Jean-Michel Aulas à Prague : « Il existe une cohérence entre les valeurs de la femme et le football »

Olympique lyonnais - Sparta Praha, photo: www.sparta.cz

Malgré les barrages qualificatifs pour l’Euro 2012 et la prometteuse victoire (2-0) de la République tchèque aux dépens du Monténégro en match aller, c’est de football féminin, et non pas masculin, dont il sera cette fois question dans cette rubrique. D’abord parce que le match retour entre le Monténégro et la République tchèque sera disputé dès ce mardi, mais aussi et surtout parce que le Sparta Prague a affronté l’Olympique lyonnais, champion d’Europe en titre de football féminin, à deux reprises en l’espace d’une semaine, en 8es de finale de la Ligue des champions. Preuve de l’importance prise par le football féminin ces dernières années, Jean-Michel Aulas, président de l’OL et figure incontournable du paysage du football professionnel français, avait effectué le déplacement à Prague à l’occasion du match aller. Dès le lendemain de Lyon - Real Madrid en Ligue des champions masculine, Jean-Michel Aulas assistait donc également à Sparta Prague – Lyon cette fois en Ligue des champions féminine, et il a répondu aux questions de Radio Prague.

L’équipe masculine de République tchèque de football,  photo: CTK
L’équipe masculine de République tchèque de football a fait un pas vers la qualification pour la phase finale de l’Euro 2012 en battant le Monténégro (2-0), vendredi, à Prague, en match aller des barrages. Il faudra cependant encore attendre le match retour, mardi soir, à Podgorica, dans une ambiance annoncée bouillante, pour savoir si Petr Čech, Tomáš Rosický et leurs coéquipiers de la Reprezentace décrocheront bien leur billet pour la Pologne et l’Ukraine en juin prochain. L’occasion nous est donc offerte de parler de football féminin.

Le Sparta Prague vient d’affronter l’Olympique lyonnais, champion d’Europe en titre, en 8es de finale de la Ligue des champions. Un duel de prestige pour la meilleure équipe tchèque de football féminin, pour laquelle c’était l’occasion de se mesurer à ce qui fait probablement de mieux aujourd’hui en la matière au niveau des clubs en Europe, et peut-être même dans le monde. L’occasion aussi de mesurer l’étendue du fossé qui sépare encore l’élite du foot féminin tchèque de l’élite européenne. A l’aller à Prague, le 3 novembre, comme au retour à Lyon, mercredi dernier, les Françaises se sont en effet largement imposées sur le même score (6-0).

Jean-Michel Aulas,  photo: Xavoun,  CC 3.0
A l’issue du match aller dans la capitale tchèque, le président de l’OL, Jean-Michel Aulas, a répondu aux questions de Radio Prague relatives au développement du football féminin. Un des hommes forts du football français s’est d’abord dit quelque peu surpris de l’accueil réservé par les dirigeants pragois à son équipe. Tandis que le match retour a en effet été disputé dans le stade de Gerland devant près de 7 000 spectateurs, le match aller à Prague s’est, lui, joué sur la pelouse d’un club amateur de banlieue, loin de Letna, le stade de l’équipe professionnelle du Sparta Prague. On écoute JM Aulas :

« C’est vrai que ça surprend quand on arrive ici. Ceci étant, je ne connais pas les conditions de fonctionnement des clubs à Prague. Mais dans les autres villes d’Europe de l’Est dans lesquelles nous avons déjà joué, nous avons été accueillis dans des stades de première division masculine. Nous avons une belle équipe, championne d’Europe, dans laquelle nous continuons d’investir. Aujourd’hui, notre nouvelle internationale brésilienne Rosana disputait son premier match avec nous en coupe d’Europe. Donc oui, jouer dans ce petit stade nous a un peu surpris. On comprend d’ailleurs mieux pourquoi le coup d’envoi a été donné à 14 heures puisqu’il n’y pas d’éclairage. Tout cela donne un côté campagnard qui ne colle pas bien avec la dimension que l’UEFA veut donner au football féminin. Tout le monde insiste, à l’UEFA comme au sein des fédérations nationales, pour que le foot féminin soit pris en compte, et c’est bien car on y voit vraiment de très belles choses. Donc, oui, nous étions un peu déçus, mais après il faut quand même jouer, s’adapter au terrain, à l’environnement et à une équipe du Sparta qui était une bonne équipe sur le plan de la densité physique mais qui manquait un peu de qualité technique par rapport au niveau de l’équipe lyonnaise. »

Olympique lyonnais - Sparta Praha,  photo: www.sparta.cz
Inversement, vous recevrez le Sparta dans votre stade de Gerland pour le match retour. Quel intérêt porte le public lyonnais à son équipe féminine ?

