Josef Kajetán Tyl, homme qui a assisté à la naissance du théâtre tchèque
Il y a deux cents ans, le 4 février 1808, naissait Josef Kajetán Tyl, dramaturge auquel nous devons la renaissance du théâtre tchèque. Dans un milieu culturel où dominait presque exclusivement la langue allemande, il a consacré pratiquement toute sa vie à prouver que le théâtre et la littérature tchèques méritaient également leur place au soleil.
Dramaturge, écrivain, journaliste et éveilleur national, Josef Kajetán Tyl savait bien que le théâtre pouvait jouer un rôle cardinal dans ce processus difficile que nous appelons aujourd’hui la renaissance nationale tchèque. Né dans la ville de Kutná Hora, dans la famille d’un couturier, il attrape le virus du théâtre lors de ses études au lycée à Hradec Králové, où il fait la connaissance du professeur Václav Kliment Klicpera, un des premiers dramaturges tchèques. C’est sa passion théâtrale qui lui fera abandonner ses études à l’Université de Prague. Il entre dans une compagnie ambulante allemande et voyage à travers la Bohême et l’Allemagne, mais cette vie de nomade ne peut pas satisfaire un homme dont le cœur bat pour le théâtre tchèque.
Il rentre donc à Prague, joue le théâtre tchèque avec des amateurs et gagne sa vie par le journalisme. Il écrit aussi des contes, des poèmes et traduit d’autres auteurs. Plusieurs fois, il cherche à fonder une troupe de théâtre tchèque indépendante mais ces tentatives se soldent toujours par des échecs. La chanson « Où est ma patrie », qui fait partie de l’une de ses premières pièces de théâtre « Fidlovačka – Kermesse des savetiers », deviendra beaucoup plus tard l’hymne national tchèque.Le grand moment de la vie de Josef Kajetán Tyl ne vient qu’en 1846 lorsqu’il est nommé dramaturge du répertoire tchèque du Théâtre des Etats, la meilleure scène pragoise. Bien que cet établissement joue essentiellement en allemand, il réserve aussi une place modeste aux pièces tchèques. C’est donc pour cette scène que Josef Kajetán Tyl écrira ses meilleures pièces «Madame la vivandière, mère du régiment», «La fille de l’incendiaire» et son chef-d’oeuvre «Le cornemuseur de Strakonice», une des pièces les plus populaires du théâtre tchèque qui, un siècle plus tard, sera portée à l’écran. Dans ses pièces sur des sujets tirés de l’histoire tchèque, Tyl réagit aux problèmes politiques de son temps. La politique, d’ailleurs, ne le laisse pas indifférent. Fort de sa popularité d’excellant dramaturge, il est élu député au Parlement autrichien. Vers la fin de sa vie, il perd son poste au Théâtre des Etats, reprend l’existence difficile de membre de théâtre ambulant et sa situation matérielle se détériore. Il meurt à Plzen en 1856 à l’âge de 46 ans.
Aujourd’hui encore, certaines de ses oeuvres et notamment «Le cornemuseur de Strakonice» réapparaissent dans le répertoire des théâtres tchèques, bien que les jugements sur sa création ne soient pas toujours positifs. Le metteur en scène et comédien Ladislav Smoljak, par exemple, le voit d’un oeil assez critique :« Je pense que les personnes comme Tyl ont jeté les fondements du théâtre tchèque qui, à l’époque, n’existait pratiquement pas. (…) Ce qu’ils ont fait, ce qu’ils ont découvert, circule encore aujourd’hui dans les artères de notre théâtre, mais leurs pièces écrites il y a déjà presque deux siècles sont un peu vieillies. (…) Je n’aimerais pas les mettre en scène. Mais il faut dire qu’il y a de grandes différences entre les pièces de Josef Kajetán Tyl. Par exemple, ‘Fidlovačka’ n’est pas une bonne pièce, mais je crois qu’il est encore possible de mettre en scène ‘Le cornemuseur de Strakonice’. »
Quoi qu’il en soit, Tyl reste une des plus grandes figures de l’histoire culturelle tchèque du XIXe siècle, et ses pièces écrites pour un public populaire s’imposent encore aujourd’hui par leurs personnages hauts en couleur et leur efficacité dramatique. Deux siècles après sa naissance, Josef Kajetán Tyl est ainsi loin d’être oublié, un exploit dont peu de dramaturges de son époque peuvent se vanter.