La douce révolution de velours

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Salut à tous les tchécophiles de Radio Prague – Ahoj vám všem milovníkům češtiny Radia Praha ! Le 17 novembre prochain, Tchèques et Slovaques commémoreront le vingtième anniversaire du processus qui a abouti à la chute du régime communiste et qui est appelé la « révolution de velours » – sametová revoluce. L’occasion d’entamer une nouvelle petite série d’émissions au cours desquelles nous nous intéresserons aux mots mais aussi aux désignations des institutions qui étaient employés avant 1989 et qui depuis ont disparu du dictionnaire ou plus précisément du langage des Tchèques et ne sont donc plus en usage. Mais pour cette entrée en matière, nous allons revenir sur cette appellation de « révolution de velours », qui est apparue pour la première fois en Tchécoslovaquie.

Rappelons d’abord pourquoi la série d’événements qui, entre le 17 novembre et le 29 décembre 1989, ont entraîné le renversement du gouvernement communiste et le passage à un système politique démocratique en Tchécoslovaquie a été appelée « sametová revoluce » - « révolution de velours ». A l’origine, les Tchèques parlaient plutôt de « něžná revoluce », c’est-à-dire de « révolution douce » pour évoquer une révolution aussi parfois appelée « listopadová revoluce » - la « révolution de novembre », en référence, bien entendu, au mois au cours duquel se sont tenues les premières manifestations de protestation.

A l’exception de la première manifestation des étudiants à Prague, le 17 novembre, dispersée à coups de matraque par les forces de l’ordre alors appelées Veřejná bezpečnost– soit littéralement la « Sécurité publique », (rebaptisée plus tard Police de la République tchèque – Policie České republiky) la non-violence qui a accompagné ces manifestations a été une des principales caractéristiques de la révolution tchécoslovaque. Cette absence d’affrontements et de lutte armée entre les autorités et la population est à l’origine de l’apparition du terme de « révolution douce » - « něžná revoluce ».

Ce que l’on sait un peu moins, en revanche, c’est que le qualificatif de « velours », utilisé pour la forme relativement calme et tranquille d’une révolution considérée « douce comme du velours », a certes été inventé par un journaliste tchèque, mais a surtout été repris par les médias étrangers. Et ce n’est qu’ensuite que le terme de « révolution de velours » a été progressivement utilisé par les Tchèques à leur tour avant de passer dans le langage courant, y compris celui des historiens.

Il est toutefois intéressant de constater que les Slovaques continuent, eux, plutôt de parler de « révolution douce » - « nežná revolúcia », et ce bien que les mots tchèque et slovaque pour désigner le tissu soyeux qu’est le velours possèdent la même étymologie et se ressemblent beaucoup dans la forme avec « samet » en tchèque et « zamat » en slovaque. Ainsi donc, à la différence de leurs voisins tchèques, les Slovaques préfèrent généralement l’emploi de « nežná revolúcia »à celui de « zamatová revolúcia ».

On l’a dit, le caractère exceptionnel des événements de 1989 en Tchécoslovaquie tient, entre autres, à l’esprit et à l’atmosphère pacifiques dans lesquels ils se sont tenus. Un fait tellement rare dans l’histoire le plus souvent ensanglantée des révolutions dans le monde que le terme de « révolution de velours » est depuis devenu synonyme de révolution, de renversement de régime politique autoritaire ou corrompu dont le déroulement se passe sans violence.

On pense dans ce contexte notamment à la révolution en Géorgie en 2003, souvent qualifiée de « velours » elle aussi, et ce même si elle est aujourd’hui communément désignée comme la « révolution des roses », en référence aux fleurs que portaient alors les opposants au régime d’Edouard Chevardnadze, et se range parmi les révolutions dites « de couleur » - « barevné revoluce », ou encore aussi parfois « des fleurs ».

La révolution des roses,  Géorgie,  2003
Ce terme de « révolutions de couleur » désigne la vague de mouvements plus ou moins non violents qui se sont succédés dans les pays post-communistes en Europe centrale et orientale et en Asie centrale afin de protester contre les gouvernements en place et de concourir à la mise en place de la démocratie ou à l’établissement d’une indépendance vis-à-vis de la Russie. Mais on s’est là quelque peu éloigné de notre « révolution de velours » en Tchécoslovaquie, puisqu’elle n’appartient pas à cette catégorie des « révolutions de velours ».

Et c’est ainsi que se referme pour cette fois le « Tchèque du bout de la langue », premier donc d’une série qui nous permettra de découvrir ou redécouvrir des mots, expressions et autres désignations d’institutions et organismes qui ont disparu du langage courant des Tchèques. En attendant de vous retrouver dès la semaine prochaine, portez-vous du mieux possible – mějte se co nejlíp !, portez le soleil en vous – slunce v duši, salut et à bientôt – zatím ahoj !