José Pliya, fils de l'Afrique et citoyen du monde
"Nous sommes un certain nombre d'écrivains d'origine africaine, qui ne vivons plus en Afrique, généralement nous vivons en France, mais pas obligatoirement, et qui écrivons pour le théâtre et aussi de la littérature en général, le roman et la poésie. Cela dit, ce qui peut être frappant pour un universitaire qui observe ce phénomène-là, c'est de voir que dans nos oeuvres, que nous soyons béninois, congolais, ivoiriens ou togolais, nous qui vivons maintenant hors de nos pays d'origine, c'est une thématique qui n'est plus directement liée à la tradition africaine ou aux clichées de l'Afrique, tels qu'on se les imagine, mais qui est plutôt une oeuvre nourrie de notre vie à l'extérieur de l'Afrique." C'est ce que dit le dramaturge béninois José Pliya de la génération des écrivains africains venue dans les années 1980 et dont la voix se fait de plus en plus entendre dans le monde littéraire. J'ai profité de la visite de José Pliya en République tchèque pour faire la connaissance de cet auteur et pour le faire connaître aussi aux auditeurs de Radio Prague.
Né en 1966 au Bénin, fils d'un écrivain célèbre, José Pliya ne voulait pas suivre les traces de son père et a su trouver son propre chemin. Aujourd'hui, il est l'auteur de plusieurs pièces qui sont jouées surtout en France mais qui suscitent aussi l'intérêt d'hommes de théâtre d'autres pays. Parmi ses plus grands succès il y a les pièces
Est-ce que vous vous considérez encore comme un écrivain africain?
(Rire) "Bonne question. Oui, oui, absolument, je ne renie pas du tout cette part de moi, je suis un écrivain d'origine africaine, de nationalité française, qui s'intéresse à des thématiques universelles. Je préfère le titre d'écrivain de théâtre tout simplement, mais si on me demande de spécifier, en général, je dis d'origine béninoise et de nationalité française. J'y tiens beaucoup."
Vous êtes dramaturge. Est-ce que vous vous inspirez par le théâtre populaire africain?
"Pas vraiment. C'était pas ce théâtre qui m'a nourri. Moi, j'étais beaucoup nourri par le théâtre très littéraire, parce que j'étais dans une famille de littéraires ; mon rapport au théâtre était d'abord le rapport au texte, et ensuite au théâtre, j'ai envie de dire, occidental. C'est bien plus tard que j'ai découvert le théâtre rural, le théâtre populaire, le théâtre d'intervention sociale, qui est un théâtre d'improvisation comme la commedia dell'arte. Et c'est un théâtre qui est venu dans mon univers comme une curiosité, plus que comme une influence. Je reste quand même marqué par un théâtre de texte."
Comment expliquez-vous l'intérêt croissant de la société occidentale pour le théâtre africain, la littérature et la culture africaines?
"Je pense que c'est un effet de mode. Je crois que l'Occident est à la recherche de nouveautés, de nouveaux horizons à explorer et que ce théâtre a toujours existé et a toujours été riche, mais n'était pas à la mode du jour. On considérait qu'il n'existait pas, mais il existait. Maintenant il y a un besoin de renouvellement, donc tout le monde se précipite là-bas. Alors, il faut essayer de construire une oeuvre, pour rester, pour surnager quand la mode sera passée."
Vous dites être obsédé par le besoin de la responsabilité. Comment cela se manifeste dans vos pièces?
"Cela se manifeste par la mise en place de personnages qui se retrouvent souvent face à eux-mêmes, face à des choix cruciaux. Par exemple, dans "Une famille ordinaire", je raconte l'histoire d'une famille allemande, à Hambourg, au moment de la Seconde Guerre mondiale, qui est une famille tout à fait ordinaire et qui va basculer dans la monstruosité. Et ce que j'essaie de raconter c'est que cette famille n'est pas irresponsable, ce n'est pas une fatalité. Elle a un choix dans cette pièce, et elle fait le choix de l'horreur. A chaque fois mes personnages se retrouvent à ce carrefour d'eux-mêmes, à ce carrefour où on se retrouve tous à un moment donné, où on peut choisir d'être un héros ou un salaud ; mais c'est sans jugement. Je ne porte jamais de jugement sur mes personnages, je dis seulement qu'on est responsable, qu'il faut assumer cette responsabilité telle quelle."
Combien de vos pièces ont été traduites en tchèque?
"Deux. Le Masque de Sika et Le complexe de Thénardier."
Vous avez entendu ce soir la traduction de votre pièce. Est-ce que cela vous a donné quelque chose? Est-ce que vous avez pu entendre le rythme de ce qui a été dit?
"Absolument. C'est vraiment à ça que je m'attache, lorsque mes pièces sont traduites dans des langues que je ne comprends pas, j'essaie d'être attentif à la musicalité, au rythme. Ce qui m'a très agréablement surpris dans ce que j'ai entendu, c'est que les comédiens ont su insuffler la dynamique, le rythme, le sens des répliques et puis cette musicalité de comédie qu'il y a dans cette scène qu'ils ont lue. Je l'ai perçu et c'est l'essentiel."
Est-ce que nous verrons vos pièces dans des théâtres tchèques?
"Je crois qu'il y a des projets qui sont en cours. Il y a plusieurs metteurs en scène qui m'ont contacté pour monter "Le Masque de Sika" et j'ai aussi un rendez-vous avec un metteur en scène qui voudrais monter Le Complexe de Thénardier."