Il y a 70 ans, le premier centre de désintoxication pour alcooliques voyait le jour en Tchécoslovaquie
Il y a 70 ans de cela, en mai 1951, était créé, au sein de l’hôpital Apolinář de Prague, le premier centre de désintoxication pour alcooliques en Tchécoslovaquie. C’est à un homme que l’on doit ce centre alors unique en son genre et qui sera copié avec succès dans le monde : Jaroslav Skála, spécialiste de la prévention et du traitement de la dépendance à l’alcool.
« Mieux vaut la prévention que la répression », tel était le mot d’ordre de Jaroslav Skála, ce psychiatre tchèque qui, traitant déjà des patients alcooliques totalement dépendants et se retrouvant dans des situations à risque, eut l’idée d’anticiper en prenant le mal à la racine.
A observer les méthodes employées par le médecin, celles-ci n’avaient toutefois rien d’une promenade de santé : séances collectives de vomissement d’alcool ou de médicaments, massages à l’eau glacée, ou exercice physique, pour n’en citer que quelques-unes. Et pourtant, dans l’esprit de Jaroslav Skála, le centre était avant tout destiné à accueillir des personnes dont la dépendance à l’alcool et ses conséquences sur leur vie quotidienne et leur entourage en faisaient des êtres en détresse, comme le précisait il y a quelques années son successeur le docteur Petr Popov :
« La création du centre a été une réaction au fait qu’il n’existait alors pas d’établissement adapté pour les personnes souffrant de problèmes d’alcoolisme, ayant des conflits familiaux ou des ennuis judiciaires. Ces gens avaient besoin d’être soignés. C’est donc pour eux que le docteur Skála a créé ce centre d’accueil. Il s’agissait d’une conception rare dans le monde, car dans aucun pays il n’existait d’établissement dont la vocation était d’abord sanitaire et préventive. Partout ailleurs, il s’agissait plutôt d’établissements de type répressif. »
La rigueur avec laquelle le docteur Skála traitait ses patients allait de pair avec une absence de jugement de sa part et un investissement corps et âme dans son métier, rappelle Petr Popov qui explique qu’à l’hôpital d’Apolinář, où tout a commencé, le psychiatre avait fini par s’y installer à demeure, se levant le matin avec les malades, faisant avec eux des exercices de gymnastique et embrayant sur une journée de programme de désintoxication. « Il était exigeant avec tout le monde, à commencer par lui-même, » précise encore le docteur Popov.
Le centre d’accueil du docteur Skála a continué à fonctionner à l’identique jusqu’au début des années 1990. A cette époque-là, Petr Popov était déjà médecin-chef et face à l’augmentation du nombre de cas d’intoxication graves, le centre de désintoxication ne suffit plus. Il est transféré à l’hôpital de Vinohrady où les cas les plus sérieux peuvent être pris en charge par les services concernés. Aujourd’hui, il est accueilli par l’hôpital de Bulovka, et après d’importants travaux de reconstruction, le centre d’origine a également repris ses activités. Le docteur Petr Popov compare le fonctionnement du centre avant la révolution de Velours et de nos jours :
« Au tout début, c’était un établissement dans lequel les patients se rendaient plutôt seuls. Dans les situations extrêmes, quelqu’un les accompagnait lorsqu’ils n’étaient plus en mesure de marcher. Mais il ne s’agissait pas vraiment de patients qui avaient de problèmes de santé graves ou urgents, à la différence d’aujourd’hui, où cela est très fréquent. Aujourd’hui, les personnes que nous accueillons sont souvent blessées, parfois gravement, et elles ont d’autres problèmes de santé, comme par exemple les SDF. C’est pourquoi, aujourd’hui, les centres doivent disposer d’un personnel qualifié et spécialisé mais aussi être bien équipés car nous sommes confrontés à des situations d’urgence. »
Le nombre de ces centres a diminué depuis le début des années 1990 : aujourd’hui, on en compte dix-huit dans toute la République tchèque contre une soixantaine dans l’ancienne Tchécoslovaquie.
Une constante demeure toutefois, déplorée par les spécialistes de la question, comme le docteur Petr Popov qui n’hésite pas à évoquer un « a priori positif vis-à-vis de l’alcool dans la société tchèque » : avec une consommation moyenne de 14,4 litres d’alcool pur par an chez les Tchèques de plus de 15 ans, la République tchèque fait toujours partie des pays où l’alcoolisme est un vrai problème sanitaire. Une tendance que n’a pas arrangé la pandémie de Covid-19, les confinements à répétition, et le stress découlant d’une situation hors du commun qui a touché l’ensemble de la population.