Karlovy Vary, retour sur l’édition 2007 avant les nouveautés 2008
C’est le 4 juillet qu’a commencé la 43e édition du festival de Karlovy Vary. Avant de vous proposer des rencontres et des compte-rendus de ce qui s’y passe pendant la semaine où se déroule le festival, Radio Prague vous propose de revenir sur l’édition 2007, avec des extraits d’entretiens que Magda Hrozínková et Alexis Rosenzweig ont réalisés dans la petite ville thermale située dans le nord-ouest de la Bohême.
Et pour commencer la réalisatrice lituanienne Alante Kavaite, sélectionnée l’an dernier pour son film Ecoute le temps, dans la catégorie du choix de la critique du magazine américain Variety.
Cela a-t-il été une surprise d'être sélectionnée dans cette catégorie ?
« Oui, d'autant que l'année dernière, j'avais présenté ce film pour ce festival et je n'avais pas été sélectionnée. J'ai tellement entendu parler de ce festival, donc c'était complètement une surprise. »
Parlons un peu de ce premier film qui s'appelle Ecoute le temps, et qui comme son nom l'indique, a beaucoup à faire avec le son.
« Oui, le travail du son a beaucoup à voir avec le film. C'est l'histoire d'une jeune femme qui est ingénieur du son, interprétée par Emilie Dequesne, pendant qu'elle est en voyage de travail, sa mère est assassinée dans sa maison de campagne. Charlotte revient dans cette maison et se rend compte qu'il s'y passe beaucoup de choses étranges, que les villageois la regardent de travers, et elle se rend surtout compte qu'elle ne sait pas grand'chose de la vie que sa mère menait dans le village. Et en enregistrant les sons dans cette maison, une vieille maison aux murs qui craquent, elle se rend compte que le son qu'elle capte est mélangé aux sons du passé et qu'en changeant le micro de position, elle capte des dates différentes. En fait, c'est une quête personnelle, parce qu'il s'agit avant tout d'une jeune femme qui fait son deuil. Et c'est une quête personnelle en parallèle avec une enquête policière. Car le but est de savoir aussi ce qui s'est passé et de trouver l'emplacement dans l'espace où elle va pouvoir enregistrer les minutes du jour J, et donc savoir qui a assassiné sa mère et pourquoi. »
Pourquoi ce travail sur le son pour votre premier film ? Vous avez un lien particulier avec les métiers du son ?
« Non, c'est le sujet que j'ai choisi de traiter et qui m'a amené là où je suis arrivée. C'est un film fantastique mais traité d'une manière très réaliste. Pour moi c'était important, pour qu'on parvienne à croire à ce phénomène étrange il fallait que tout le reste soit très réaliste. Je voulais un sujet un peu personnel pour ce premier film : le deuil. Et quand j'ai commencé à plancher sur le sujet, j'ai commencé à plancher sur ce sujet j'ai un peu puisé dans mon propre vécu. Ce fut un choc pour moi de constater que j'avais perdu à jamais les voix de ma mère et de ma grand-mère. J'avais des photos, des objets, même des odeurs, mais plus aucune trace de leur voix.
Et je me suis rendu compte aussi que plus le temps passait plus c'est quelque chose qui s'effaçait dans la mémoire. Il est extrêmement difficile de se souvenir de la couleur de la voix de quelqu'un. Alors très vite j'ai eu envie de donner ce pouvoir à mon personnage, pouvoir que je n'aurai jamais et très vite je suis arrivée à cette histoire des sons du passé. Et comme il s'agit d'une quête personnelle, parce qu'il s'agit de quelqu'un qui fait son deuil, je me suis dit qu'il fallait qu'elle soit ingénieur du son. Une quête personnelle, on la fait avec sa propre sensibilité. Donc Charlotte (interprétée par Emilie Dequenne, ndlr) est quelqu'un qui a une oreille exceptionnelle, elle a déjà cette prédisposition à écouter plus qu'à voir.
Quand j'ai trouvé ce dispositif, cette histoire, je me suis dit aussi qu'il fallait que je la limite dans le temps. D'où cette enquête policière qui s'est un peu greffée par la suite.»
