La double qualité des aliments, un problème à moitié réglé
Mi-avril, le Parlement européen a approuvé la directive visant à renforcer la protection des consommateurs de l’Union européenne, et plus particulièrement la lutte contre la double qualité des aliments. Seulement, la directive n’interdit pas la pratique, contrairement à ce que voulaient imposer les eurodéputés tchèques et des pays d’Europe centrale et de l’Est. C’est pourquoi le ministre de l’Agriculture tchèque veut imposer des sanctions pouvant aller jusqu’à 50 millions de couronnes d’amende.
A titre d’exemple on trouve ainsi des chips produites avec de l’huile de tournesol et aromatisées au paprika en Allemagne, vendues en République tchèque dans une tout autre version: de l’huile de tournesol mélangée à de l’huile de palme pour la friture, et un exhausteur de goût pour l’assaisonnement. Telle limonade vendue en Allemagne est fabriquée avec du vrai sucre tandis qu’en République tchèque, ce dernier est remplacé par du sirop de fructose-glucose, moins onéreux. Et cette qualité moindre ne signifie même pas que le prix est nécessairement plus bas, certains produits de moindre qualité pouvant être proposés plus cher aux consommateurs tchèques.
La Tchéquie, justement, est depuis quelques années un des fers de lance dans la lutte contre cette pratique. Un engagement qui ne doit rien au hasard puisque ce problème concerne particulièrement les pays d’Europe centrale et orientale, offusqués de voir leurs citoyens considérés comme des consommateurs de seconde zone.
Mais la directive adoptée récemment par le Parlement européen ne va pas assez loin pour les eurodéputés tchèques, comme le relève l’une d’entre eux, Olga Sehnalová (ČSSD), à la pointe du combat depuis plusieurs années déjà :
« Le texte tel qu'il a été approuvé n’est pas bon. Désormais, la balle est dans le camp de la République tchèque et du législateur tchèque. S’il n’est pas possible de régler le problème de la double qualité des aliments au niveau européen grâce à une directive une bonne fois pour toutes, alors la législation tchèque doit entrer en jeu, notamment en termes d’étiquetage des produits. Si la double qualité n’est pas interdite, nous devons au moins forcer les producteurs à ce que celle-ci soit mentionnée sur l’étiquette. C’est quelque chose que la République tchèque peut faire seule. »Le ministre de l’Agriculture a d’ailleurs déjà annoncé préparer un projet de loi qui infligerait des sanctions à hauteur de 50 millions de couronnes (2 millions d’euros) aux industriels proposant des produits au rabais sous le même emballage que celui d’origine. Fin avril, Miroslav Toman a fait savoir que ces pénalités pourraient être mises en place d’ici un an. Mais pour le président de l’Union du commerce et du tourisme, Tomáš Prouza, ce projet ne règle qu’une partie du problème seulement. Selon lui, les industriels de l’agro-alimentaire occidentaux ne permettent pas aux commerçants tchèques d’acheter les produits destinés aux pays de l’ouest de l’Europe, les forçant à commander ceux « customisés » pour les marchés d’Europe centrale et orientale.
Le Premier ministre Andrej Babiš a déjà fait savoir qu’il allait rencontrer sous peu les représentants des chaînes de magasins pour déterminer si cette pratique, tout aussi déloyale, est effectivement en vigueur. « Il n’est pas possible d’avoir en Europe deux types d’Etats membres, deux catégories de citoyens, nous devons tous avoir les mêmes possibilités et les mêmes droits », a-t-il encore ajouté.