« Il y a plus qu’un intérêt de curiosité. Il y a maintenant un vrai intérêt d’abord de la part d’un public qui aime le football, et aussi d’un public qui ne venait pas au football avant mais qui vient désormais parce que le football féminin apporte un certain nombre de valeurs complémentaires. On voit non seulement le public de remplir de façon assez conséquente Gerland, avec une pointe à 20 000 personnes la saison dernière pour la demi-finale contre Arsenal, mais on voit aussi sur des matchs de championnat de France retransmis en direct à la télévision qu’on arrive à réunir plus de 10 000 personnes, comme à Strasbourg ou à Guingamp cette saison. L’intérêt en France pour le football féminin grandit donc, non seulement à Lyon mais aussi dans la plupart des villes. »

Pourquoi l’OL est-il un des rares grands clubs français à avoir décidé d’investir dans le football féminin ?

Olympique lyonnais - Sparta Praha,  photo: www.sparta.cz
« Il y a des valeurs qui sont cohérentes avec ce que l’on essaie de montrer. Les valeurs de parité sont d’actualité non seulement dans le football, mais aussi d’une manière générale dans la vie en société. Nous nous sommes rendu compte qu’il existait une cohérence entre ces valeurs qui tournent autour de la femme et du football, un sport qui est très collectif et peut être très esthétique. Il n’y a pas d’incompatibilité comme pour le rugby, où c’est plus difficile pour de jeunes femmes de s’imposer en dégageant justement ces valeurs. En revanche, dans le foot, on peut avoir de la technique, du physique, comme l’a montré ce premier match contre le Sparta, mais aussi de l’esthétique, à la fois individuelle et collective, tout cela au profit des valeurs de parité évoquées. De manière générale, la société aujourd’hui a besoin de plus de femmes. »

Avez-vous l’habitude d’accompagner votre équipe féminine lors de ces déplacements en coupe d’Europe, comme cette fois à Prague ?

« Pas tout le temps. Mais comme nous ambitionnons de nous qualifier pour les quarts de finale, comme nous l’avons fait ces cinq dernières années (l’OL a participé aux deux dernières finales de la Ligue des champions), ça devenait important de montrer aux joueuses qu’il n’y a pas de désintérêt des dirigeants. Et puis Prague est une très belle ville… J’en ai donc fait un petit tour avant le match avec une personne très cultivée qui nous a montré plein de choses. J’étais déjà venu à Prague avec l’OL en Ligue des champions masculine et puis aussi pour le travail dans l’informatique. On a joint l’agréable avec cette visite à l’efficacité avec le match. »

Olympique lyonnais - Sparta Praha,  photo: www.sparta.cz
« J’étais accompagné au match de l’ambassadeur de France et quelqu’un nous avait été délégué pour nous accompagner dans Prague et voir ce qu’il y a de plus significatif de la culture et de l’envie de ce pays de se développer sur un certain nombre d’axes. Et puis, esthétiquement, il y a beaucoup de monuments qui méritent le détour. C’est donc un voyage réussi à tous les points de vue. Je remercie monsieur l’ambassadeur qui nous a consacré le temps nécessaire. C’est sympathique de retrouver des gens qui imposent des valeurs liées non seulement à la France mais aussi aux pays que l’on rencontre. »

La Ligue des champions féminine est-elle l’occasion d’échanges au niveau des dirigeants, comme cela est le cas pour la Ligue des champions masculine, où il y a par exemple avant chaque rencontre un déjeuner officiel ? Le président du Sparta Prague parle français, avez-vous donc pu échanger avec les dirigeants du Sparta ?

« Nous essayons de le faire. J’espère que ce sera plus facile au match retour. Malheureusement, je ne suis arrivé à Prague que quelques heures avant le match en raison du match des garçons contre le Real Madrid la veille au soir. Cependant, le président de la section féminine était bien là et il a eu l’occasion d’échanger un peu avec les dirigeants du Sparta. Il y a une vraie culture de football et de relations qui se crée en Ligue des champions féminine comme en Ligue des champions masculine. Tous les contacts que nous avons eus la saison dernière en Russie, où nous avons joué deux fois, ou par exemple en Angleterre avec Arsenal ont permis de créer des liens. Je suis persuadé qu’il en sera de même avec le Sparta. Nous les accueillerons d’ailleurs comme il se doit, de manière tout à fait importante, la veille du match retour à Lyon. »