L’an dernier, Jean-Pierre Darroussin présentait notamment son premier opus cinématographique en tant que réalisateur, Le Pressentiment, mais faisait également la promotion du film de Jean Becker, Dialogue avec mon jardinier, où il tenait l'un des deux rôles titres, aux côtés de Daniel Auteuil. AR lui avait demandé s'il y avait une différence entre faire la promotion d'un film dans lequel on joue et d'un premier film que l'on réalisé.
« C'est différent parce qu'on vous pose plus de questions qui ont trait à la genèse du film, à la création, à l'envie : il faut d'un coup se justifier d'un choix d'un certain genre de film. Alors que lorsqu'on est acteur, on a affaire avec des questions qui ne sont liées qu'avec la manière dont on a vécu l'expérience. Là, il y a plus de questions de fond, on est obligé d'avoir un rapport avec sa propre expérience, sa pensée, et ce qu'on essaye de livrer, non pas comme message, mais plutôt quelles sont les résonances en soi du projet qu'on essaye de livrer au spectateur, et quel type de communication, de complicité on essaye d'établir avec celui-ci. C'est plus clair quand on est metteur en scène, ça existe aussi quand on est acteur, car on essaye aussi d'établir un certain contact, mais on en est forcément moins responsable. Quoique dans Dialogue avec mon jardinier, comme c'est un film qui repose essentiellement sur le travail entre deux acteurs, on est quand même très proche d'avoir à porter tout le film sur nos épaules. »
Daniel Auteuil et vous-même ?
« Oui, on est très proche du metteur en scène quand on fait un film qui repose autant sur deux personnes, dont le sujet principal est le dialogue et la rencontre entre deux personnes. Même en tant qu'acteur, on porte vraiment le sujet. »
Vous avez choisi pour ce premier film d'adapter à l'écran un roman d'Emmanuel Bove, est-ce que ça été un choix naturel ? Cela été clair depuis le moment où vous avez lu ce livre ?
« Oui, ça été clair depuis le début, mais il se trouve que j'ai lu ce bouquin il y a vingt-cinq ans... Quand on m'a demandé de proposer un sujet pour réaliser un film, je suis retourné vers mon Emmanuel Bove. C'est un auteur qui m'est très proche, j'ai l'impression de voir le monde comme lui, d'avoir le même type d'humour, la même sensibilité au monde. J'ai donc relu ce livre et je me suis aperçu que vingt-cinq ans après, c'était toujours le même film que j'avais envie de faire. »
Dans ce film, il y a un acteur tchèque, Ivan Franek. Comment est-ce que vous êtes tombés sur lui ? Comment fait-on son casting pour un premier film ? Dans le casting, vous avez d'ailleurs pris votre épouse également...
« Etant moi-même acteur, j'ai voulu profiter de l'occasion de pouvoir tourner avec plein de vieux camarades avec qui j'avais travaillé au théâtre ou au cinéma. Ivan, je l'avais déjà remarqué dans un ou deux films. A un moment donné, on m'a reparlé de lui, j'ai vu sa photo, il m'est revenu en tête et je l'ai rencontré. C'était tout de suite évident qu'il était bien pour ce rôle. »
Et toujours autour du film Dialogue avec mon jardinier, tout de suite, le réalisateur, Jean Becker, qui avait adapté le roman d'Henri Cueco. Avant de venir à Karlovy Vary, Jean Becker en avait dit un peu plus sur son film, sur les deux amis d'enfance qu'il y mettait en scène et qui se retrouvent, un jour, dans le centre de la France :
« Ils sont tous les deux issus d'un même endroit. Il y en a un qui est parti à Paris, l'autre qui est resté là. Quand ils se retrouvent, ils sont très différents l'un de l'autre, mais il existe toujours entre eux une complicité qu'ils avaient quand ils étaient jeunes. C'est surtout cela que j'ai voulu montrer. D'ailleurs, je l'ai mis sur l'affiche, en disant qu'un ami d'enfance, ça ne s'oublie pas. Même après 38 ans, même si on est différent, on a toujours une complicité semblable et l'envie d'être ensemble. Quant à savoir si j'ai voulu absolument mettre en scène un peintre parisien, empreint de parisianisme et un homme plus simple, qui est un cheminot et qui est à la retraite... c'est le livre qui m'a donné envie. »