les autorités, les icônes de la première République tchécoslovaque quittent le pays. Ils passeront toute la guerre aux Etats-Unis, en compagnie de Jaroslav Jezek, compositeur de leurs chansons qui demeurent archi-connues en République tchèque.

Après l'arrivée des communistes au pouvoir dans l'ancienne Tchécoslovaquie, en 1948, le duo se sépare. Les comédiens entament, chacun de leur côté, une nouvelle vie, empruntant une nouvelle trajectoire artistique. Jiri Voskovec, par ailleurs ancien élève du Lycée Carnot de Dijon, passe d'abord deux ans à Paris, avant de retourner une fois pour toutes en Amérique. Là-bas, il réussit à s'imposer comme acteur et metteur en scène : à New York, il monte des pièces de Vaclav Havel et Josef Topol. Tout au long de sa vie, il traduira des oeuvres littéraires et écrira des poèmes.

Jan Werich, lui aussi, a écrit, non seulement des textes dramatiques et paroles des chansons, tout cela en commun avec Jiri Voskovec, pour le Théâtre libéré, mais aussi des reportages et, surtout, des contes originaux pour enfants et adultes, réunis dans le livre « Fimfarum », traduit en plusieurs langues. Werich est resté en Tchécoslovaquie. Jusqu'à sa disparition, en 1980, il y poursuivra une brillante carrière, tournera une pléiade de films, dirigera un théâtre, recevra des prix... Sa vie sous le communisme, tellement différente de celle que menait Voskovec à l'autre bout du monde, alimente, aujourd'hui encore, de maintes polémiques. S'était-il compromis avec le régime ? Les communistes ont-ils fait de lui un "artiste national" malgré lui? "Le culte Werich, au temps de la normalisation, était atroce. Ceux qui se distinguaient par la stupidité contre laquelle il a toujours lutté l'ont jeté dans leur chope de bière, comme ils l'on fait avec Hasek ou Hrabal,"écrit dans la presse le poète Petr Kral.

Quoi qu'il en soit, nous sommes bien obligés de constater, avec le journaliste Jiri Penas, que "sans Voskovec et Werich, la culture moderne du pays aurait été tout autre et le caractère de son peuple plus difficile."

Auteur: Magdalena Segertová
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