Jaroslav Skala, un « rocher » bien solide qui souffle ses 90 bougies
Les Tchèques consomment en moyenne 10 litres d'alcool pur par an et par habitant, comparé aux 4 litres d'il y a cinquante ans, ce qui représente la quatrième place en terme de consommation de boissons alcoolisés en Europe. Un Tchèque sur dix est alcoolodépendant. C'est dans ce contexte que la psychiatrie tchèque a célébré, cette semaine, le 90e anniversaire de Jaroslav Skala, pionnier du traitement anti-alcoolique dans le pays. En 1951, il a fondé, à Prague, la première station de désintoxication dans le monde qui a servi par la suite d'exemple pour ses collègues étrangers.
Diplômé de médecine et de l'Institut national du sport, le jeune psychiatre participe, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, à une conférence internationale sur l'alcoolisme à Bruxelles. C'est à ce moment-là qu'il décide d'articuler toute sa carrière professionnelle autour de cette maladie incurable. Car bien que cela soit difficile à admettre, la dépendance à l'alcool est définitive. « Le buveur n'a pas le choix, soit il boit, soit il ne boit pas, il n'existe pas de troisième possibilité », explique Skala et ajoute : « L'abstinence, c'est très vague comme expression. C'est comme une chambre vide qu'il faut meubler. » Voilà son objectif premier : aider les buveurs désireux de cesser à donner un sens à leur vie. Leur permettre de retrouver la joie de vivre et, par conséquent, des remplacements à la bière, au vin ou à la slivovice.
En 1948, il ouvre, dans le centre de Prague, près de l'église St-Apollinaire, un centre de traitement en alcoologie. Des milliers de personnes dépendantes pousseront ses portes. « Un patient sur 500 était une personnalité connue », a confié le psychiatre. Le traitement, selon Skala, c'est du jamais vu derrière le Rideau de fer. La discipline qu'il met en place est rude : un système de points, beaucoup de travail et peu de sorties, du sport... Au début des années 1950, Jaroslav Skala a fondé, à Prague, la première station de désintoxication, un service d'urgence destiné aux personnes ivres retrouvées dans la rue. Alors qu'il y a vingt ans, la Tchécoslovaquie comptait une soixantaine de stations de ce genre, à ce jour, elles ne sont plus que seize, dont une seule dans la capitale.Surnommé jadis « l'espoir et l'épouvantail » des alcooliques tchèques, Jaroslav Skala, n'a pas trouvé de remède à l'alcoolisme, car ce n'est que l'alcoolique qui peut le trouver au fond de lui-même. Mais il a inventé un mode d'emploi qui continue à fonctionner. Exigeant jusqu'à l'extrême avec ses patients, il l'a également été, pendant toute sa vie, avec lui-même. D'où sa bonne santé et sa jeunesse d'esprit. Et pour cause, « skala » signifie « rocher » en tchèque...