Kokořín : un château romantique au milieu d’un labyrinthe de pierre
Un château fort entouré de forêts magiques et de rochers miraculeux, tel est le magnifique paysage de la région de Kokořín. Dans cette nouvelle rubrique touristique, Radio Prague vous propose de découvrir ce coin de la République tchèque, situé à quelque 70 kilomètres au nord de Prague, qui a enchanté plus d’un artiste romantique.
La source d’inspiration des romantiques tchèques
La région de Kokořín regorge de châteaux forts dont seulement des ruines restent conservées de nos jours. Entourés de diverses légendes et situés dans les forêts profondes, ces châteaux ont charmé au XIXe siècle de nombreux romantiques qui y revenaient pour chercher de l’inspiration. Parmi eux, le château de Bezděz, construit dans le style gothique et connu pour avoir été la prison du futur roi Václav II et de sa mère Kunhuta lors de l’invasion des Brandebourgeois dans les pays tchèques au cours du XIIIe siècle, ou bien le château de Houska qui représente l’un des châteaux les mieux conservés de l’époque de Přemysl Otakar II.Le château le plus romantique de la région, voire même en République tchèque, est néanmoins sans aucun doute le château fort de Kokořín qui se dresse au-dessus du val éponyme sur un éperon rocheux en grès. Durant la période estivale, ce château est ouvert au public et il est possible de visiter, outre quelques intérieurs bien conservés, également une tour offrant un très beau panorama sur les environs. Maire de la ville voisine de Mšeno, Martin Mach a offert à Radio Prague une visite des principales curiosités de la région, en commençant par un bref rappel de l’histoire du château :
« Le château fort était construit à peu près au XIVe siècle par un fameux aristocrate tchèque Hynek Berka z Dubé. Après diverses péripéties, son état s’est dégradé à partir du XVIIe siècle et il a pris la forme d’une ruine fantastique, admirée par de nombreux romantiques, dont surtout Karel Hynek Mácha. Beaucoup de peintres ont peint cette ruine. Enfin, lors de la Première République, le château a été acheté par la famille Špacek qui lui a donné sa forme actuelle. »
« C’était la fin d’un soir de mai,
Le premier mai, le temps d’aimer. »
Même si né à Prague, Karel Hynek Mácha, auteur de ces vers connus de tous les Tchèques et poète emblématique du romantisme, est inséparablement lié à la région :
« Karel Hynek Mácha était le pionnier tchèque des randonnées à pied. Il était capable de marcher de Prague au château de Bezděz (entre 60 et 70 kilomètres, ndlr) en une seule journée. Il visitait souvent notre région. En allant au Bezděz ou au lac de Mácha, qui s’appelait à l’époque le Grand lac, il s’arrêtait au château de Kokořín. Près de là, sous les rochers ‘Couvercles’ (nom qu’ils tirent de leur aspect, ndlr), se trouve ‘la place des Tziganes’, un endroit où il a situé l’histoire de son roman ‘Tziganes’. C’était donc son itinéraire préféré : aller de Prague à Mělník, puis par le val de Kokořín au château de Houska et jusqu’aux alentours du château de Bezděz ou de la ville de Doksy. Cette nature a inspiré la création de ses chefs-d’œuvre, les alentours de Doksy pour son poème ‘Mai’, ceux de Kokořín pour les ‘Tziganes’. »Pour rendre ’hommage à ce grand poète età sa passion, le Sentier de Mácha a été créé en 2011 dans les alentours du lac de Mácha et de la ville de Doksy. Différents panneaux d’informations sur l’artiste et sur la région sont installés le long de ce sentier qui propose une promenade de 15 kilomètres reliant une trentaine de curiosités dans les alentours. A Doksy, les personnes intéressées par la poésie peuvent visiter également le Monument à Karel Hynek Mácha où une exposition présente les legs de l’œuvre de cet artiste.
