La commémoration du jour de la Shoah

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Le 15 avril, la République tchèque a commémoré le jour de la Shoah et de l'héroïsme, Yom Ha Shoah, qui rappelle les victimes de l'holocauste pendant la Seconde Guerre mondiale. Les noms des victimes juives tchèques ont été lus en plein air, dimanche, sur la place de la Paix à Prague.

Le jour du souvenir de la Shoah a été institué en Israël et à travers le monde en hommage aux 6 millions de victimes juives. Sa date n'est pas choisie au hasard : Marie Skalova, de la Fondation aux victimes de l'holocauste:

« La date a été retenue selon le calendrier hébreu, le jour du 27 nissan qui est une date mouvante et, cette année, il incombe à la date du 15 avril. Le jour correspond au début du soulèvement du ghetto de Varsovie. Il commémore les victimes de l'holocauste, mais il rappelle également la résistance, le combat, l'héroïsme de ceux qui se sont soulevés : le ghetto de Varsovie en est un symbole. »

Le quartier pragois de Vinohrady a été choisi intentionnellement comme le lieu de la commémoration des victimes de la Shoah. En 1930, 7 045 Juifs vivaient sur son territoire, ce qui était le plus de tous les quartiers de Prague. La plus grande synagogue de Prague se trouvait également à Vinohrady. Le bombardement de Prague par les Alliés, en février 1945, l'a gravement endommagé. Après la guerre, il n'y avait pas la volonté de la reconstruire. En 1951, la synagogue a été démolie. Une école se trouve aujourd'hui à cet emplacement.

Par rapport au passé, où le jour de la Shoah était commémorée à l'intérieur des synagogues, ces dernières années, il sort sur des places ouvertes, de façon à ce qu'il attire l'attention du grand public. Une manière de se souvenir ensemble, de transmettre la mémoire aux jeunes, dit Daniel Pavlik de l'Union tchèque de la jeunesse juive qui s'est chargée d'organiser la commémoration. Ceux qui sont passés, dimanche dernier, à la place de la Paix, ont pu s'arrêter et lire quelques noms de victimes de l'holocauste, dit-il à propos du déroulement de la journée du 15 avril :

« On a lu les noms, avec un accent mis sur les victimes juives du quartier de Vinohrady, où la communauté juive était l'une des plus puissantes, avant la guerre. Chaque personne qui est passée, ce jour-là, à la place de la Paix, a pu s'arrêter et lire quelques noms, se souvenir. En même temps, il y avait à la disposition de tous les intéressés une base de données réunies par l'Initiative de Terezin, et cela aussi bien des livres de mémoire authentiques qu'une base de données qui existe sur ordinateur. »

Parmi les personnes venues rendre hommage aux victimes de la Shoah, il y avait Viktor Schwarz : de toute sa famille, il est le seul, avec son frère, à avoir survécu à la déportation au camp d'extermination. Voici son souvenir du ghetto dans sa ville natale de Kosice, en Slovaquie :

« Près de 15 000 personnes étaient entassées dans les halls de production ouverts, dans des conditions hygiéniques atroces, des wagons ne cessaient d'arriver... l'ensemble de la population juive hongroise des alentours de Kosice était transportée vers Auschwitz. »

Felix Kolmer, qui travaille pour la Fondation aux victimes de l'holocauste, est parti pour Terezin avec le premier transport. Il avait alors 19 ans. Des 60 membres de sa famille, trois seulement sont revenus :

« Il est paradoxal que l'un de ses trois membres de la famille, était ma grand-mère qui a survécu, mais elle ne s'est plus jamais remis de cela, car elle a perdu sa fille, pendant la guerre, oui c'était ma mère qui est morte, à Terezin... »

Photo: CTK
Le jour du souvenir de la Shoah est, en même temps, le jour de l'héroïsme. Selon Daniel Pavlik, de l'Union tchèque de la jeunesse juive, on a tendance à oublier qu'il y avait une résistance armée des Juifs contre les nazis et le ghetto de Varsovie en est un exemple : un groupe d'hommes courageux, très mal armés, est parvenu à résister, à combattre, pendant quelques semaines, avant que les nazis ne rasent entièrement le ghetto... On a parfois aussi tendance à oublier que des milliers de soldats juifs de Tchécoslovaquie ont combattu sur le front occidental : dans la division tchécoslovaque en France, près de Dunkerque, dans la Royale Air Force britannique, dans l'unité du général Klapalek au Moyen-Orient, près de Dukla, et ailleurs.

Avant la guerre, 118 000 Juifs vivaient en Tchécoslovaquie. Un exode s'est produit, au lendemain de l'avènement de Hitler au pouvoir en Allemagne. Les premières déportations ont commencé en 1941. Sur 81 000 Juifs tchèques déportés, 10 500 ont survécu. Une petite partie seulement s'est fixée en Tchécoslovaquie, après la guerre.

La commémoration du jour de la Shoah et de l'héroïsme, Yom Ha Shoah, a eu lieu, dimanche dernier, également à Brno. La communauté juive a rendu hommage aux 13 000 Juifs de Brno déportés. Sept bougies symboliques ont été allumées à la synagogue de Brno par Erika Bezdickova, la seule rescapée du camp d'Auschwitz où toute sa famille a trouvé la mort :

Photo: CTK
« Je ressens un besoin énorme de témoigner. Nous qui avons échappé à la mort, nous vivons tous sous l'emprise de ce traumatisme. Il est impossible de s'en débarrasser, de l'oublier, cela nous accompagnera pendant toute la vie et la seule chose que nous pouvons faire, c'est ne pas répandre le soufre et la cendre, mais raconter, témoigner. »

Aujourd'hui, Erika Bezdickova rencontre des jeunes, en Tchéquie et en Allemagne. Elle dit avoir compris que lorsque ces jeunes rencontrent une personne concrète qui a survécu, et qu'ils se rendent compte que ce n'est pas de la littérature ou de l'histoire, mais un témoignage authentique, ils commencent à comprendre.