La Dispute des dieux
Une dispute des dieux de l'Olympe a éclaté dans le réfectoire du Cloître des dominicains à Prague. Vaclav Richter explique pourquoi ...
Grâce aux Fêtes d'été de la musique ancienne, festival qui a eu lieu à Prague en juin et juillet, on a eu la possibilité de connaître des ensembles et des musiciens qui interprètent des oeuvres inconnues ou injustement oubliées. Tel est le cas d'une première moderne de l'opéra La Contesa de'Numi (La Dispute des dieux) présentée par l'ensemble Collegium Marianum et six chanteurs de divers pays. Grâce à la complicité et la coopération des dominicains, l'opéra sur les dieux païens a pu être représenté à deux reprises dans l'ancien réfectoire de leur cloître, belle salle ornée de fresques, ce qui a donné plus d'éclat à ce spectacle qu'on peut considérer comme une résurrection. L'Italien Antonio Caldara s'est fait connaître, dans la première moitié du 18ème siècle, en tant qu'auteur d'opéras dans le style napolitain. Second maître de chapelle à la cour de Vienne, il a composé pour l'empereur autrichien Charles VI des cantates, des sérénades et des drames lyriques. En 1723, Charles VI s'est fait couronner roi de Bohême et, à cette occasion, on a donné à Prague l'opéra Costanza e fortezza de Johann Joseph Fux. Ce spectacle gigantesque, qu'on considère jusqu'à aujourd'hui comme un exemple de la démesure baroque, a éclipsé d'autres oeuvres conçues pour la même occasion, dont l'opéra de Caldara. Selon l'usage de l'époque, Caldara a utilisé le sujet mythologique pour une apologie du souverain. L'intrigue est bien simple: les dieux se querellent et se révoltent contre Jupiter, mais ce dernier rétablit finalement son autorité et leur donne en exemple l'empereur Charles, un mortel qui est pourtant digne de leur admiration. Ce n'est pas évidemment cette trame maigre, mais la musique qui fait l'intérêt de l'opéra. On y trouve de nombreux airs de bravoure mettant à l'évidence le don de Caldara pour une facture raffinée évitant les lourdeurs baroques en faveur d'un style plus léger et gracieux. Il avait parfois tendance à traiter les voix comme s'il s'agissait d'instruments de musique ce qui rend ces airs beaux mais difficiles à exécuter. Les chanteurs de la première moderne ont eu quelque peine à s'identifier avec ce style exigeant, qui avait trouvé, jadis, ses meilleurs interprètes dans les castrats. Mais ces difficultés n'ont pas empêché le public du réfectoire du Cloître des dominicains, de savourer les plaisirs de cette musique surgie du passé pour nous rappeler que les valeurs véritables ne vieillissent pas.