Karlovy Vary : Rencontre avec Jean Becker (II)

Jean Becker, photo: Film Servis Festival Karlovy Vary

Le cinéma, maintenant, avec celui qui a signé des films comme L'été meurtrier, Elisa, Un crime au paradis ou Effroyables jardins... Le réalisateur, scénariste et acteur français, Jean Becker, présente le 1er juillet au 42e Festival International du Film de Karlovy Vary son nouveau long métrage, « Dialogue avec mon jardinier », une adaptation d'un roman d'Henri Cueco avec Jean-Pierre Darroussin et Daniel Auteuil dans les rôles principaux. Avant de venir à Karlovy Vary, Jean Becker nous a dit un peu plus sur son film, sur ces deux amis d'enfance qu'il met en scène et qui se retrouvent, un jour, dans le centre de la France...

«Ils sont tous les deux issus d'un même endroit. Il y en a un qui est parti à Paris, l'autre qui est resté là. Quand ils se retrouvent, ils sont très différents l'un de l'autre, mais il existe toujours entre eux une complicité qu'ils avaient quand ils étaient jeunes. C'est surtout cela que j'ai voulu montrer. D'ailleurs, je l'ai mis sur l'affiche, en disant qu'un ami d'enfance, ça ne s'oublie pas. Même après 38 ans, même si on est différent, on a toujours une complicité semblable et l'envie d'être ensemble. Quant à savoir si j'ai voulu absolument mettre en scène un peintre parisien, empreint de parisianisme et un homme plus simple, qui est un cheminot et qui est à la retraite... c'est le livre qui m'a donné envie. »

Vous évoquez aussi la situation sociale et économique de la France...

« La situation française au niveau du chômage est difficile, pour les jeunes surtout et même pour ceux qui ont fait des études. C'est pour cela que j'insiste un peu sur ce point... Vous voyez, le jardinier, c'est un homme simple, mais il se tient au courrant de la vie sociale française. Elle n'est pas très florissante en ce moment sur ce plan-là, et c'est pour cela que ce dialogue existe. Cela me touche comme cela touche beaucoup de Français. Je ne sais pas si le nouveau gouvernement va s'occuper de cette situation... »

'Dialogue avec mon jardinier',  photo: Studio Canal
Votre film est sorti le 6 juin en France. C'est un peu précoce, peut-être, d'en parler, mais quand même : pensez-vous qu'il peut être perçu différemment en France et à l'étranger ?

« Je pense que oui, ne serait-ce que par le fait qu'il y ait des dialogues qui sont, à mon avis, quasi intraduisibles. Je ne connais pas la traduction qui aura été faite pour le festival, mais il y a des choses typiquement françaises comme les moyens sociaux qu'ont les gens des chemins de fer... Des choses comme ça. Je ne sais pas comment cela se passe en Tchéquie... Mais il insiste, par moments sur le fait qu'il a de la médecine gratuite, le dentiste gratuit... Je ne sais pas si les gens vont comprendre la situation d'un homme à la retraite qui était un cheminot avant. Certains jeux de mots vont peut-être passer au-dessus de la tête des gens. Mais je crois que sur le fond, les gens vont comprendre que la situation française n'est pas forcément étrangère à pas mal de situations dans le monde entier. »

Le fait que « Dialogue avec mon jardinier » soit sélectionné à Karlovy Vary, qu'est-ce que cela représente pour vous ?

« Cela me fait plaisir d'être présent à ce festival où mon père est venu, il y a très longtemps, je m'en souviens. Ce qui est important aussi, c'est d'avoir l'avis de collègues, de professionnels étrangers, et surtout du public. Même si le palmarès n'est pas à ma faveur... Je suppose que le film qui sera primé sera certainement bon. Mais ça ne veut pas dire pour autant que le mien est mauvais (rires). »

C'est votre première visite en République tchèque ?

'Dialogue avec mon jardinier',  photo: Film Servis Festival Karlovy Vary
« Non, je suis venu plusieurs fois à Prague, mais pour tourner des moyens métrages et des films publicitaires. Jamais pour un long métrage. »

En République tchèque, le financement du cinéma national fait l'objet d'un grand débat, depuis un an... Etes-vous au courant de cela ?

«Pas du tout. J'espère que les Tchèques arriveront au même système qu'en France, parce qu'il n'est pas mauvais. Nous avons une loi d'aide au cinéma, des quotas obligatoires pour la télévision et le cinéma, concernant la diffusion de films français. J'espère que le cinéma européen va continuer à exister et que les grands cinéastes tchèques vont réapparaître bientôt. »

Pourriez-vous en dire plus sur votre prochain film que vous êtes en train de tourner ?

« Il est déjà fini, je suis au montage. Cela m'est difficile, parce que je n'ai pas encore le titre. C'est un film qui sort de ce que je fais d'habitude... »

Il ne s'appelle pas « Deux jours à tuer »... ?

« Justement, ce titre fait penser à un film policier, alors que ce n'est absolument pas le cas. Voilà pourquoi je ne veux pas trop en parler, je ne veux pas que ce titre ce promène. Ce ne sera pas celui-là, car il ne reflète pas le sujet. »

Vous avez adapté plusieurs romans au cinéma. Quel est l'enjeu de ce type de travail ? Avez-vous peaufiné, au fil des années, votre propre méthode d'adaptation, ou alors c'est un travail à chaque fois différent ?

« Obligatoirement, ça change un peu. Même si c'est l'auteur du livre qui l'adapte lui-même, comme l'avait fait Sébastien Japrisot avec L'été meurtrier que j'ai tourné en 1982. Même lui a trouvé des changements. On concrétise beaucoup plus un film qu'un roman, où l'on peut expliquer, raconter des choses. Dans le film, il faut les voir et c'est plus compliqué. Moi-même, j'ai écrit un seul film, Elisa, avec Vanessa Paradis et Depardieu. Mais je trouve que les imaginations des autres auteurs sont bien meilleures que les miennes. Je me sers d'eux, de ce qu'ils écrivent et je l'adapte ensuite avec des gens que je connais, qui me sont proches et qui sont de bons scénaristes et dialoguistes. »

C'était le réalisateur Jean Becker dans Culture sans frontières. Je vous rappelle que le festival de Karlovy Vary se poursuit jusqu'au 7 juillet prochain.