Jan Železný, un triplé olympique et un record du monde pour longtemps encore inégalés
En étant sacré champion olympique du lancer du javelot trois fois consécutivement en 1992, 1996 et 2000, Jan Železný a réalisé une des plus belles performances de l’histoire du sport tchèque. Les participants à une enquête récemment réalisée par la Télévision tchèque ne s’y sont pas trompés : le triplé olympique du meilleur lanceur de javelot de l’histoire moderne de l’athlétisme est considéré par le public comme l’un des plus grands moments du sport tchèque de ces vingt dernières années.
En mai dernier, la Télévision tchèque a lancé une enquête auprès du public devant permettre d’élire les vingt plus grands moments du sport tchèque de ces vingt dernières années. Près de 80 000 personnes ont voté sur le site Internet de la télévision publique. Sans surprise, la médaille d’or remportée par l’équipe de République tchèque de hockey sur glace aux Jeux olympiques de Nagano en 1998 a recueilli le plus grand nombre de suffrages. Le succès de Dominik Hašek, Jaromír Jágr et de leurs coéquipiers dans ce qui était alors considéré comme « le tournoi du siècle » en raison de la participation, pour la première fois, des meilleurs joueurs de la prestigieuse ligue nord-américaine NHL, a devancé les deux titres olympiques de la patineuse de vitesse Martina Sáblíková aux Jeux de Vancouver en 2010 et le fameux « triplé doré » désignant les trois victoires successives toujours de l’équipe nationale de hockey sur glace au Championnat du monde entre 1999 et 2001. Durant cet été, nous reviendrons sur quelques-uns de ces plus grands succès qu’a vécus le sport tchèque ces vingt dernières années. Et pour cette première fois, retour sur un autre « triplé doré », celui du lanceur de javelot Jan Železný aux Jeux olympiques de Barcelone en 1992, d’Atlanta en 1996 et de Sydney en 2000.
Avec Emil Zátopek, Jan Železný est sans doute le plus grand athlète tchèque du XXe siècle. Les noms du coureur de fond comme du lanceur de javelot restent gravés dans les mémoires, les deux hommes ayant été les auteurs d’un triplé olympique sans précédent et resté inégalé depuis. Tandis que Zátopek, on le sait, a remporté les 5000 m, 10 000 m et le marathon lors des mêmes Jeux d’Helsinki en 1952, Jan Železný est, lui, resté au sommet de sa discipline l’espace de trois olympiades. Cela sans tenir compte de sa médaille d’argent décrochée aux Jeux de Séoul en 1988.
Pourtant, celui qui fut également sacré trois fois champion du monde (1993, 1995, 2001) et reste le détenteur du record du monde (98,48 m) ne possédait pas, a priori, toutes les caractéristiques requises dans les aires de lancer de javelot des grands championnats. Avec un poids de forme inférieur à 80 kilos, Jan Železný a compté durant toute sa carrière parmi les plus légers de l’élite mondiale. Né prématurément à sept mois, le Tchèque ne pesait, il est vrai, qu’un peu plus de deux kilos et avait des tendons plus courts au pied gauche au moment de sa naissance en 1966. Enfant souvent malade et blessé mais déjà sportif dans l’âme, Jan Železný apprit alors à lutter contre des éléments souvent défavorables. Cet esprit de compétiteur rapidement développé l’aida plus tard dans sa prolifique carrière. Le petit Železný avait-il alors déjà des rêves olympiques ?
