La Bulle d'or et sa place dans l'histoire tchèque

La Bulle d'or

Le 10 janvier, 650 ans se sont écoulés depuis la promulgation de la Bulle d'or, le plus important document constitutionnel du Saint empire romain au Moyen âge. La Bulle, rendue par le roi de Bohême et empereur germanique, Charles IV, réglementait l'élection dans le Saint empire et confirmait la position exclusive des rois de Bohême.

La Bulle d'or
Promulguée le 10 janvier 1356, aux diètes de Nuremberg et de Metz, la Bulle d'or renouait avec la première Bulle d'or nommée de Sicile, du fait que le souverain germanique Frédéric II. qui l'a promulguée ne disposait pas d'un sceau impérial et s'était servi du sceau du roi de Sicile. Cette première bulle a été remise le 26 septembre 1212, à Bâle, au roi de Bohême, Premysl Otakar Ier, pour son soutien apporté à Frédéric II dans les combats pour le trône germanique. Chacun des 7 articles de la première Bulle d'or était d'une importance énorme pour le royaume de Bohême : les deux plus importants à retenir sont les suivants : l'Etat tchèque n'est pas un fief de l'Empire germanique. Le titre de roi de Bohême est dorénavant héréditaire.

Charles IV
144 ans après la première Bulle d'or de Sicile, Charles IV a rendu un nouvel acte développant cet acquis. Premièrement, la nouvelle Bulle d'or de 1356 a fixé que le collège électoral devait compter 7 membres dont 3 électeurs ecclésiastiques - les archevêques de Mayence, Cologne et Trèves, et 4 électeurs laïques - le roi de Bohême, le comte palatin du Rhin, le duc de Saxe et le margrave du Brandebourg. La Bulle d'or a scellé les droits des grands électeurs, lors de l'élection de l'empereur germanique romain. Dorénavant, l'empereur a été élu non pas à l'unanimité, mais à la majorité, toutefois, il a fallu que tous les électeurs, y compris ceux qui se sont abstenus de voter, se mettent finalement d'accord sur son élection. Autre réglementation de la Bulle d'or : le roi ainsi élu est couronné empereur par le pape. Selon la Bulle d'or, les grands électeurs se réunissaient une fois pas an pour des consultations avec l'empereur. Le titre d'électeur est devenu héréditaire. La Bulle garantissait aux grands électeurs toute une série de droits : celui de battre la monnaie, le droit de douane et le droit de bénéficier de larges compétences juridiques. Finalement, la Bulle d'or a réaffirmé ce qui avait été stipulée en 1212 par la Bulle d'or de Sicile, à savoir la position exclusive du roi de Bohême dans le cadre de l'Empire.

Le nom de bulle, donné aux actes ou ordonnances rendus par les empereurs romains, provient du latin, bulla, la langue dans laquelle elle était promulguée. L'attribut d'or exprime que l'empereur Charles IV l'a scellée par son cachet en or. Il est intéressant de noter que le titre d'électeur laïque était associé à une fonction précise à la cour : ainsi, le roi de Bohême portait le titre d'échanson suprême, le compte palatin du Rhin était désigné comme l'écuyer de bouche, donc celui qui dirige le service de la table à la cour, le duc de Saxe avait la charge des fonctions de maréchal et le margrave de Brandebourg celles d'intendant royal. La Bulle d'or est restée en vigueur jusqu'à la disparition du Saint empire romain germanique, en 1806. C'est en cette année que François II a renoncé au titre d'empereur romain germanique.

Karlstejn,  photo: CzechTourism
La promulgation de la Bulle d'or s'inscrit dans la longue liste de mérites de Charles IV. Le futur Charles IV, baptisé Venceslas, a été envoyé par son père, Jean de Luxembourg, à Paris, à la cour de Charles IV le Bel, dont il a reçu le prénom, lors de sa confirmation. A la cour du roi de France, Charles a bénéficié d'une éducation de grande qualité qui allait influencer tous ses actes futurs. C'est à Paris, qu'il est marié à Blanche de Valois, proche parente de Charles le Bel. A 17 ans, Charles rentrait dans son pays où, à l'opposé de son père, il a su gagner la faveur de nombreux seigneurs qui l'ont aidé à réaliser les projets ambitieux, ceux de faire du royaume de Bohême une entité étatique autonome sur le plan politique et économique. En 1346, Charles IV a été élu empereur germanique romain et est monté sur le trône de Bohême. Sous son règne, Prague est devenue une capitale intellectuelle et artistique. Il y a fondé l'archevêché, puis, sur le modèle de la Sorbonne, une université, la première en son genre en Europe centrale. Sous Charles IV, le visage urbain de Prague a changé : il est le fondateur de la Nouvelle-Ville de Prague, de nombreux édifices monastiques et temporels, d'un pont en pierre, sans oublier le château de Karlstejn conçu pour abriter les joyaux de la couronne, créés sur sa commande. Charles IV a encouragé le commerce, l'artisanat. Dans les alentours de grandes villes, il a fait planter des vignes. De France, il a fait venir le bâtisseur de cathédrales, Mathieu d'Arras qui a amorcé l'édification de la cathédrale Saint-Guy, au Château de Prague. Durant toute sa vie, Charles IV a entretenu des relations diplomatiques étroites avec la France dont il a fait un allié politique du Saint Empire. Un an encore avant sa mort, il entreprenait un voyage en France. Dans l'histoire tchèque, Charles IV s'est inscrit comme le « père de la patrie. »