Une nature exceptionnelle
La région de Kokořín, c’est avant tout une réserve naturelle qui est caractéristique pour son relief rocheux formé par l’activité des rivières Pšovka et Liběchovka sur les blocs gréseux, ce qui a donné naissance à des canyons bizarres et à une ville de rochers. Il s’agit de la seule ville troglodyte en République tchèque formée non par la météorisation mais par l’érosion de la roche, car elle est placée dans la vallée et non sur la colline. Dans différents ravins se développent de curieux effets d’inversion, ces derniers ont ainsi un climat qui diffère de celui qui règne sur le reste de la région. Ces effets ont permis la naissance d’une végétation spécifique avec une multitude de plantes protégées, comme c’est le cas de la vallée « Apatyka », mot qui provient du terme apothicaire, car ce lieu recèle de nombreuses plantes médicinales. Martin Mach poursuit :
« Différentes fosses et zones humides dans les vallées de Pšovka et Liběchovka représentent un autre élément remarquable. Celles-ci bénéficient d’une protection internationale car elles sont reconnues comme un biotope précieux dans lequel on trouveune ribambelle d’animaux intéressants, dont également quelques espèces endémiques que l’on ne peut pas trouver ailleurs. Et bien sûr, dans ce biotope marécageux nous trouvons aussi des plantes qui sont relativement rares. »La roche dans la réserve prend diverses formes, comme les « Couvercles », déjà mentionnés, et forment des labyrinthes avec des sentiers étroits entre des parois rocheuses. On trouve des dizaines de grottes dans les forêts de la région, parmi eux « Klemperka » qui est selon une légende appelée ainsi d’après le brigand Klempera qui s’y serait réfugié à la fin du XIXe siècle.
Des sculptures géantes au milieu de la forêt
Une autre promenade à travers ces forêts profondes peut mener au Sentier de Cinibulka. Nommé d’après l’enseignant et historien amateur Josef Bedřich Cinibulka, qui a largement contribué à promouvoir les attraits de la région, ce sentier, long en totalité de 9 kilomètres, commence dans la ville de Mšeno, une petite ville pittoresque et connu notamment pour ses bains construits dans le style de l’art déco. Martin Mach :« La ville a construit ces bains municipaux en coopération avec les riches bourgeois au cours de la Première République comme un lieu de repos actif. Mais dans un des bâtiments se trouvaient également des cabines équipées de bains avec de l’eau chauffée dans des réservoirs sur le toit. Ces cabines servaient aux citoyens moins aisés qui pouvaient s’y laver car tout le monde ne possédait pas, à cette époque, une salle de bain dans sa maison. Quelques-unes de ces cabines restent conservées, on peut donc les découvrir dans leur état originel. »
Le chemin se poursuit de nouveau autour des fameuses « Couvercles » et à travers le labyrinthe rocheux, on découvre finalement Nedamy et Staráky, des sièges bâtis dans la roche, et des « Têtes du diable », une autre curiosité de la région :« Il s’agit de figures sculptées dans le massif gréseux marginal au-dessous du village Želízy. Elles ont été créées dans les années 1840 par Václav Levý. Ces têtes ne représentent néanmoins qu’une de ses œuvres, même si c’est la plus visible. On trouve dans la forêt dans les alentours de Liběchovice beaucoup de ces sculptures, comme la ‘Harfenice’ ou le ‘Serpent’ et d’autres encore. Dans cette forêt, il y en a plusieurs. »
En retournant de Kokořín à la capitale tchèque, n’oubliez pas de visiter la ville de Mělník. Située à 40 kilomètres de Prague, cette ville, qui se trouve au confluent des deux plus grands cours d’eau tchèques, l’Elbe et la Vltava, est le témoin d’une activité humaine depuis le Néolithique. Peuplée ensuite par les Slaves, la localité prend de l’importance avec la création du château fort, au cours du Xe siècle, et plus tard, avec l’arrivée de Charles IV, elle devient une région du vin. Aujourd’hui, la ville propose un centre historique bien conservé et est dominée par un château reconstruit dans le style baroque.