La réaction tchèque à la situation en Ukraine
Suite à la tragique détérioration de la situation en Ukraine depuis mardi, alors qu’on parle désormais de dizaines de victimes, l’ensemble de la scène politique tchèque a condamné le nouveau recours à la force des autorités ukrainiennes. L’opposition tchèque a demandé au Président de la République Miloš Zeman de ne pas recevoir officiellement son homologue ukrainien Viktor Ianoukovitch, visite prévue pour le mois d’avril. Quant au nouveau chef de la diplomatie tchèque, le social-démocrate Lubomír Zaorálek, il a exprimé la position officielle du gouvernement, non moins catégorique sur sa condamnation des violences en Ukraine.
« Si, d’ici le mois d’avril, aucune solution pacifique n’est adoptée, il n’est que difficilement envisageable d’accueillir en visite officielle le dirigeant d’un pays dont les citoyens meurent dans les rues de la capitale. »
De son côté, le ministre des Affaires étrangères Lubomír Zaorálek a reçu hier au palais Černín l’ambassadeur ukrainien Borys Zaïtchouk, pour lui transmettre la position officielle de Prague :
« Les autorités à Kiev ont annoncé une opération antiterroriste, et je souligne bien le mot ‘antiterroriste’, pour réprimer les opposants de la place Maïdan, et refusent d’admettre qu’il s’agit d’un état d’urgence, alors que la police emploie des moyens dépassant totalement la définition de l’état de paix dans un pays civilisé. Le président Ianoukovitch ayant donc choisi la voie de la violence, j’ai dit à l’ambassadeur ukrainien que l’Ukraine cessait d’être un partenaire pour l’Europe, ainsi que pour la République tchèque. »Le conflit n’est bien évidemment pas noir et blanc, des violences étant également perpétrées du côté des opposants au régime. Cependant, la responsabilité première incombe au gouvernement, comme le précise encore le ministre des Affaires étrangères :
« La responsabilité relève de celui qui est au pouvoir, donc de celui qui a à disposition les organes de sécurité, dont l’emploi qui a été récemment fait est inacceptable. »
Les leaders des diplomaties européennes doivent discuter de la réaction européenne lors d’un Conseil des Affaires étrangères extraordinaire convoqué ce jeudi soir à Bruxelles. Les sanctions auxquelles recourront vraisemblablement les Européens consistent en des privations de visas pour les responsables des violences, lesquels pourraient également se voir geler les avoirs qu’ils possèdent dans différentes banques européennes. L’ancien ministre des Affaires étrangères Karel Schwarzenberg ne doute pas de l’efficacité de ces mesures :« L’Ukraine est dans une large mesure gouvernée par des oligarques, qui ont, naturellement, leur argent déposé dans des banques européennes. Geler ces comptes représente un levier considérable pour l’Europe, car il s’agit pour eux de défendre leur tirelire ! La politique des visas a, d’après moi, une valeur plutôt symbolique. »
Le directeur du département du Château de Prague en charge de la diplomatie Hynek Kmoníček s’est permis, quant à lui, d’émettre certains doutes quant à l’efficacité de ces mesures. Il note que, même sii la délégation européenne qui s’est rendu à Kiev ce jeudi matin, était parvenu à négocier une trêve, cela risquerait de compromettre la politique européenne qui consiste à manier la carotte et le bâton. Hynek Kmoníček considère que le manque de crédibilité dont jouit le président Ianoukovitch représente en effet un risque. D’un autre côté, il semble que les effets de cette politique se fassent déjà sentir :« Le fait que Ianoukovitch ait soudainement reculé, en l’espace de 24 heures, est clairement le résultat de la pression internationale. Cela prouve, dans une certaine mesure, que bien que les instruments dont nous disposons soient limités, Viktor Ianoukovitch en a déjà éprouvé la force. »
Pour le moment, la République tchèque fait preuve d’une position ferme et concertée avec les autres membres de l’Union européenne. Cette unanimité est cruciale pour l’Europe, qui reste traumatisée par son inaction tragique lors des guerres sanglantes des Balkans dans les années 1990. Toutefois il faut voir si cette unanimité ne sera pas ébranlée par les relations bilatérales avec l’autre grand joueur impliqué dans l’affaire, à savoir la Russie. La diplomatie économique serait-elle remise en question ?