Karel Schwarzenberg, aristocrate et chef de la diplomatie ? Polémique
A en juger d'après l'écho médiatique de ses propos, le président de la République a commis un faux-pas. A la veille des fêtes de Noël, Vaclav Klaus s'était fermement opposé à la nomination du sénateur Karel Schwarzenberg au poste de chef de la diplomatie tchèque, sous prétexte qu'elle pourrait déstabiliser les relations tchéco-autrichiennes. Dans leurs éditions de ce mercredi, les quotidiens tchèques décortiquent le raisonnement du président, inacceptable pour beaucoup.
Karel Schwarzenberg avait été proposé au poste de ministre des Affaires étrangères par le Parti des Verts qui devrait former, avec le Parti civique démocrate (ODS) et les chrétiens-démocrates, le nouveau gouvernement de coalition. Depuis l'annonce de sa composition, le Premier ministre et chef de l'ODS, Mirek Topolanek, est sous le feu des critiques. Son parti lui reproche d'avoir perdu la bataille pour les portefeuilles ministériels très convoités des Affaires étrangères et des Finances. Le chef de l'Etat et président d'honneur de l'ODS est, lui aussi, en colère. Les journaux parlent même « du conflit le plus grave et le plus visible entre un Premier ministre et un président depuis 1989 », en faisant allusion à l'ambiance glaciale de leur dernière conférence de presse commune. Au coeur de leur polémique, le risque d'échec de ce nouveau cabinet lors du vote de confiance au Parlement, et le personnage de Karel Schwarzenberg, présumé être le futur chef de la diplomatie, personnage controversé aux yeux du président.
Suit alors une déferlante de réactions des personnalités publiques. Dans Lidove noviny, l'historien Martin C. Putna dresse le portrait de l'actuel sénateur Schwarzenberg, qui a certes vécu plus de quarante ans en exil en Autriche, mais qui n'a jamais renoncé à sa citoyenneté tchèque. Il rappelle l'histoire de la vielle famille aristocratique des Schwarzenberg, liée depuis le XVIIe siècle à celle des pays tchèques, d'une famille patriotique et anti-fasciste. L'éditorialiste de Hospodarske noviny met en relief l'engagement de Karel Schwarzenberg sous le communisme, en faveur des dissidents tchèques et pour la protection des droits de l'homme en général. Enfin, le sénateur bénéficie d'un soutien infaillible de la part de l'ex-président Vaclav Havel, qui avait fait de Karel Schwarzenberg le directeur de sa chancellerie.
« Je m'attendais à ce que les vieux préjugés ressurgissent », tel est le commentaire du sénateur lui-même. Dans la presse, Karel Schwarzenberg s'explique, avec calme, recul et concision qui lui sont propres, à propos de tous les thèmes épineux, sur lesquels il aurait été, selon ses adversaires, peu transparent : à commencer par l'intégration européenne, en passant par la centrale nucléaire de Temelin et en terminant avec les relations tchéco-cubaines. Tout cela avec une légère allusion aux opinions tranchées que sa personnalité suscite au Château de Prague et ailleurs. A leur origine, constate-t-il sans pathos, une méfiance extrême des Tchèques contre l'aristocratie et les anciens exilés, ainsi que les conceptions différentes, politiques et humaines, de Vaclav Klaus et Vaclav Havel, qui divisent, en quelque sorte, la société.