La crise autour de la nomination du ministre de la Culture met en lumière l’impasse du parti social-démocrate

Le ministre de la Culture Antonín Staněk, photo : Michaela Danelová, ČRo

Le refus du président Miloš Zeman d’accepter le remplacement du ministre de la Culture Antonín Staněk provoque des remous au sein de la coalition gouvernementale formée par le mouvement ANO d’Andrej Babiš et le parti social-démocrate (ČSSD). A la veille d’une rencontre entre le chef de l’Etat, le Premier ministre et le leader des sociaux-démocrates, l’ombre d’élections anticipées ou d’une gouvernance avec le soutien du parti d’extrême-droite SPD plane sur le cabinet Babiš.

Antonín Staněk,  photo : Michaela Danelová,  ČRo
En avril dernier, le limogeage du directeur de la Galerie nationale de Prague, Jiří Fajt, avait suscité une vague de soutien en sa faveur et des appels à la démission à l’encontre du ministre de la Culture, Antonín Staněk. Deux mois plus tard, cette affaire a des conséquences sur un gouvernement de coalition dans la tourmente. En quelques semaines à peine, c’est en effet la seconde fois que le parti social-démocrate évoque clairement la possibilité de quitter le gouvernement.

Le refus du président Zeman de signer le remplacement d’Antonín Staněk par un autre candidat du ČSSD, Michal Šmarda, a poussé le leader des sociaux-démocrates Jan Hamáček à parler de « crise constitutionnelle » :

« Il s’agit d’un candidat du parti social-démocrate. Selon l’accord de coalition, le parti social-démocrate a le droit de choisir ses ministres. S’il perdait ce droit, je ne vois pas pourquoi nous devrions rester dans le gouvernement. »

Jan Hamáček et Andrej Babiš,  photo : ČTK / Ondřej Deml
Cette crise met tout particulièrement en lumière l’impasse dans laquelle le ČSSD se trouve : sanctionnés par les urnes, plombés par le chef de l’Etat qui règle ses comptes avec ses anciens collègues, les sociaux-démocrates payent aussi le prix de leur alliance avec le mouvement ANO, considérée par de nombreux sympathisants comme contre-nature. Et ce a fortiori dans un contexte où Andrej Babiš est contesté par une frange de la population, choquée par les soupçons de conflits d’intérêts qui pèsent sur sa personne.

En dépit donc du climat tendu de ces derniers jours, le Premier ministre semblait plutôt confiant sur l’avenir de la coalition, lors du débat dominical de la Télévision tchèque :

« Je veux aider Jan Hamáček, à imposer son candidat au poste de ministre de la Culture, Michal Šmarda. Je pense que les sociaux-démocrates ne quitteront pas le gouvernement, pourquoi le feraient-ils ? Ce serait un véritable suicide car cela signifierait de facto des élections anticipées. J’irai au Parlement, je rencontrerai les leaders des différents partis représentés et je leur demanderai s’ils veulent des élections anticipées ou s’ils ont une autre solution. »

Miloš Zeman,  photo : ČTK / Luboš Pavlíček
Autre scénario envisagé sans ciller par le président Miloš Zeman dans un entretien accordé au quotidien Mladá fronta Dnes : dans le cas où les sociaux-démocrates quitteraient le gouvernement, celui-ci pourrait être tout simplement remanié et soutenu par le parti d’extrême-droite SPD. Si cette alliance « terrifiante », comme la qualifie dans un récent article le rédacteur en chef de l’hebdomadaire Respekt, devenait réalité, la République tchèque « perdrait ce qui lui reste de crédibilité », estime Erik Tabery.

Jusqu’à présent, Andrej Babiš a toujours rejeté toute éventuelle collaboration avec le parti anti-migrant et anti-européen de Tomio Okamura. Tous les regards sont désormais tournés vers le Château de Lány, résidence des chefs d'Etat tchèques, où, mardi, le chef du gouvernement se fera fort de convaincre un président jusque-là inflexible.