Joe Biden vu de Tchéquie : « Make Amerika great again, Mr Biden ! »

Joe Biden, photo: ČTK/AP/Andrew Harnik

Sans surprise, l’annonce de la victoire de Joe Biden aux dépens de Donald Trump lors de l’élection du nouveau président des Etats-Unis a été plutôt bien accueillie en République tchèque, tant par les dirigeants politiques que par les médias. La majorité d’entre eux veulent voir dans ce renouvellement une volonté de changement du peuple américain et espèrent une relance des échanges transatlantiques.

Miloš Zeman,  photo: Bureau de Câteau de Prague

Même le « Trump tchèque » a envoyé une lettre de félicitations à Joe Biden. Il y a quatre ans, suite à l’élection de Donald Trump, c’est ainsi que Miloš Zeman, le président tchèque, s’était présenté dans le message qu’il avait adressé au nouveau pensionnaire de la Maison blanche. Cette comparaison, à son grand désarroi, ne lui a jamais valu d’être invité par son homologue américain, et c’est peut-être pourquoi Miloš Zeman, qui a la rancune facile, s’est empressé, dès l’annonce des résultats, de féliciter son tombeur et de l’inviter à Prague « pour approfondir nos excellentes relations » et renforcer « le lien entre la République tchèque, l’Europe et les Etats-Unis qui est et restera fort ». « Tout comme l'Europe a besoin des États-Unis, les États-Unis ont besoin de l'Europe », a souligné le chef de l'Etat tchèque, selon qui, « ensemble ils peuvent contribuer à ce que le libre-échange mondial soit plus juste ».

Tomáš Petříček,  photo: Michaela Danelová,  ČRo

Le libre-échange, un point sur lequel a insisté également le ministre des Affaires étrangères, qui comme beaucoup espère que les sanctions économiques américaines, avec la hausse des droits de douane contre les produits européens, s’assoupliront ou disparaîtront prochainement. Invité de la traditionnelle émission politique du dimanche midi de la Télévision tchèque, Tomáš Petříček, qui a rappelé que les Etats-Unis sont le principal partenaire commercial de la République tchèque en dehors de l’Union européenne, espère « qu’une des priorités avec la nouvelle administration américaine sera d’instaurer de nouvelles règles pour les investissements de manière à pouvoir surmonter ensemble les conséquences de la crise du coronavirus ».

Washington,  photo: ČTK/AP/Jacquelyn Martin

Du côté des médias, Mladá fronta dnes voit en l’arrivée de Joe Biden, « l’homme qui s’y est repris à trois fois », un motif de « célébrations mais aussi de gueule de bois ». « L’analyse du paysage américain après la bataille laisse apparaître un paysage avant la bataille », peut-on lire en une du quotidien généraliste le plus lu en République tchèque.

« Biden a gagné et l’Europe a poussé un soupir de soulagement », se félicite pour sa part Hospodářské noviny. Le quotidien économique résume assez bien le sentiment qui règne majoritairement en République tchèque suite à la victoire du « contraire de Trump » selon Lidové noviny.

Toutefois, Echo24.cz, par exemple, estime que l’arrivée au pouvoir de Joe Biden est au contraire « une mauvaise nouvelle pour l’Europe centrale ». Le site d’informations conservateur rappelle qu’en 1997, lorsqu’il se trouvait à la tête du comité des affaires étrangères du Sénat, Joe Biden a hésité « jusqu’au dernier moment » avant d’approuver le premier élargissement de l’OTAN aux anciens « pays de l’Est », concrètement à la République tchèque, à la Pologne et à la Hongrie. Echo24 rappelle que « malgré les faveurs de l’administration Clinton pour le projet, la ratification de l’élargissement se serait notoirement compliquée sans l’accord de Biden ».  Finalement, peut-on lire un peu plus loin, « le politique démocrate s’est alors rendu en Europe centrale pour se laisser convaincre – l’audience avec Václav Havel l’a grandement influencé. »

Kamala Harris et Joe BIden,  photo: ČTK/AP/Andrew Harnik

Echo 24 n’en conclut pas moins que c’est « un homme dont le rapport avec ce coin du monde oscille entre le désintérêt et l’arrogance qui s’apprête à remplacer un ignorant certes prétendument hautement dangereux mais qui au moins entretenait des liens concrets avec l’Europe centrale », rappelant sur ce point les politiques conservatrices menées par Varsovie et Budapest.

Et tandis que l’hebdomadaire libéral Respekt préfère voir en Joe Biden « celui qui pourrait changer les choses », le quotidien indépendant Deník N lance, lui, un appel qui, selon lui, est dans l’intérêt de tous, et donc pas seulement des Américains : « Make Amerika great again, Mr Biden ! »