Joža Úprka ou quand la couleur devient aussi enivrante que le vin
La rétrospective du peintre morave Joža Úprka au Palais Wallenstein de Prague est une occasion pour le public tchèque et international de connaître un artiste jadis célèbre avant d’être éclipsé et classé dans la catégorie des peintres « régionalistes ». On peut dire donc que la rétrospective du palais Wallenstein est une espèce de réhabilitation.
« Nous pouvons le caractériser comme un bon coloriste, un excellent dessinateur, un artiste qui a réussi à saisir l’atmosphère de sa région natale, la Slovaquie morave. Il connaissait intimement et aimait ce pays et a su traduire cette connaissance profonde dans ses peintures. La vie quotidienne, les festivités populaires, la foi des gens du peuple. Dans ses peintures il y a du vécu. »
Et Helena Musilová de rappeler les souvenirs des contemporains de Joža Úprka selon lesquels il lui arrivait quand il peignait par exemple les moissonneurs dans un pré, de poser son pinceau, de se saisir d’une faux et de travailler avec les paysans. Ce lien intime avec les objets et les sujets de ses œuvres donne à ses tableaux, d’après Helena Musilová, une grande authenticité qui est très importante pour le spectateur actuel. Sa formation dans les académies de Munich et Vienne pendant les années 1880 ne semble pas trop influencer ce talent exceptionnel. Helena Musilova insiste sur l’originalité de son itinéraire artistique :« Le chemin vers son style, vers la couleur, vers l’expression authentique, comme nous pouvons le constater sur toute une série d’aquarelles, est très original. On pourrait donc le comparer à Courbet, on pourrait faire une analogie avec Gauguin et sa recherche d’une culture authentique et de sensations pures. Mais ce ne sont que des opinions postérieures et nous ne pouvons pas dire que Joža Úprka ait subi de telles influences, qu’il se conformait à un modèle, qu’il imitait quelqu’un. »
C’est son séjour à Paris dans les années 1892-1893 qui revêt une grande importance dans la vie du peintre. Il y découvre que les arts évoluent, qu’il n’est pas le seul à se frayer un chemin vers un art sans compromis et que malgré l’incompréhension à laquelle il se heurte dans sa patrie, son œuvre a une valeur et un sens. Et Helena Musilová de rappeler que ce n’est qu’après ce succès à l’étranger que le talent de Joža Úprka a été aussi reconnu dans son pays :« Comme cela arrive souvent chez nous, ce n’est qu’après avoir obtenu une mention honorable au Salon de Paris pour son tableau ‘La kermesse de Saint-Antoine’, après les critiques enthousiastes dans la presse parisienne qu’il a été apprécié à sa juste valeur dans sa patrie également. Grâce à Paris il a donc aussi été reconnu sur la scène artistique tchèque. »
Au sommet de son art, Joža Úprka fait en Moravie l’objet d’un véritable culte. C’est une espèce de gourou des peintres moraves qui fait école. Plusieurs peintres le considèrent comme leur maître et s’inspirent des thèmes de ses œuvres et de son style. Joža Úprka participe à la vie culturelle de la Slovaquie morave et devient un représentant respecté de cette région sur le plan national.Sur ses toiles défilent paysans et paysannes, bergers et bergères, laboureurs, moissonneurs, brodeuses et autres personnages typiques de la campagne morave que le peintre saisit au milieu des champs, dans leurs labeurs de tous les jours, mais aussi, et sujet de prédilection, pendant les fêtes populaires.
Ce sont les scènes de grandes kermesses, les scènes de foule qui lui permettent de déployer toutes les richesses de sa palette. En peignant ces hommes et femmes vêtus de riches costumes nationaux, il déclenche une orgie de couleurs, une tempête des sens, et pousse son style parfois jusqu’aux limites de l’art abstrait. En s’inspirant du folklore de son pays, il devient un artiste accompli, un peintre européen.