La désignation des rues et lieux publics tchèques (2e partie)

Praha

Salut à tous les tchécophiles de Radio Prague - Ahoj vám všem, milovníkům češtiny Radia Praha ! Comme promis, nous allons poursuivre notre petite série consacrée à la signalisation, à la désignation, à la dénomination des rues et lieux publics en République tchèque. Lors de notre dernière émission, nous nous étions notamment intéressés à l'histoire de cette désignation et à l'apparition des premières signalisations, vers le XIIe siècle. Une remontée rapide dans l'histoire médiévale de Prague qui nous avait donc amenés jusqu'aux XVIIe et XVIIIe siècles et la germanisation des Pays tchèques et avec eux, forcément, des noms des lieux publics.

Praha
Pendant des siècles, les noms des rues n'ont été qu'une question d'usage. C'est à partir de la période de l'absolutisme éclairé qu'ils ont été codifiés de manière fixe et signalisés obligatoirement. A Prague, les noms des rues ont été établis par les autorités à partir de 1787 et ce, trois ans après l'unification des quatre villes originelles pragoises, moment important dans l'histoire du développement de la capitale tchèque. Fonctionnant jusqu'alors indépendamment les uns des autres, la Vieille Ville - Staré město, la Nouvelle Ville - Nové město, le « Petit Côté » - Malá strana, et le quartier situé autour du Château de Prague - Hradčany, avaient été regroupés en une seule ville baptisée « Prague métropole royale » - Královské hlavní město Praha, aussi parfois désignée par les historiens comme la Grande Prague - Velká Praha. Une ville de Prague unifiée, donc, qui s'étendait alors sur un peu plus de 700 hectares et dans laquelle résidaient environ 75 000 habitants dans près de 3000 maisons. Des maisons qui comportaient cependant déjà des numéros établis par la monarchie après 1770 et que complètent donc désormais les noms de rues.

Prague,  1848
Suite à une décision des autorités monarchiques, toutes les appellations existantes des rues et autres lieux publics furent germanisées, ce qui mit fin à ce que l'on pourrait appeler leur évolution spontanée. Les îles, les ponts ou encore les quais de la ville prirent alors les noms des membres de la dynastie des Habsbourg-Lorraine. Toutefois, l'année 1848, marquée dans une bonne partie de l'Europe démocratique par une fièvre révolutionnaire contre les monarques à laquelle s'ajouta à Prague la montée du nationalisme tchèque, apporta une vague de changements dans la dénomination des lieux publics. Un grand nombre de noms tchèques et patriotiques fleurirent, de même que des traductions en tchèque des appellations allemandes. Une tendance qui se confirmera et se poursuivra bien entendu au cours des décennies suivantes...

En 1857 est publié un décret impérial ordonnant la dénomination des rues et l'instauration d'une numérotation des maisons selon les rues dans lesquelles elles se trouvent. Un peu plus tard, en 1868, la décision est prise de désigner les rues de Prague avec des plaques uniformes portant des inscriptions à la fois en allemand et en tchèque. A signaler que la majorité des noms de cette époque étaient de nature à ne pas entraîner de conflits entre les communautés tchèque et allemande qui se côtoyaient alors quotidiennement dans la ville.

Liberec
Il faut attendre la fin du XIVe siècle pour voir apparaître à Prague et dans les villes environnantes des noms tchèques à connotation de plus en plus nationaliste. Cette tendance à la « tchéquisation » est toutefois compensée par d'autres appellations faisant, elles, référence à la dynastie des Habsbourg au pouvoir. Les conflits entre les deux communautés s'exacerbant, en 1888, à Liberec, par exemple, ville de Bohême du Nord peuplée d'une importante communauté allemande, on décide de ne désigner les rues qu'avec des appellations allemandes, tandis que dans le quartier pragois de Holesovice, nouvellement rattaché à la ville, on ne trouve que des plaques en tchèque. La situation est finalement tranchée vers le milieu des années 1890 lorsque la justice ordonne que les plaques en deux langues soient remplacées par des plaques portant uniquement des appellations en tchèque.

1939
1918, la fin de l'empire austro-hongrois et la création de la Première République tchécoslovaque marquent un nouveau tournant dans l'histoire de la dénomination des rues et lieux publics. Logiquement, nombre d'entre eux sont rebaptisés, notamment en raison de la volonté d'effacer les symboles autrichiens. Tout au long d'un XXe siècle mouvementé, l'invasion de la Tchécoslovaquie par les troupes du IIIe Reich en 1939, l'occupation du pays par les armées allemandes, la fin de la guerre en 1945, la prise du pouvoir par le parti communiste en 1948 puis la révolution et la chute du régime en 1989 sont également autant de dates qui, comme vous vous en doutez, ont grandement influencé la dénomination des rues et autres lieux publics. Depuis 1925, cependant, différents principes ont été adoptés permettant de déterminer la dénomination des lieux publics. C'est ce que nous verrons dans notre prochaine émission.

C'est ainsi que prend fin ce « Tchèque du bout de la langue » consacré à l'histoire de la dénomination des rues et lieux publics pragois et tchèques. En attendant donc de vous retrouver dès la semaine prochaine pour la suite de notre série, portez-vous du mieux possible - mějte se co nejlíp!, portez le soleil en vous - slunce v duši, salut et à bientôt - zatím ahoj!