« Champion olympique, je ne sais pas. Par contre j’ai su très tôt que je ferai de l’athlétisme. Mon père et ma mère étaient lanceurs de javelot, j’étais donc prédestiné à cette discipline. Vers l’âge de 15-16 ans je me suis dit que je voudrais être un athlète de niveau mondial et remporter un jour une médaille dans une grande compétition. Avant ça, j’avais commencé à jouer au hockey, mais des problèmes de santé m’ont empêché de continuer. Puis je me suis mis au handball tout en faisant de l’athlétisme parallèlement. Ce sont les trois sports que j’aime le plus. »
Quatrième aux Championnats d’Europe juniors en 1985, Jan Železný signe sa première performance de choix chez les seniors deux ans plus tard en décrochant la médaille de bronze aux Mondiaux de Rome. Et en 1988, aux Jeux de Séoul, il monte une marche encore plus haut, sur la deuxième, battu de justesse dans la dernière série de lancers. Malgré des blessures au dos qui l’handicapent déjà et le poursuivront jusqu’à la fin de sa carrière, sa progression aboutit à l’or de Barcelone en 1992. La première médaille d’or de son triplé olympique :
« Barcelone a constitué un tournant. Cette première médaille d’or a été exceptionnelle dans la mesure où j’ai senti que je ne pouvais pas perdre ce concours. J’avais le sentiment d’être imbattable. Je ne sais pas pourquoi, je ne sais pas comment cela est possible, et je n’ai plus jamais ressenti cela ensuite de toute ma carrière. Mais le fait est qu’à Barcelone je me suis rendu au stade en sachant que j’allais gagner. J’ai pris conscience de ma victoire un ou deux jours après. Ce sont des moments exceptionnels qui n’appartiennent qu’aux vainqueurs. Je n’oublierai l’hymne joué en mon honneur. C’était tellement exceptionnel que je me suis dit qu’il fallait que je gagne encore de nombreuses autres fois pour revivre ça. »
Cette soif de victoires, Jan Železný n’aura de cesse de l’assouvir dans les années suivant Barcelone. Après deux titres de champion du monde à Stuttgart et à Göteborg en 1993 et 1995, le Tchèque est sacré champion olympique pour la deuxième fois à Atlanta en 1996 malgré des lancers tous inférieurs à 90 mètres : loin donc de son record du monde de 98,48 m établi quelques mois plus tôt à Iéna, en Allemagne. Un record qui n’a jamais été sérieusement menacé depuis la retraite de Jan Železný, même si celui-ci espère qu’il le sera prochainement. Il explique pourquoi :
« Tout peut être battu, amélioré. Ce record aussi sera battu un jour. Je ne sais pas quand, mais il sera. Etre détenteur du record du monde est un sentiment agréable. Vous vous dites que personne n’a jamais fait mieux que vous. Mais ça ne veut pas dire que j’ai peur qu’il soit battu. Mon rêve est que ce soit un Tchèque qui le batte. C’est pourquoi j’essaie de trouver des jeunes talentueux pour que l’un d’entre eux y parvienne un jour. Ce n’est pas facile et ça prend du temps. Un lanceur de javelot est au sommet vers 28-30 ans. Et puis, pour établir un nouveau record, il faut que toutes les conditions soient réunies, et ça, ça ne dépend pas de vous. Mais je crois que c’est possible et je fais tout pour que ce rêve se réalise. »
Les rêves qui se réalisent, Jan Železný connaît. Le 23 septembre 2000, à Sydney, le Tchèque s’inscrit définitivement comme le meilleur lanceur de javelot de tous les temps :
« Sydney, c’est effectivement un autre rêve qui se réalise car aucun autre lanceur de javelot n’avait jamais remporté les Jeux olympiques trois fois en suivant. C’était d’autant plus beau que, avant Sydney, j’avais souffert d’une grave blessure à l’épaule et il m’avait fallu repartir pratiquement de zéro. Mais là-bas, ni mon épaule ni mon dos ne m’ont gêné pendant le concours, même si je me suis finalement quand même blessé à l’épaule. Les blessures m’ont accompagné pendant toute ma carrière, mais je considère que tant que l’on peut respirer et marcher normalement, le sport n’est que le complément d’un chemin de vie. Même si j’avais dû arrêter après Sydney à cause de cette énième blessure, j’aurais pu dire que le destin m’a donné bien plus que ce j’en attendais. »
Donner, transmettre, c’est désormais ce que fait Jan Železný. Reconverti entraîneur depuis sa retraite en 2006, il s’occupe actuellement au Dukla Prague de la championne olympique en titre Barbora Špotáková, ainsi que des prometteurs Vítězslav Veselý et Petr Frydrych, dont Jan Železný espère qu’ils le dépasseront un jour.
Rediffusion du 11/7/2011